Traduction : Jean-Jacques Villard.
Charles Beaumont (1929 – 1967) est un écrivain et scénariste américain. Auteur principalement de récits de science-fiction, fantastiques et policiers, il a également écrit des scénarios originaux ou adaptés de ses propres textes pour la télévision et le cinéma, et deux romans dont « Un intrus » adapté au cinéma par Roger Corman en 1962. Dans la préface de cette édition, ce dernier raconte les conditions du tournage de ce film, en 1962 où ils ont dû adopter la technique du « shoot and go » : tourner la scène le plus vite possible et partir en courant avant que les habitants réagissent ! Paru en France en 1960 aux éditions Seghers, cette réédition dans la collection Belfond vintage permet de découvrir ou redécouvrir un texte beau et fort.
« La petite ville sudiste de Caxton est déboussolée : l’arrêt de la Cour suprême vient de tomber ; désormais, les écoles publiques sont ouvertes aux enfants noirs. On s’étonne, on s’agace, et puis finalement on laisse faire.
Jusqu’à l’arrivée d’un intrus.
L’inconnu s’installe, intrigue, séduit, et petit à petit distille le poison : des Noirs ? Avec vos enfants chéris ? Vous n’y pensez pas !
Alors on s’invective, on rugit, on brandit le poing. Et puis montent la fureur, la haine, le sang… »
Écrit en 1959, alors que les faits sont d’actualité, le roman nous emmène à Caxton, petite ville du sud des États-Unis où la ségrégation ne gêne pas grand monde, depuis toujours ou presque les Noirs vivent à part, dans le quartier de Simon’s Hill. Après l’arrêt de la Cour suprême déclarant la ségrégation scolaire inconstitutionnelle, la ville ayant épuisé les recours, à la prochaine rentrée, dans quelques jours, des enfants noirs vont intégrer l’école publique de la ville. Cela ne réjouit pas les Blancs de la ville, mais ils s’y étaient résignés, jusqu’à l’arrivée d’Adam Cramer, un homme charismatique, activiste pro ségrégation qui ne va pas avoir trop de mal à faire repartir les braises du mécontentement latent et à enflammer les esprits racistes dans cette ville où il est dangereux de se révéler partisan de la déségrégation, où le ku klux klan parade parfois la nuit.
Charles Beaumont écrit au présent, les faits s’enchainent, la tension monte dans la chaleur de l’été sudiste. Il réussit avec un grand talent à rendre l’ambiance de cette ville, de cette époque en suivant toute une galerie de personnages qui vont se croiser : Tom McDaniel, journaliste au Messenger, le canard local et sa fille Ella, adolescente insouciante de 16 ans ; Joey Green un des écoliers noirs, et sa mère Charlotte, conscients de ce qu’ils risquent, Sam Griffin vendeur itinérant qui écume les foires du coin et vit à l’hôtel avec sa femme Vy… Tous sont justes et vivants, des plus importants aux secondaires et on assiste à l’échauffement des esprits, à la violence sourde qui enfle inexorablement et ne pourra qu’exploser. Les dialogues sont percutants, le suspense fonctionne, c’est un bouquin qu’on lit d’une traite d’autant plus que l’analyse de cette montée du populisme résonne encore, hélas, dans notre actualité où racisme et préjugés sont loin d’avoir disparu.
Un très bon roman, noir et puissant.
Raccoon
d’accord !