
«Et il se concentra.
200 mètres. Ce qui exigeait le tir parfait.
Il n’avait pas droit à l’erreur.
Il n’eut plus aucune pensée.
Que la concentration absolue sur la cible.
La course lente du doigt sur la détente.
La balle de l’Ultima qui part, qui tournoie.
Cette balle qui amorce sa trajectoire et fend l’air.
Cette balle faite pour défendre et protéger.»
Paris. Et en alternance :
– Athéna, Arès, Hadès…des surnoms choisis par de vieux ados …de 30 ans… qui fuient le monde qu’ils refusent. Ils ont même construit une cabane dans la forêt pour y repenser ce monde, lutter contre « les nouvelles formes d’hégémonie de la Big Tech » et…s’entraîner au tir…
-Rémi :
«Jusqu’aux longues heures derrière sa lunette à l’antigang, pour contrer des terroristes ou des forcenés, Rémi avait la protection dans le sang.
C’était un chien d’avalanche. L’humain en détresse, il s’épuiserait à le sauver.»
Rémi qui parle à son arme comme à un bébé, est rappelé, un soir de Noël enneigé, par TopazeN°1: son chef, despote et vicelard « au regard torve et à l’esprit tordu » pour assurer la protection de :
-Richard Schönberg. Un requin cynique qui compte, avec son fils Tristan, futur héritier de son empire, révolutionner le Vieux monde en investissant à tout-va dans l’IA. Il vient de recevoir des menaces de mort mais organise un réveillon d’enfer au musée des arts forains…
Les lecteurs fins limiers croient avoir déjà résolu l’énigme : un des vieux ados va vouloir tuer le milliardaire des médias que Rémi va (ou non) protéger ! Et ils ont tout faux !
Un député va être abattu par un sniper, et Rémi accusé du meurtre…l’histoire commence vraiment et la fin nous laissera pantois !
C’est le 4ème roman policier d’Ingrid Astier paru chez Gallimard (Série noire) après Quai des enfers (2010. Rémi travaillait alors à la Brigade Fluviale), Angle mort (2013), Haute voltige (2017). La vague, Roman noir, paru en 2019 (Equinox/Les Arènes).
Ultima est, comme les précédents livres, le résultat d’un important travail stylistique et documentaire. Le souci du détail est impressionnant mais, pour moi, à double tranchant : on peut vite saturer en lisant tous ces sigles des différents services de police, cette prolifération de mets sophistiqués, les longs descriptifs de fusils de précision haut de gamme et les performances des voitures de luxe…
D’une part, donc, ces groupes « d’hacktivistes » qui s’emploient à déstabiliser administrations et grandes entreprises, en saturant des sites internet, en divulguant des données, en prouvant « l’inanité de l’information instantanée. » D’autre part, ceux qui contrôlent les marchés numériques, se laissent fasciner (et donc asservir) par le bluff de « l’intelligence » artificielle et s’approprient les leviers politiques…
L’opposition est habilement argumentée et convaincante.
Et, comme un trait d’union entre ces deux mondes, le brigadier Yoann Guilloux expert en informatique qui tricote lui-même ses pulls en laine ! (« au graphisme contemporain », bien sûr!)
Un polar énergique dans lequel le lecteur oscille entre le bien, le mal, le réel, l’imaginaire, la haine, l’amour … avec toujours, en point de mire, son héros : Rémi, farouche et fidèle, humble et inébranlable.
Soaz.
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