Notes on an Execution
Traduction: Isabelle Maillet
« Ansel Packer attend la mort, après avoir lui-même tué. Dans douze heures, il sera exécuté dans une prison américaine. Ansel ne veut pas mourir. Il veut être écouté, admiré, compris. À son monologue obsessionnel depuis sa cellule se superposent les récits de trois femmes : Lavender, sa mère, Hazel, la sœur jumelle de son épouse, et Saffy, l’enquêtrice, qu’il avait croisée plus jeune en foyer d’accueil. Alors que l’heure de l’exécution se rapproche, les destins des trois femmes se nouent à la manière d’une tragédie, laissant place à des questions d’une cruelle actualité. Qu’est-ce que cette fascination du tueur en série dit d’une société qui oublie ses victimes ?«
Agente littéraire devenue autrice avec un premier roman, Dans la neige publié en 2018 chez Sonatine, Danya Kukafka revient avec Une exécution, son deuxième roman, publié cette fois chez Buchet-Chastel. Passé à côté de son premier, j’ai cru comprendre que celui-ci rencontrait un franc succès outre-atlantique. Curieux, les critiques étant assez dithyrambiques, j’ai décidé de vérifier par moi même de quoi il en retourne.
Les romans et autres true crime sur les tueurs en série ne manquent pas. Ils sont même légion et un très large lectorat en est friand. Il existe une réelle fascination pour les tueurs en série. Avec Une exécution, Danya Kukafka a décidé de prendre le contre-pied de cette fascination populaire. S’il est bien question d’un tueur, Ansel Packer, et de son histoire, l’autrice fait le choix de donner ici une place importante et légitime aux femmes, celles ayant influencé sa vie ainsi qu’à ses victimes. Pour ce faire, elle donne voix à de multiples narratrices, en plus du tueur, pour étoffer son récit et mettre en lumière celles qui, le plus souvent, tendent à disparaître dans l’ombre des tueurs dont l’on fait des célébrités. Une démarche on ne peut plus pertinente. Mais, car il y a un mais, ces différents personnages restent à mon sens un peu creux, voire stéréotypés, ne permettant pas de ressentir de véritables émotions à leur égard.
Si le procédé d’avoir plusieurs narrateurs, ainsi que d’alterner entre présent et passé, aurait pu donner quelque chose de confus, il n’en est rien. Sur ce point, Danya Kukafka fait preuve d’une belle fluidité. Sa plume se veut assez lyrique, insufflant une sorte de poésie contemplative au texte, qui selon les goûts pourra s’avérer poignante ou, comme je l’ai ressenti, parfois un peu « too much ». L’épure m’aurait semblé plus à-propos dans la démarche globale. Pour autant, on ne pourrait certainement pas dire qu’elle ne sait pas écrire. L’impression sera clairement différente en fonction des sensibilités des un(e)s et des autres.
Alors que l’on attend avec Ansel Parker ce qui devrait être son inéluctable destin, c’est-à-dire la peine de mort (le livre débute douze heures avant), Danya Kukafka nous amène à nous poser toutes sortes de questions sur différentes problématiques. Il y a d’abord celle de la « glorification » des tueurs en série dont les Etats-Unis ne manquent pas, ainsi que la légitimité de la peine de mort, la question de la rédemption, la place que l’on donne aux femmes dans le récit de ces prédateurs dont elles sont bien souvent les premières victimes, ou encore le système judiciaire qui multiple les échecs. Il y a là matière à débattre. On peut dire que c’est l’une des forces du livre.
Une exécution est un roman intelligent par son approche singulière d’un sujet récurrent. Il suscite des questions pertinentes et revêt une dimension féministe importante. S’il m’a paru inégal dans l’écriture et le traitement des personnages, peinant à franchement me convaincre, il a bien ce qu’il faut pour trouver son public. Un petit vent de fraîcheur sur le thriller.
Brother Jo.
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