Nadine Monfils préface et dans la foulée Edith, Julie, Jeanne et leurs quelques nouvelles copines mitraillent quinze cartouches de chair à vif et de sang bouillant. Brune, blonde, rousse… Aucune ne compte pour des prunes et pourrait, à l’occasion, nous le rappeler vertement. Père, patron, passant, copain, voire juste sale ou gentil con : tous les abonnés plus ou moins innocents au machisme patriarcal morflent à tour de bras et ça fait du bien. Dès cet incipit syndical où Quand les chiots deviennent des chiens, premier texte splendide d’une salve radicale, un ton digne, poétique à l’occasion, est donné, sans rémission ni faux-semblants. Chaque portrait sonne d’ailleurs juste et vrai : vraie cinglée, vraie cheffe, vraie amoureuse, vraie conne à l’occasion, vraie meurtrière patentée, vraie fille ou épouse hagarde, vraie mère au taquet ou à l’ouest, revenue de tout pour aller nulle part…
Outre quelques romans du même tonneau aigre-doux (Tout ce qui meurt me touche publié chez Orep en 2017, ou ce Sugar Daddy attendu prochainement chez Goater Noir), Marion Chemin s’impose depuis une décennie en figure cash et incontournable de la nouvelle féminine, sucrée-salée, toute en mots doux et maux durs. Nous connaissions déjà quelques présentes flèches, issues de recueils collectifs à tendance rock’n’anthracite, mais l’ensemble ainsi édité forme un édifice d’une cohérence parfaite.
Chaque profil dessine en ombre portée un destin de femme et ses obstacles induits, un destin en équilibre, en sursit ou brisé net. Jeune, moins jeune, le fantôme d’Hélène, la maternité chaotique d’une autre Marie (pleine de grâce), le prénom chargé de Priscilla, la dernière impasse de Camille dans les pas d’Elsa, l’open space de Jeanne… Le tout servi par une écriture limpide et précise qui vous caresse ou vous mord sans avoir l’air d’y toucher.
Touchés pourtant, nous le sommes, tant l’humain palpite à chaque page, pour le meilleur en filigrane ou le pire indicible et magistral.
JLM
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