Chroniques noires et partisanes

Étiquette : mark haskell smith

COUP DE VENT de Mark Haskell Smith/ Gallmeister

Blown

Traduction: Julien Guérif

Mark Haskell Smith a changé d’éditeur mais on s’en fiche un peu du moment que ses romans nous parviennent. C’est le sixième du résident californien originaire du Kansas et c’est à nouveau excellent. Le précédent, “Ceci n’est pas une histoire d’amour”, loin d’être le meilleur avait surtout plu au milieu de l’édition qui y était pourtant fortement brocardé mais avait aussi permis à l’auteur de sortir d’un anonymat en France bien injuste vu l’aspect particulièrement roboratif du reste de sa production. Grand défenseur de la consommation de la weed ( il a d’emblée tout mon respect), MHS est spécialiste des situations perchées, autres, particulièrement hilarantes. On le compare souvent à son homologue de Floride Carl Hiaasen mais il serait plus juste de parler du regretté Elmore Leonard qui n’aurait pas renié pareil roman.

“À quoi sert d’avoir dix millions de dollars en devises variées si, comme Neal Nathanson, on se trouve perdu en mer à bord d’un voilier en train de sombrer ? Strictement à rien, sauf à en brûler un sac ou deux dans l’espoir fou d’attirer l’attention. Sauvé in extremis, Neal se réveille attaché au garde-fou d’une navigatrice en solitaire, méfiante et bien décidée à entendre son histoire.”

D’ entrée, et ce ne sera pas la seule, une situation particulièrement improbable: un type, naufragé qui brûle des liasses de billets pour attirer un bateau passant à l’horizon… En fait, nous sommes quasiment à la fin. Neal va donc raconter l’histoire… Venant d’un autre écrivain, on dirait « déjà vu et revu » mais le traitement par le Ricain fait exploser le scenar. De fait, c’est tout simplement l’histoire d’un trader qui décide de s’en foutre plein les poches en arnaquant sa banque de quelques millions de dollars puis de disparaître. Evidemment la banque met du monde à ses trousses et on y adjoint des tocards caribéens volant sous leur propre bannière et particulièrement ravagés. Le mélange est détonant, on ne marche pas, on cavale le sourire aux lèvres et on est prêt à suivre l’auteur dans tous ses délires agrémentés d’une critique bien vitriolée de Wall Street, de l’économie offshore ainsi que d’une jolie invitation à envoyer balader l’american way of life et ses clones européens pour se découvrir en tant que personne libre.

Si on ne rencontre plus de gode géant de 50 cm comme par le passé, nul doute que ceux qui découvrent l’oeuvre du Ricain trouveront certaines scènes salées. On connaît “les monologues du vagin” et Smith invente lui, les dialogues du… vous verrez. Ah ouais, il y a du cul, de l’expressif, du torride et du comique comme d’habitude. Et beaucoup de morts aussi, c’est un polar. Même si on est moins plié en deux que dans “Défoncé” par exemple, ce périple sanglant dans la Caraïbe se lit le sourire aux lèvres et fait beaucoup de bien.

Très bonne came !

Wollanup.


CECI N’EST PAS UNE HISTOIRE D’AMOUR de Mark Haskell Smith / Rivages.

Traduction:Julien Guérif.

« Les meufs qui ont des couilles assurent. »

« TUCSON AIME LA CHATTE. »

Cinquième roman de Mark Haskell Smith et encore un petite merveille d’humour et d’inventivité sur un sujet à nouveau inédit pour l’auteur qui se renouvelle à chaque écrit. Mark Haskell Smith produit des polars qui n’en sont pas vraiment même si à chaque fois on y trouve des meurtres. Par contre, inévitablement, on a le droit à un savant cocktail de bouffonneries, de situations invraisemblables, de scènes de cul,  et de dialogues qui claquent dans des romans toujours impeccables  malgré les excès en tous genres ou grâce à eux aussi et témoignant d’une évidente empathie pour ses personnages .

Sepp Gregory, star de télé réalité élu « homme le plus sexy de l’année » par la presse people, est en tournée de promotion de son premier roman, très autobiographique. Sepp n’a même pas besoin de lire le livre, il le vit en direct ! Le triomphe est immédiat, au point de lui valoir l’attention… de gens sérieux. Lorsqu’elle entend l’invitée de l’une des émissions les plus cérébrales du pays s’épancher sur les abdos de Sepp, Harriet Post, critique respectée, hurle au scandale. Décidée à révéler au grand public à quel point le succès littéraire de Sepp est une escroquerie, elle lit son livre, Totalement réalité, et… le trouve génial ! Pour elle, c’est forcément l’œuvre d’un nègre, qu’elle compte donc débusquer, mais un concours de circonstances entraîne Sepp et Harriet dans un road-trip qui se révèle vite ultra-hot. « L’esprit » rencontre « le corps », et la situation échappe à tout contrôle.

Le nombre de chroniques dithyrambiques déjà écrites tendrait à prouver que beaucoup de chroniqueurs découvrent l’auteur avec cette satire ébouriffée et ébouriffante qui pourtant n’arrive pas à la cheville de son dernier roman « Défoncé » déjà paru chez Rivages, comme tous les autres, en 2013. Espérons que ce succès critique sera suivi d’un succès public et que les gens en profiteront pour lire les précédents bouquins tous hautement recommandables. Tous le romans de Haskell Smith sont bons, gravement barrés et très orientés sexe. L’auteur ne s’en cache pas, il fume de la beuh quand il écrit et peut-être aussi à d’autres moments et sans faire l’apologie des drogues, cela lui réussit vraiment, au niveau de l’inspiration, particulièrement fertile et débridée, comme ce fut le cas pour son chef d’œuvre « Défoncé » qui parlait d’un doux dingue qui avait créé la meilleure herbe du monde et qui devait affronter bien des périls suite à sa grande découverte.

Dans ce roman à nouveau fracassant, il s’attaque à la télé-réalité, à ses « stars » et une fois de plus, il s’en donne à cœur joie, un gros délire et une attaque chargée et néanmoins empreinte de beaucoup de lucidité… et n’allez pas dire que je regarde ce genre de programmes mais sans le vouloir, on finit toujours par croiser certains de ces tristes sires au détour d’un malencontreux zapping.

Néanmoins si le sujet est propice à la moquerie tant ce monde créé par les médias pour faire rêver une partie de l’humanité tandis que l’autre partie se gausse ou se lamente devant l’affliction créée par ces candidats au rêve en carton, l’auteur apporte une réflexion assez aboutie au milieu des pire délires, montrant le possible tourment des « stars » ayant perdu pied, sans plus aucune connexion avec justement la réalité, l’opposition réalité, télé-réalité souvent soulignée dans le propos.

Sous la farce, Haskell Smith glisse une certaine réflexion et une certaine tendresse pour Sepp et par le biais de Harriet, antithèse de l’étalon précédemment cité, offre une critique virulente et désopilante du monde de l’édition dans son ensemble allant même jusqu’à éclabousser pour le meilleur… les blogueurs. Comme toujours chez l’auteur, il y aura des scènes de cul torrides et comme bien souvent aussi les héros, en voulant s’en sortir, sombreront de manière encore plus pathétique. Pas spécifiquement un roman noir mais réellement un bouquin qui vous mettra de bonne humeur par sa jouissive méchanceté et sa subtile loufoquerie.

Gravement barré!

Wollanup.

PS: « Défoncé » est sorti en poche en juin.

 

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