
« Une famille. Plusieurs générations de larmes et de calculs. Des femmes pleurent et s’en remettent aux médicaments. Des hommes comptent, aimantés par les chiffres.
Depuis longtemps, une enfant se souvient qu’elle a regardé.«
Après deux romans publiés aux éditions du Chemin de Fer, Les corps ravis (2018) et Finir l’autre (2019), la Messine expatriée à Paris, Justine Arnal, revient avec un nouveau roman, Rêve d’une pomme acide, chez Quidam éditeur cette fois. Un livre qui a tous les atouts pour faire parler de lui.
L’histoire écrite par Justine Arnal est autant une histoire familiale qu’universelle, une histoire locale qu’une histoire sans frontières. Elle nous immerge dans une famille où les femmes, selon un schéma malheureusement bien connu, sont réduites à une existence rythmée par leurs tâches domestiques répétées et pesantes. La cellule familiale se referme sur elles et les enferme. Une vie parfois étouffante où les larmes se mélangent aux médicaments. Autour d’elles, les hommes, plus occupés à compter leurs sous et tout ce qui est chiffrable, plutôt qu’à épauler les femmes, sont incapables de prendre conscience de la réalité qui est la leur et de s’impliquer comme il se doit pour changer la donne. Au fil du récit, le noyau dur de cette famille constitué d’une mère, d’un père et de leurs trois filles, va imploser avec le suicide de la mère. Une brutale et tragique secousse qui va mettre tout ce petit monde en émoi.
Dans son récit, Justine Arnal fait preuve de beaucoup de clairvoyance et de subtilité. Le fait d’être psychologue et psychanalyste de son métier n’y est probablement pas pour rien. C’est avec justesse qu’elle rend perceptible tout ce qui pèse sur cette famille. Ecrit d’une plume douce et poétique, à la forme parfois changeante, le texte est riche en émotions mais ne déborde jamais dans le pathos. On est pris par son écriture qui insuffle de la lumière à une histoire pourtant douloureuse.
Il y a dans Rêve d’une pomme acide un fort ancrage local. Situé entre la Lorraine et l’Alsace, Justine Arnal fait souvent référence aux mœurs locales et étaye son histoire d’expressions en alsacien. Etant moi-même alsacien et de l’âge de Justine, j’ai été on ne peut plus sensible à cela et à toutes les références ici présentes. Cette empreinte locale est très réaliste et donne une couleur particulière au récit. C’est donc une perception très subjective, mais cela a éveillé chez moi beaucoup d’images et de souvenirs, me donnant d’autant plus l’impression que Justine Arnal était dans le vrai. La fiction fut ainsi bien moins fictive.
Sans nul doute, le roman de Justine Arnal est une précieuse surprise dont le charme mélancolique séduit. Un livre sensible qui dit beaucoup de la vie en seulement 200 et quelques pages. C’est une belle et sincère voix qui s’exprime ici. On en reprendrait bien encore un stück, comme on dirait par chez nous.
Brother Jo.
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