Chroniques noires et partisanes

Étiquette : Zygmunt Miloszewski

INAVOUABLE de Zygmunt Miloszewski chez Fleuve noir

Traduction : Kamil Barbarski.

Zygmunt Miloszewski est écrivain et scénariste. Après sa trilogie de polars noirs mettant en scène le procureur Teodore Szacki qui lui a valu plusieurs prix en France, il revient dans un registre différent, on est ici dans un thriller mâtiné d’espionnage et bourré d’action, mais toujours avec ce ton ironique et drôle qui lui est propre.

« Zakopane, chaîne des Tatras, 26 décembre 1944.

Un résistant serre contre lui un étui métallique. À ses oreilles résonnent encore les dernières instructions de l’officier nazi qui lui a confié « le plus grand secret de cette guerre »… Alors qu’il est pris dans une tempête de neige, sa formation d’alpiniste pourrait se révéler cruciale. Non loin de là, dans une auberge, un homme contemple par l’une des fenêtres la même bourrasque déchaînée. Après une ultime hésitation, il croque sa capsule de cyanure.

Une matinée d’automne, de nos jours, à Varsovie.

Chef du département de recouvrement de biens culturels rattaché au ministère des Affaires étrangères, le docteur Zofia Lorentz est convoquée par le Premier ministre : le Portrait de jeune homme du peintre Raphaël, tableau le plus précieux jamais perdu et recherché depuis la Seconde Guerre mondiale, vient d’être localisé. Accompagnée d’un marchand d’art cynique, d’un officier des services secrets à la retraite et d’une voleuse légendaire, Zofia s’envole pour New York, étape d’une quête contrariée qui pourrait inverser la lecture de l’Histoire et la politique internationale moderne… »

Ce livre s’appuie sur des faits réels et notamment sur les œuvres d’art disparues pendant la deuxième guerre mondiale et jamais retrouvées. En Pologne, des milliers d’œuvres n’ont toujours pas refait surface, la plus célèbre d’entre elles étant le tableau de Raphaël, « portrait de jeune homme », contemporain de « notre » Joconde.

C’est ce tableau qui sera le point de départ du roman, il est réapparu aux Etats-Unis et pour des raisons diplomatiques ne peut pas être réclamé officiellement. L’Etat polonais réunit alors une équipe de choc chargée de récupérer le tableau incognito et  Zygmunt Miloszewski nous présente un groupe aux membres hétéroclites. Trois vivent dans le monde de l’art même s’ils en ont une approche totalement différente : Zofia, fonctionnaire chargée de rapatrier les œuvres disparues, Karol, marchand d’art et Lisa, cambrioleuse ; le quatrième, Anatol, ex agent secret, est lui complètement étranger à ce monde. Zygmunt Miloszewski prend son temps pour nous les présenter, il dévoile peu à peu leur histoire et n’occulte ni leurs points faibles ni leurs travers, son humour ne peut les ignorer et son ironie est souvent mordante, mais il réussit à rendre ses personnages attachants, à leur donner humanité et profondeur. Ils sont tous les quatre des pointures dans leur domaine et de fortes têtes, leurs divergences de point de vue pimentent leurs échanges et les dialogues sont souvent savoureux.

Les deux premiers chapitres se déroulent à la fin de la guerre, ils nous éclairent juste assez pour savoir qu’il y a effectivement un secret à découvrir, puis on se retrouve avec les enquêteurs, dans la Pologne contemporaine et on les suit dans leur quête du tableau de Raphaël. Zygmunt Miloszewski écrit de courts chapitres, le récit est rythmé et dès que l’équipe est en place, tout s’accélère, les actions s’enchaînent. Et de l’action, il y en a ! Cambriolage à hauts risques, courses poursuites, fusillades…  La petite bande se retrouve avec tous les pays de l’OTAN aux fesses sans savoir pourquoi et Zygmunt Miloszewski fait monter brillamment la tension et le suspense jusqu’à la fin où le secret est bel et bien énorme, mais bien sûr je n’en dévoilerai rien.

Zygmunt Miloszewski mêle avec un grand talent des éléments historiques à cette enquête haletante. On découvre des pans méconnus de l’histoire de l’art, de l’Histoire tout court, surtout bien sûr sur la période de la seconde guerre mondiale où en plus de toutes les horreurs commises en Pologne, s’est déroulé un des plus grands pillages de l’histoire mais pas seulement, et c’est passionnant.

Un bon thriller très intelligent.

