Lieu et contexte du récit sont dans une ZAD…La ZAD, un lieu communautaire, d’échanges et d’affrontements drainant une population hétéroclite reste, de la même, l’épicentre d’un discours politique marqué. Fusions et antagonismes coexistent. Camille, la figure centrale du roman, se retrouve dans une période d’existence où les éléments contraires se mutualisent à son encontre. Professionnelle, personnelle, philosophique, sa destinée est plongée dans des incertitudes menaçantes et ses roubignoles auront tout de même voix au chapitre. (…!)

«Camille Destroit, quadra, célibataire, responsable des achats du rayon frais à l’hyper de Cassel, est interpellé lors de l’évacuation du site de Zavenghem, occupé par des activistes. A sa sortie de GAV, le hangar où il stockait des objets de récup’ destinés à ses potes zadistes (ZAD = Zone à défendre), n’est plus qu’un tas de ruines fumantes. Son employeur le licencie, sa copine le quitte et il se fait tabasser par des crânes rasés. Difficile d’avoir pire karma et de ne pas se radicaliser.Heureusement, la jeune Claire est là qui, avec quelques compagnons de lutte, égaye le quotidien de Camille et lui redonne petit à petit l’envie de se révolter et de tuer tous les affreux : en l’occurrence la famille Valter, les potentats locaux et ennemis désignés des zadistes, sur qui Camille va enquêter pour trouver de quoi les neutraliser. »

La problématique de la Zone A Défendre reste, à mes yeux, un prétexte contextuel. Ma « véritable » lecture de cet écrit s’est focalisée sur ce personnage connecté avec son temps mais victime, néanmoins, de cette modernité. Victime, oui donc, dans ses différents aspects, tant sur le plan de son engagement salarié et ses conflits hiérarchiques, erratiques que dans sa vie d’homme avec ses affres myocardiques en relation directe avec le genre opposé, que dans sa (dé)construction de valeurs idoines à ses engagements sociaux, associatifs où les préceptes sont basés sur la notion exclusive d’égalité. (marqueur intangible et indélébile d’inflexion politique)

Jean-Bernard Pouy nous habitue, à l’instar des perles telles « Spinoza encule Hegel », « Suzanne et les ringards », « La Belle de Fontenay » ou autre « Roubignoles du destin », à un style propre. L’auteur se joue des mots en s’inscrivant dans un burlesque décalé, exacerbé de façade. Emporté par sa fougue joyeuse, dont l’homme-écrivain ne semblant ne faire qu’un, il nous mitraille d’une culture tous azimuts jouant ce jeu populaire baltringue du ping-pong verbal sans règles pré-établies. Mais, mais, ses règles sont bien présentes derrière les lourdes tentures vaudevillesques. Car il y a toujours, dans ses efforts littéraires, un fondement, pas de la luxure, une architecture nous dirigeant vers une morale profondément humaine, humaniste nous pouvons le clamer, et indéfectiblement politique. Il est de ces homo sapiens sapiens qui ont le goût du paraître verbal sans se prendre au sérieux mais désireux de transmettre des idées, un message, un discours pour et par la cité. Est-ce philosophique? N’ayant jamais forniqué avec Spinoza, ni Hegel, je ne saurai l’affirmer or cette constance stylistique ainsi que cette volonté, ce but, cette mission objective de nous délivrer une vérité, sa vérité nous aident à diagnostiquer son penchant inné…

JBP, jongleur des mots, n’est pas qu’un saltimbanque il est aussi, voire surtout, un oculiste pointant nos déficiences sociétales. Hypermétrope ou presbyte il éclaire de la même façon, avec sa faconde, notre dédale d’esprits formatés, cadenassés.

Jubilatoire (mais) didactique!

Chouchou.