Traduction: Josette Chicheportiche.
« À vingt-six ans, Roy Allison retrouve la liberté après dix années passées en prison. De retour chez lui, il a la ferme intention de redevenir un type bien. Pas question de replonger. Mais dans cette région à la frontière de l’Arkansas et de la Louisiane, la crise économique a fait des ravages, la guerre a brisé des familles, et le monde qu’il retrouve part à la dérive. Et personne n’a oublié les raisons pour lesquelles Roy s’était retrouvé derrière les barreaux ni ne lui a pardonné ses erreurs. Alors, à quoi sert de se comporter en bon fils dans ce pays en ruine où seul le crime vous donne encore l’impression d’être en vie ? »
Il est certain que les romans parlant des rednecks sont maintenant légion et qu’on peut parfois souffrir de l’indigestion tant ils ont tendance à se ressembler dans la forme et souvent dans le fond avec des histoires violentes sous meth, explorant le filon de situations choquantes où la pire vermine blanche ricaine devient la star de romans hallucinés où le déchaînement d’ignominies peut paraitre parfois légitimé pour les auteurs par la situation bien triste de ces coins perdus où la loi n’a pas eu cours très longtemps. Alors, ce « bon fils » est-il une énième inutile preuve de la chute de la maison Amérique gangrénée par le chômage, le trafic de came et l’abandon de l’Etat dans les coins les plus reculés ? Non, le roman de Steve Weddle est bien plus ambitieux, brillamment écrit et construit, propice à la réflexion et parfois un vrai crève–cœur par ces tragédies banales, ordinaires, ces choix à faire dans la douleur ou dans ce parti pris choisi de la délinquance. Bien sûr, ces calamités du chômage, du portefeuille vide, de la solitude, de l’abandon, elles ont de plus en plus un caractère universel dans des pays occidentaux où l’écart continue de se creuser de manière folle entre les nantis et les autres en proie à la précarité mais il me semble que cet aspect est beaucoup plus évoqué par les auteurs ricains. Aussi quand Benjamin Whitmer du fin fond du Colorado, Steve Weddle de la frontière entre l’Arkansas et la Louisiane vous montrent la misère ordinaire avec une plume largement au-dessus du lot d’un point de vue émotionnel, le combat souvent vain pour sortir la tête de l’eau, il ne faut pas rater ces rendez-vous éprouvants mais si prenants.
Le roman commence et se termine avec Roy mais c’est aussi et surtout l’histoire de la communauté rurale qu’il retrouve qui est ici racontée. Le chômage, les traites à payer, les combines minables, les petits trafics, la solitude, la corruption, la came, la délinquance, la guerre, le système de santé, la violence, la mort, la perte, les espoirs, les rêves, le baseball… tout y passe et parfois le propos peut paraître complexe et il est sûr que le roman demande une certaine attention afin de comprendre les liens qui unissent tous ces moments, tous ces lieux, tous ces gens mais on est récompensés tant l’empathie qu’arrive parfois à faire naître Weddle vaut vraiment la lecture tout comme chez Whitmer.
Ne nous trompons pas, non plus, nous sommes bien dans la collection néonoir et si la violence physique est moins visible que dans certains autres opus de la collection, il existe néanmoins des fulgurances qui ne font pas du « Bon fils » un roman juste contemplatif même si le plus douloureux, le plus terrible est provoqué par des histoires à la fois tristes et banales.
Enfin, n’oublions pas que c’est une Amérique réelle qui nous est présentée ici, un réservoir pour Trump, qui, hélas, est leur seul espoir face à une Hillary Clinton qui fait des conférences pour Goldman Sachs (à 250 00 dollars l’heure) en expliquant que ce ne sont pas les banques qui sont les responsables de la crise de 2008 mais les classes ouvrières qui se sont trop endettées… Hillary Clinton dont la campagne sénatoriale sur l’état de New York au début des années 2000 a été financée par Donald Trump.
Prenant et important.
Wollanup.
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