Chroniques noires et partisanes

Étiquette : jonathan coe

LE COEUR DE L’ANGLETERRE de Jonathan Coe / Gallimard.

Middle England

Traduction: Josée Kamoun

Quand on a eu la chance de faire la merveilleuse rencontre avec l’auteur anglais Jonathan Coe avec “Testament à l’anglaise”, il  y a très longtemps, le nom reste gravé dans sa mémoire de lecteur et chaque nouvelle sortie du quinqua de Birmingham est en soi un petit événement.

“Comment en est-on arrivé là? C’est la question que se pose Jonathan Coe dans ce roman brillant qui chronique avec une ironie mordante l’histoire politique de l’Angleterre des années 2010. Du premier gouvernement de coalition en Grande-Bretagne aux émeutes de Londres en 2011, de la fièvre joyeuse et collective des jeux Olympiques de 2012 au couperet du référendum sur le Brexit, Le cœur de l’Angleterre explore avec humour et mélancolie les désillusions publiques et privées d’une nation en crise. 

Dans cette période trouble où les destins individuels et collectifs basculent, les membres de la famille Trotter reprennent du service. Benjamin a maintenant cinquante ans et s’engage dans une improbable carrière littéraire, sa sœur Lois voit ses anciens démons revenir la hanter, son vieux père Colin n’aspire qu’à voter en faveur d’une sortie de l’Europe et sa nièce Sophie se demande si le Brexit est une cause valable de divorce.”

La quatrième de couverture de l’éditeur le dit, c’est indéniable, mais cela ne m’a pas sauté aux yeux de suite… “Le coeur de l’Angleterre” est le troisième volume de la saga de la famille Tropper entamée avec le génial “Bienvenue au club” sorti en France en 2003 et racontant de manière virtuose et souvent très drôle les années 70 d’une bande d’ados et de leurs familles. Suivra en 2006, “le cercle fermé” où Coe racontera la destinée de ses personnages, vingt ans après, pendant les années Blair avec toujours ce mélange de causticité et d’émotion, de la très belle ouvrage…Enfin, treize ans après, “Le coeur de l’Angleterre”, troisième volet commençant en 2010 pour se terminer en 2018 avec toujours Benjamin, Doug dans la cinquantaine plus ou moins réussie, plus ou moins épanouie. 

Comme dans les deux premiers romans, beaucoup de personnages, importants et annexes, beaucoup de situations et surtout la perfide Albion, véritable héroïne, qui dans ces années 2010 mérite bien son surnom. La politique, les émeutes à Londres, la mort d’Amy Winehouse, les JO de Londres, le Brexit, tout cela dans la lorgnette des personnages, les conséquences sur leur vie, sur leurs relations. Une fois de plus, Coe démontre son immense talent d’écrivain, ce ton souvent malicieux mais aussi empreint de tendresse. 

Mais il y a quand même certaines réserves et elles ne sont pas minces. Si le nombril de l’Angleterre vous indiffère, passez votre chemin. De plus, s’il est tout à fait possible de lire ce troisième volume sans connaître les deux précédents, vous ratez quand même beaucoup de la finesse du roman et ne comprenez pas forcément les réactions des personnages, l’évolution de leur mentalité. Enfin, même en ayant lu les deux premiers romans, le temps écoulé depuis “le cercle fermé”, treize ans… c’est beaucoup pour la mémoire d’un lecteur. Chanceux seront les néophytes qui auront tout à gagner à lire le géantissime “testament à l’anglaise” en premier avant de se lancer dans cette trilogie du “ cercle” dont la fin est peut-être un peu en deçà de qu’elle a déjà offert. Néanmoins un auteur qui cite le groupe XTC au détour d’une page est toujours digne d’intérêt et forcément éminemment respectable.

Wollanup

NUMÉRO 11 de Jonathan Coe / Gallimard.

