Shadowplay
Traduction: Carine Chichereau.
« Voilà comment je rentre dans un rôle, très cher. Je regarde les autres. C’est tout. Leurs manières, leurs habitudes, leur accent. La démarche d’une personne compte autant que tout ce qu’elle dit. La manière dont elle lève son verre de vin. Dont elle tire un rideau. Le mot sur lequel elle insiste lorsqu’elle prononce une phrase. La plupart de ses regards. Quand tu as trouvé ça, tu as tout le reste. […] … c’est une question de regard, mon cher Bram. Savoir que tout contient son opposé. C’est la clef pour jouer Ophélie, Desdémone, lady Macbeth. Cela rajoute quelque chose à chaque amant qui veut être éconduit. A chaque méchant qui veut être aimé. Tous les méchants du monde sont le fruit d’un amour brisé. Oublie ça, et le public ne te suit plus. »
Le Bal des Ombres, ce titre qui sonne comme une promesse : promesse tenue.
Histoire d’une fin de siècle, à Londres, histoire d’une fin d’époque aussi, j’ai lu Le Bal des Ombres comme un hommage à la création et à la passion de créer. La rencontre, à Dublin, entre Bram Stoker – chroniqueur littéraire à ses heures perdues – et Henry Irving, monstre sacré de la tragédie shakespearienne, donnera naissance à l’une de ces amitiés aussi chaleureuses que capricieuses, destinées à la vie éternelle.
Lorsque Irving propose à Bram Stoker le poste de secrétaire de son nouveau théâtre, le Lyceum à Londres, le futur créateur de Dracula sent qu’il s’agit d’un tournant dans sa vie impossible à ignorer. Il suivra donc l’acteur génial et monstrueux, en entraînant Florence, future Madame Stoker, dans son sillage. Quitter Dublin, quitter un emploi ennuyeux mais stable pour la passion des lettres, celle du théâtre, celle d’une vie rêvée : l’éruption de Henry Irving dans la vie de Stoker est un tremblement de terre.
Irving, Stoker, certes, mais il ne faut pas oublier la magnifique Ellen Terry, aussi fantasque que géniale, femme de scène inoubliable, passerelle vers le cinéma où elle a joué quelques rôles muets lors de la fin de sa carrière. Amie très proche de Henry Irving, elle le devient aussi pour Stoker dont elle admire et encourage l’écriture.
Voici donc le trio qui évolue au fil des pages de ce superbe roman : l’évolution du Lyceum, les tournées aux Etats-Unis, les réflexions de Stoker autour de l’écriture, son acharnement et ses obsessions, l’apparition de Mina, Londres terrorisée par un tueur en série, le temps qui passe, Le Bal des Ombres est de ces lectures qui vous transportent à tout point de vue.
Rajoutez à tout cela une traduction faite comme dans du miel et vous obtenez un roman indispensable à votre liste 2020 !
Monica.
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