Sortie en 1984, cette novella de l’auteur américain Tobias Wolff a remporté le PEN/Faukner award l’année suivante. Parue en France à l’époque sous le titre « Engrenages », elle est sortie avec bonheur de l’oubli par Gallmeister ce printemps. Prenant appui sur ses propres souvenirs de sa période militaire, Tobias Wolff saisit un surprenant portrait d’une jeunesse américaine bluffée par l’armée et se rendant compte trop tardivement de l’erreur commise.

« Camp militaire de Fort Bragg, en Caroline du Nord, 1967. Trois jeunes paras s’apprêtent à finir leur formation avant de partir pour le Viêtnam. Trois hommes armés de fusil qui, le jour de la fête nationale, sont chargés de monter la garde autour d’un dépôt de munitions. Lorsque des civils s’approchent, les voici mis en joue. Ils n’étaient pourtant venus que pour alerter les soldats qu’un incendie était en train de s’étendre.Le dépôt de munitions ne tardera pas à être menacé. En réponse, pourtant, s’exerce un acte absurde, le premier d’une série qui ébranlera à tout jamais le destin de ces hommes. »

Trois recrues, Philip le personnage principal, Lewis et Hubbard obéissent bêtement aux ordres en voulant montrer leur exemplarité risquant ainsi leur vie et menaçant des gens réclamant de l’aide. Ces trois jeunes se sont engagés dans l’armée pour des raisons diverses voulant rompre avec un avenir déjà mal barré, une vie sans lumière. Cette nouvelle chance offerte par l’oncle Sam dans une Amérique en guerre au Vietnam montre déjà les limites de leur raisonnement ou l’ampleur de leur désespoir ainsi que l’énormité de la duperie dont ils sont les pauvres victimes. Dans une langue brute, avare de mots mais particulièrement féconde au niveau de la réflexion par ces non-dits évidents parsemant leur histoire triste, tragique mais ordinaire, sans saveur, Tobias Wolff raconte une histoire bien triste, morose, désespérée.

L’un s’en sortira, un autre s’effondrera et le troisième fuira des responsabilités qu’il s’aperçoit incapable d’assumer. En parcourant ces lignes, c’est peut-être un réquisitoire contre l’armée qu’on peut lire mais c’est, je pense, avant tout un témoignage de l’embrigadement de jeunes, de mômes, d’ados qu’on veut faire hommes en leur donnant un fusil alors qu’ils ont besoin de bien autre chose pour devenir des hommes, tout à leur souffrance de l’abandon d’un père, d’une sexualité mal définie ou de la peine de la perte d’êtres chers.Toute cette souffrance, ces traumas vécus, subis dans la solitude font qu’ils s’oublient, s’évadent en signant pour un suicide masqué sous la forme  d’une mort quasi certaine au  Vietnam avec cette terrible fausse impression de servir, d’être utile à leur pays alors qu’ils ne sont que la nécessaire mais négligeable chair à canon instrumentalisée de guerres impérialistes.

Désespéré.

Wollanup.