Traduction: Josée Kamoun

« Rachel et son amie Alison, dix ans, sont très intriguées par la maison du 11, Needless Alley, et par sa propriétaire qu’elles surnomment la Folle à l’Oiseau. D’autant plus lorsqu’elles aperçoivent une étrange silhouette à travers la fenêtre de la cave. 
Val Doubleday, la mère d’Alison, s’obstine quant à elle à vouloir percer dans la chanson, après un unique succès oublié de tous. En attendant, elle travaille – de moins en moins, restrictions budgétaires obligent – dans une bibliothèque et trouve refuge dans le bus numéro 11, pour profiter de son chauffage et de sa chaleur humaine. Jusqu’à ce qu’un appel inespéré lui propose de participer à une émission de téléréalité. 
Quelques années plus tard, dans un quartier huppé de Londres, Rachel travaille pour la richissime famille Gunn, qui fait bâtir onze étages supplémentaires… souterrains. Piscine avec plongeoir et palmiers, salle de jeux, cinéma, rien ne manquera à l’immense demeure. Mais plus les ouvriers s’approchent des profondeurs du niveau –11, plus des phénomènes bizarres se produisent. Si bien que Rachel croit devenir folle. « 

Pas réellement attiré par la littérature anglaise, je reste néanmoins l’un des grands fans de Jonathan Coe et si je regrette un peu de ne plus trouver dans ces derniers romans la même ambition qu’ autrefois,  la lecture de ses productions reste toujours un grand moment d’espoir qu’il nous refasse le coup d’un « testament à l’anglaise » ou bien du duo extraordinaire « bienvenue au club » « le cercle fermé », magnifiques histoires à l’humour mordant et portraits très caustiques de ses contemporains les nantis dans le premier nommé et de la gente anglaise dans les deux autres.

Le nombre 11 à l’origine de ce « numéro 11 » peut évoquer « Downing street » et ce n’est pas un hasard car le pouvoir britannique est encore bien tancé dans cet opus mais c’est aussi le onzième roman de l’auteur  sorti outre-manche le 11/11 / 2015.

Le roman se veut aussi une suite de son grand succès « testament à l’anglaise » mais l’auteur a été tellement impitoyable avec les Winshaw (famille noble, héros de son roman) dans le final, qu’on peut se demander comment il allait pouvoir donner une nouvelle vie à cette branche familiale si peu épargnée à l’époque, en 1996. C’est d’ailleurs avec ce roman que les curieux pourront découvrir l’auteur car, les trois premiers romans précédents, publiés en France après le succès retentissant de « Testament… » ne valent quand même pas  pas tripette.

Moins une suite qu’une évocation de la famille Winshaw « numéro 11 » est formé de cinq histoires sur une vingtaine d’années sans vrai lien apparent entre elles …a priori, traitant chacune d’un aspect de la vie sociale, politique ou économique britannique. La finance, les divertissements télévisés, l’agroalimentaire et la presse sont autant de sujets traités avec importance ou en filigrane dans des histoires dont le simple lien semble être un rapport avec deux petites filles rencontrées dans la première partie.

Si le roman connait des épisodes très réussis, il faut reconnaître que certaines parties malgré la belle plume de Coe sont plus…vaines ou ne provoquent pas le même engouement chez un public moins au fait du monde de la perfide Albion. Même en étant un fan inconditionnel d’ un auteur qui semble par ailleurs avoir perdu une partie de ses compétences humoristiques qui rendaient ses romans si délicieusement « so british », force est de reconnaître, hélas, une tangible mineure déception. Dans la satire sociale, Coe était évidemment bien plus brillant dans son diptyque « bienvenue au club, le cercle fermé » et l’apparition d’une certaine forme de fantastique, pour moi, n’améliore pas réellement l’ensemble.

Même si le roman est somme toute plaisant à lire, il séduira en priorité  les inconditionnels de Jonathan Coe.

Average.

Wollanup.

© 2024 Nyctalopes

Theme by Anders NorenUp ↑