Quand on se prénomme Jimmy, quand on a a grandi dans le Loiret près d’une base américaine, quand, « dans une autre vie », on a produit des groupes de rock, quand on est éditeur de polars, on a sûrement un vécu, un amour, des histoires autour de l’ Amérique et de fait, Jimmy Gallier, le boss de JIGAL nous délivre une belle et touchante déclaration d’amour datant de la tendre enfance, si ancrée dans ses souvenirs qu’il omet de renseigner les questions qui pourraient ternir le tableau. Merci à toi Jimmy Gallier pour ce témoignage qui une fois de plus montre le passionné que tu es.
Première prise de conscience d’une attirance pour l’Amérique
J’avais environ 10 ans et j’habitais avec mes parents dans un village près d’Orléans, hameau dans lequel était installée une des plus grandes bases américaines de l’époque. On croisait alors dans les rues davantage de GI que d’habitants frenchy. Et ces Américains étaient là, en famille, avec femme et enfants, mais aussi avec leur Ford, Chevrolet, Mustang, Coccinelle, Cadillac 54, immenses bus américains, GMC de transport de troupes et les Jeep, bien sûr… Bref des centaines d’énormes paquebots américains qui traversaient le village chaque jour ! C’était une autre planète et tous les gamins dont je faisais partie étaient complètement scotchés par la démesure de ces bagnoles, par la stature impressionnante des hommes de la MP (Military Police) qui d’ailleurs foutaient visiblement les jetons à tous les GI un peu éméchés , par tout ce qu’on découvrait alors, qui semblait venir d’ailleurs…
Une image
Une image ? Non plusieurs : les GI, les voitures américaines, les chewing-gums et les canettes de bière ! Dès qu’on voyait arriver un bus américain – ils étaient alors 3 fois plus gros que leurs équivalents français, du moins dans mon souvenir – nous courrions après en leur faisant des signes, et ils nous lançaient par la fenêtre des paquets de chewing-gums ! Pareil qu’au Vietnam 😉
Une autre image ? un soir, un groupe de GI qui, un peu à l’écart d’une rue, semblait se planquer et qui secouait en se marrant des boîtes métalliques que je n’avais jusqu’alors jamais vues ! C’était bien sûr des canettes de bière dont ils se sont généreusement aspergés en hurlant…
Un événement marquant
Le 21 juillet 69, 3H56 heure française, nuit noire, yeux fatigués, télé en noir et blanc posée sur le frigo dans la cuisine : un premier homme sur la lune ! Wao…
Un roman
Pareil que pour la musique… Il y en a beaucoup… Mais, sans être limitatif, Harrison (tout…) et Crumley (La danse de l’Ours) restent dans mon panthéon personnel.
Un auteur
Un seul ? Ah non, là encore, ça va pas être possible ! Deux, trois, dix, cent… Au tout début les classiques, Mark Twain, Hemingway, London… Puis plus tard Ginsberg, Bukowski, John Fante, Kerouac, Selby… et puis une tonne de polardeux, les Chester Himes, Chandler et les autres… Puis le Montana avec Rick Bass, Mc Guane, Welch… Et surtout Jim Harrison et James Crumley, je l’ai déjà dit… J’en ai bien sûr oublié mille… Pas grave, ils m’ont tous nourri !
Un film
On est en 64, 65…, j’ai une dizaine d’années, mes parents habitent juste en face du ciné du village – oui, ça paraît incroyable, mais il y avait encore des cinémas dans les villages –, le Rex, le Kino ou un nom comme ça, je ne m’en souviens plus… Les fauteuils en velours rouge, défoncés, les minots du village plein la salle qui gueulaient… Et moi tous les dimanches après-midi, après le repas et le poulet rôti, je traversais la rue et m’engouffrais dans ce temple. Je les ai tous vus, les westerns, les péplums et les nanars…Tous ! Et encore une fois ces films, ces histoires, ces images, ces acteurs, ces starlettes, tout semblait arriver direct d’un autre monde ! Et je crois bien d’ailleurs que c’était le cas !
Un réalisateur
John Ford, Anthony Mann, Arthur Penn, John Huston, puis Scorsese, Coppola… et beaucoup d’autres dont j’ai oublié les noms et qui ont eux aussi abreuvé mes nuits de polars noirs, de westerns sanglants, de fictions déjantées, de comédies too much…
Un disque / Un musicien ou un groupe
La musique, elle vient un tout petit peu plus tard… On commence à voir quelques groupes qui, dans la salle paroissiale, répètent en boucle les chansons des Beatles, on harcèle même le prof de musique pour en reprendre une, nous aussi, avec la chorale… C’est l’époque où la nuit, avec une radio portable et des écouteurs, j’écoute RTL et Jean Bernard Hebey en me planquant sous les draps… Bref la révolte gronde, le rock est parmi nous ! Et d’un seul coup, ça débarque de partout brutalement…
Les solos de guitares, les cheveux longs, les amplis Marshall, les Stratocaster, les Gibson, Jimi Hendrix, les Doors, Grateful Dead, Arlo Guthrie, Jefferson Airplane, Santana, Canned Heat, Les Creedence, Moutain, CSN&Y et plus tard Lou Reed, les Ramones, les New York Dolls… et des flopées d’autres, mes oreilles en résonnent encore !
Une série TV
No série.
Un personnage de fiction
Tom Sawyer in « Les aventures de Tom Sayer » de Mark Twain. Une de mes premières claques littéraires ! La découverte de l’Amérique…
Un personnage historique
Sitting Bull, un sage !
Une personnalité actuelle
Euh… presque actuelle : Steve Jobs.
Une ville, une région
New York, bien sûr, qu’on a parfois l’impression de connaître sans jamais y avoir mis les pieds… Mais aussi la Californie, le Montana, le nouveau Mexique, la Floride, Hawaï… bref toutes les images d’Épinal issues des films et de mes lectures…
Un souvenir, une anecdote
Dans une autre vie, dans laquelle je produisais ou plutôt j’essayais de produire quelques disques, avec ce jour-là, un groupe de Blacks Américains, à Paris, une nuit dans un studio d’enregistrement miteux et ces mecs, le pianiste, le bassiste, le batteur, le chanteur… qui jouaient tous comme des dieux, qui chantaient comme dans les films… En 5mn ils avaient lancé un putain de groove… On s’y croyait… Et rien ne pouvait plus les arrêter ! Sacré nuit, sacré souvenir… mais à l’arrivée, sacré flop !
Le meilleur de l’Amérique
La musique (enfin… une certaine musique plutôt), la littérature, le cinéma, quelques belles inventions , quelques mythes… et le rêve américain bien sûr !
Le pire de l’Amérique
La liste serait trop longue… Je ne vais pas aujourd’hui m’appesantir et préfère garder en mémoire tout ce qui m’a ébloui, surpris, interloqué, fasciné ou fait rêver…
Un vœu, une envie, une phrase.
Deux phrases, deux mondes… :
– « I had a dream… »
et
– « Good morniiiing Vietnam… »
Une envie :
– Aller y vivre quelques mois, un jour peut-être…
Entretien réalisé par mail le 3 juin 2016.
Wollanup.
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