Traduction : Thierry Marignac (Russe)

On suit le parcours chaotique d’un toxico aux prises, bien sûr, avec ses démons mais aussi le courant de sa vie dans la vallée de larmes d’une existence rude qui n’exclut pas le comique. Ce récit se présente sous la forme d’un journal des pérégrinations dans le Saint-Pétersbourg actuel qui nous renvoie, comme le souligne avec clarté le sous titre de la collection Zapoï, à un monde largement inconnu après un quart de siècle de gueule de bois post-guerre froide.

« Un jeune auteur de Saint-Pétersbourg raconte le quotidien tragi-comique d’un camé. Sans illusion. sans la moindre sentimentalité inutile, ces récits noirs en grande partie autobiographiques, tragiques et pleins d’humour, font de la grande ville du nord une métropole anonyme à la beauté lépreuse et dont les palais tant vantés cachent d’innombrables taudis. »

Andreï Doronine est un ancien toxicomane, né en 1980, époux d’Olga Marquez, chanteuse du Oili Aili. Auteur considéré comme une voix importante de la nouvelle littérature russe en ayant parcouru son pays afin d’y présenter ses ouvrages.

On peine souvent à se rendre compte de la somme de travail à additionner, à juxtaposer, permettant l’édition d’un livre. Là on est bien en présence d’un résultat acquis grâce justement à une volonté commune d’émergence d’un auteur. La traduction de Thierry Marignac ciselée confère à l’œuvre une lisibilité et une enveloppe punchy au tout. Régulièrement on nous assène des sous titres de livres où l’on est à cent lieues de ce qui est décrit mais je dois concéder que dans le cas précis « Trainspotting à Saint-Pétersbourg » est une évidence. L’autre allusion contenue dans le titre même prend comme référence le titre d’Amy Winehouse, victime damnée de cette pathologie addictive qui remplit la légende des musicos ayant tiré leur révérence à 27 ans.

La vingtaine de récits décrit, donc, avec acuité, percussion, et, souvent, sur un ton décalé en sachant prendre du recul et de la distance sur la tragédie noire du quotidien. La capacité de l’auteur à conter ses petites histoires avec une dose de burlesque ne peut que faire évoquer le très bon « Envoie moi au ciel scotty » de Michael Guinzburg, toute proportions gardées tant au niveau du produit incriminé que la mise en forme typique US versus Europe Orientale. Quoiqu’il en soit l’ouvrage possède d’indéniables qualités littéraires et un don certain de mise en scène, en perspective, un environnement sans concessions ni d’effets larmoyants. On est bien devant une réalité crue mais sans appuyer le trait sur une ambiance nauséabonde, bien que par moment le lecteur ne soit pas épargné par des tranches de galère particulièrement ardues.

Le sujet est éculé, peut rebuter mais, car il y a un mais, on est face à un objet d’écriture tendu, riche et attractif. Doronine possède le sens de la formule et surtout délivre son message dans la traversée de son expérience douloureuse constitutive de son être, son histoire.

Le livre qui m’a réconcilié avec les ouvrages traitant du brown sugar ou autre speed ball avec cette vision propre de l’Est !

Chouchou.