Traduction : Nathalie Bru.

 

Chris Adrian est un auteur américain sélectionné en 2010 par the New Yorker comme l’un des vingt meilleurs écrivains américains contemporains. Il a écrit plusieurs romans et des nouvelles. Seul un recueil de nouvelles : « Un ange meilleur » où il était déjà beaucoup question de deuil, notamment d’enfants, de frères a été publié en France. Pédiatre et oncologue, Chris Adrian connaît de près ces souffrances. Dans ce roman, il s’inspire du « Songe d’une nuit d’été » de Shakespeare mais nous en offre une version beaucoup plus sombre.
« Henry, Will et Molly ne se connaissent pas mais ils ont quelque chose en commun. Tous trois viennent de perdre un être cher dans la mort ou la rupture. Un soir d’été, tandis qu’ils se rendent à une soirée, ils s’égarent dans Buena Vista Park sans savoir que ce lieu est devenu le refuge secret de Titania et Obéron, les souverains du royaume légendaire immortalisés dans la pièce de Shakespeare, inconsolables depuis la mort de leur fils… Ensemble, ils vont vivre une nuit à nulle autre pareille. »
Chris Adrian nous embarque dans le monde du « Songe d’une nuit d’été » de Shakespeare, référence incontournable, auquel il ajoute d’autres personnages de la mythologie anglo-saxonne comme les changelins. On se perd dans ce monde fantastique comme dans un rêve délirant, tels les humains qui entrent dans le parc : Henry, Will, Molly et des SDF qui répètent une comédie musicale.
Ce monde magique, plus beau, plus cruel que le nôtre est détraqué : la mort et la douleur ont frappé, funestes revers de l’amour. La douleur de la reine des fées, immortelle mais déchirée par la perte de son enfant est terrible, titanesque, elle peut provoquer l’anéantissement du monde car tout est plus supportable pour Titania que cette douleur lancinante et tenace qui la frappe. Même la destruction totale est préférable au vide de l’absence.
Elle libère Puck, esprit malfaisant (bien plus que dans « le songe d’une nuit d’été » ). Nos trois humains en deuil se trouvent mêlés à celui de Titania et du coup, en danger. Ceux qui résistent le plus sont ceux qui n’ont déjà plus rien, les SDF.
Le songe d’une nuit d’été confronté à la mort vire au cauchemar.
Tout en inventant un monde fantastique délirant, en mêlant les différentes histoires de ses personnages dans une atmosphère onirique, Chris Adrian évoque des souffrances bien réelles d’une manière totalement réaliste. Il nous parle de ce qui nous touche le plus profondément : la mort, l’amour, le sens ou le non-sens de la vie. Les pages sur les pensées, les sentiments qui animent les personnages : la douleur, l’incompréhension, la révolte, la colère, la culpabilité, la peur de l’oubli… sonnent effroyablement juste et sont magnifiques.
Ce livre est un livre sur la perte, le deuil, le grand vide que nos amours laissent dans nos vies quand ils nous quittent.

 

Avec des pages burlesques parmi les pages tragiques, comme on éclate de rire tout en sanglotant.
Un livre étonnant et fort.
Raccoon