Tears Of The Trufflepig
Traduction: Paul Durant
“Ce n’est pas un mur, mais deux qui séparent le Texas du Sud du Mexique sous le regard perçant des Protecteurs de la frontière.
Les cartels alternent exécutions sommaires, intimidations et représailles avec la même violence que les narcotrafiquants d’aujourd’hui. À cette différence près que leur fructueux trafic porte désormais sur les têtes réduites d’indigènes et les objets d’art amérindiens.
Dans ce monde de demain dominé par la corruption, la cupidité, le racisme et les inégalités, Bellacosa, veuf désabusé, recherche son frère, probablement victime d’un enlèvement. En compagnie du journaliste Paco Herbert, qui enquête sur un autre marché scandaleux, il assiste à un banquet clandestin et hors de prix où l’on sert des espèces animales disparues, reproduites selon un procédé appelé la Méthode. Ils y rencontrent le cochontruffe, inoubliable créature, mythique et hautement symbolique.
C’est ici que le réalisme magique rejoint le roman noir.”
Une quatrième de couverture qui balaie très large, ma foi, pour une fois, c’est une aubaine parce que ce n’est pas coton de parler de ce roman, le premier de l’auteur américain Antonio A. Flores, né au Mexique et vivant au Texas, les deux cadres de l’histoire.
Deux mois après sa lecture, il est encore très difficile d’en parler, peut-être que je suis resté définitivement, hélas, au XXème siècle et ne sais pas apprécier la force novatrice d’un auteur qui, dès le premier essai rejoint James Crumley, Cormac McCarthy, Raymond Chandler, Kent Anderson, Harry Crews, Jean-Patrick Manchette, Pete Dexter, Larry Brown, Michael Guinzburg, Chuck Palahniuk, Jerome Charyn… dans ce panthéon du Noir qu’était, qu’est (?) la Noire. Dans un petit message sur le site de l’éditeur, Antoine Gallimard dit que “La Noire proposera aux lecteurs, avec exigence et parcimonie, un échantillon de ce que le roman noir offre de plus réjouissant, singulier, envoûtant et… dérangeant.”
Si on met ce message face à la réalité de “Les larmes du cochontruffe”, on peut se dire que le roman y a tout à fait sa place et que c’est peut-être à moi de changer de crèmerie tant je suis resté souvent si circonspect devant ce que je lisais. Je ne cache pas que je suis peut-être atteint par les premiers signes de sénilité précoce mais je persiste néanmoins à penser que ce roman laissera dubitatif plus d’un lecteur de noir expérimenté. Antoine Gallimard revendique un élan de singularité, d’envoûtement et de dérangement et on a bien tout cela dans le roman.
Singulier, le livre l’est assurément mais sûrement un peu trop car s’il est facile dans une uchronie d’inventer, de créer, de faire vivre son imagination débordante, il manque ici un soupçon de crédibilité pour que le lecteur lambda, moi en l’occurrence, entre dans cet univers salement barré.
Envoûtant et dérangeant, il l’est aussi et là c’est à mettre à son crédit. Certains passages sont bien flippants, le climat général est malfaisant, inquiétant, déplaisant voire dégoûtant sans jamais être gore. Le roman diffuse un malaise proche de celui que j’ai ressenti avec “Prélude à un cri” de Jim Nisbet ou “Porno palace” de Jack O’Connell, romans noirs génialement terrifiants mais avec une intrigue solide que l’on a un peu du mal à trouver ici.
Bien sûr, chez Gallimard, ils savent mieux que moi ce qu’est un polar et comment le concept doit évoluer en lorgnant vers des horizons plus… fumeux ? Le côté réjouissant revendiqué par l’éditeur ne m’a pas, par contre, sauté aux yeux. Peut-être faut-il ingérer du peyotl comme un des personnages du roman pour apprécier les facéties et la tristesse du fameux cochontruffe dont je vous laisse le plaisir de la découverte ? Puis reprendre une bonne dose pour succomber au charme du retour (on ne sait trop d’où et d’ailleurs à quoi bon ?) d’une tribu disparue de la surface du globe depuis plusieurs siècles.
Alors, je me garderai bien de conseiller ce roman, la page fb de Nyctalopes n’a pas besoin de perdre le petit nombre d’amis qu’elle compte et puis si vous n’accrochez pas, cela fait un peu cher le ratage. Mais je ne peux pas non plus le déconseiller. L’écriture, l’imagination, la poésie, la marge peuvent séduire les plus aventureux des amateurs de noir et les moins pointilleux sur la notion de polar.
Après Mictlán de Sébastien Rutés en janvier, “les larmes du cochontruffe” en septembre… c’est l’année du Mexique à la Noire ?
Tequila Time !
Clete.
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