Raccoon

LA RAGE de Zygmunt Miloszewski chez fleuve noir

Traduction : Kamil Barbarski.

Zygmunt Miloszewski, journaliste, écrivain a été chroniqueur judiciaire pendant plusieurs années. Il a connu un grand succès en Pologne où polars et thrillers arrivent en tête des genres littéraires, avec la série des enquêtes du procureur Teodore Szacki. Les deux premiers tomes « les impliqués » et « un fond de vérité » ont obtenu le prix du meilleur roman policier en Pologne en 2007 et 2011. « La rage » est le troisième et dernier opus de cette trilogie.

« Le procureur Teodore Szacki n’est pas au mieux de sa forme depuis qu’il a quitté Varsovie. Il se sent en perpétuel décalage, tant dans sa vie de couple que dans ses relations avec sa fille adolescente.

Est-ce pour cela qu’un jour, il ne prend pas l’exacte mesure d’une plainte pour violences conjugales ? Avec des conséquences effroyables pour l’épouse battue…

Ou bien est-il simplement perturbé par une étrange enquête pour meurtre dont il a hérité – portant sur un squelette dont les os appartiendraient à plusieurs victimes… ?

Teodore Szacki va vite se rendre compte que les deux affaires pourraient être liées. La piste d’un insaisissable redresseur de torts se dessine, quelqu’un oeuvre dans l’ombre, visiblement déterminé à rendre la justice pour pallier l’incurie des services de police »

On retrouve Teodore Szacki  à Olsztyn, petite ville du nord de la Pologne ayant par le passé appartenu à l’Allemagne. C’est une ville touristique connue pour la présence de 11 lacs aux alentours où il s’est installé avec sa nouvelle compagne et sa fille de 16 ans, Hela dont il a désormais la garde. Le procureur est impeccable dans son costume gris, implacable dans son application de la loi qu’il respecte à la lettre et sans sentiment. Notre homme a également des lettres, il aime les romans de Pierre Lemaitre…

Mais c’est un homme sous pression que nous présente Zygmunt Miloszewski : dépassé par la vie de couple et la gestion de son ado de fille, ennuyé par les dossiers sans intérêt de cette petite ville somme toute tranquille, agacé par l’administration de la ville et sa hiérarchie qui lui impose des missions inutiles, irrité par l’hiver qui tarde à arriver et enveloppe tout dans un brouillard glacé au lieu de cacher la laideur de la ville sous une belle couche de neige, et je ne parle pas de la circulation en ville !  Zygmunt Miloszewski nous dresse par ses yeux le portrait d’une Pologne assez arriérée, ex-pays de l’est qui peine à se moderniser avec une bureaucratie lourde et souvent absurde.

Teodore Szacki est un râleur-né mais il se retient souvent d’exploser et évite au maximum les conflits ouverts. Il pose un regard acéré et sans illusion sur la société et l’humanité ; ses pensées participent au ton du bouquin, plein d’ironie, d’humour noir face au désespoir de situations absolument horribles. Zygmunt Miloszewski construit son roman en suivant différents personnages, tous bien campés, hauts en couleur : un adjoint stagiaire doué et zélé qui n’hésite pas à dénoncer Teodore à sa hiérarchie s’il commet une erreur, un officier de police taciturne et sans émotion face aux meurtres même les plus sordides, un légiste, Frankenstein (oui, oui) qui fait des fêtes dans le labo d’autopsies, Hela, ado dans toute sa splendeur…

Mais on est loin de la farce ! Si le ton est drôle, le sujet est bien sombre. L’enquête va porter sur les violences familiales, encore peu reconnues en Pologne, au point que même Teodore Szacki est un peu léger sur le sujet, ce qu’il regrette très vite évidemment. Zygmunt Miloszewski nous plonge dans cette horreur ordinaire, souvent impunie, peu dénoncée mais qui dévoile les pires côtés des hommes et détruit des vies entières. Teodore Szacki, se retrouve face à des crimes hors du commun, où les victimes étaient également des bourreaux. Cette enquête l’atteint profondément : en tant que procureur qui ne peut laisser rendre une justice sauvage, en tant que père aussi. On sait dès le début qu’il est capable de sortir de ses gonds et Zygmunt Miloszewski réussit à nous captiver en nous racontant juste comment et pourquoi. Et c’est avec une fin inhabituelle qu’il termine sa trilogie.

Un très bon polar noir et désespéré, dans un pays qu’on a peu l’occasion de visiter en littérature.

Raccoon

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