Traduction: Nathalie Peronny.
On y est, c’est la rentrée littéraire et le hasard des sorties fait que l’on commence avec un bouquin énorme, un premier roman et je vous conseille de retenir le nom de Smith Henderson, originaire du Montana et auteur d’un magnifique roman à vous briser le cœur par son humanité et à vous tenir éveillé toute la nuit tant le destin des nombreux personnages, les principaux comme les secondaires va vous fasciner, vous émouvoir si vous aimez ce genre de littérature chevaleresque aux sublimes héros ordinaires.
Smith Henderson a été éducateur spécialisé dans le Montana avant d’émigrer vers des terres plus clémentes au sud et nul doute qu’il s’est servi de son expérience professionnelle pour écrire ce roman choc, violent et magnifique par ce qu’il dégage comme hauteur d’esprit, élégance, un peu comme la littérature de Willy Vlautin.
Pete est assistant social dans un coin paumé de l’état au début des années 80, il vit dans une cabane où les commodités de la vie moderne n’ont pas été encore installées, cela viendra bien un jour mais il s’en fout car c’est un homme qui ne va pas très bien. Séparé maintenant de Beth son amour d’enfance avec qui il a eu, à 17 ans, une fille maintenant âgée de 13 ans, il survit à ce crève-cœur en picolant plus que de raison souvent et en s’impliquant autant qu’il le peut et parfois de manière quasi suicidaire dans son boulot.
Roman imposant par le propos mais aussi par son volume, « Yaak valley, Montana » raconte quelques mois de la vie de Pete et de trois ados dont il s’occupe, trois histoires, trois drames d’innocents, victimes de leurs familles ou de ce qu’il en reste. Dans la littérature, mis à part chez Crumley, le Montana est souvent décrit comme une région paisible, inclinant à la méditation, à la poésie et Henderson connaît et montre l’envers de la médaille crûment, franchement, cet univers décomposé où les enfants sont détruits, punis par l’irresponsabilité de leurs parents.
Cecil vit dans le plus grand des dénuements avec sa mère dans une bicoque, un monde de sous alimentation, d’alcool, de drogues, de prostitution et introduit le roman par une scène marquante où il faut l’intervention de la police et de Pete pour mettre fin à un pugilat entre le fils et sa mère qui a déjà bien pourri la vie de son môme au delà de l’entendement comme Pete le découvrira bien plus tard.
Benjamin vit caché avec son père dans les bois, allumé survivaliste frayant avec les mouvements fachos, antisémites, le suivant partout dans une fuite des autorités, de l’état, attendant l’apocalypse proche prédite par la mère disparue comme le reste de sa fratrie. Les deux survivent de trafics minables et annoncent la fin des temps en gravant des « hobo nickels ».
Rachel, elle, est le cas insoutenable pour Pete puisqu’il s’agit de sa fille partie vivre au Texas avec sa mère et disparue un beau matin. Enlèvement, assassinat ou fugue…l’horreur des parents dans l’incertitude, les recherches désespérées aux quatre coins du pays dans les lieux de perdition pour la jeunesse.
Se greffent là-dessus d’autres personnages marquants pour créer un portrait au vitriol des USA des oubliés, des coins reculés, par les souffrances subies par les enfants. Drogue, prostitution, alcool, maltraitances, manquements voire absence d’éducation, cécité de la police et des services sociaux, tout y passe en une macabre parade et Pete s’emploie avec les moyens qui lui sont alloués et sa grandeur d’âme à donner un semblant d’humanité à un univers qui n’en a plus pour ces mômes sacrifiés sur l’autel de la connerie de leurs parents.Choc!
Humainement magnifique et d’une écriture éblouissante.
Wollanup.
PS: Smith Henderson sera à Paris début septembre et notamment à America à Vincennes.
J’adôôôre cette chanson de Suzanne Vega, une de celles que j’écouterais en boucle !
Amitiés.
Tu aimes donc les chansons sur les enfants battus.