Willy Vlautin est né dans le Nevada, vit actuellement en Oregon et est l’auteur de cinq romans tous publiées par la collection “Terres d’Amérique” chez Albin Michel.
Très jeune, Vlautin a connu deux passions: la musique et la littérature. Au grand dam de sa mère, il s’est lancé dans une vie de baladin, « on the road ». Avec son groupe Richmond Fontaine, il a ensuite réussi une carrière intéressante malgré sa confidentialité dans un genre que l’on qualifiera du terme assez général d’alt-country multipliant les compositions talenteuses country mais aussi folk, americana et tout simplement parfois rock pour des petites salles enfumées au public à chemises à carreaux, casquettes de baseball et Schlitz à la main. Pendant de nombreuses années Richmond Fontaine et Willy Vlautin ont raconté l’Amérique des marges, des histoires de gens qui n’ont pas eu de bol, qui luttent pour s’en sortir, se battant pour une dernière chance à la loterie du rêve américain.
“Mes chansons sont la bande-son de mes romans. Ils vivent dans le même univers, dans le même pâté de maisons, dans le même immeuble. La plupart de mes romans étaient, à la base, des chansons. Généralement une idée donne lieu à une chanson. Mais il arrive que j’écrive deux ou trois chansons qui se transforment ensuite en roman. “Ballade pour Leroy” a commencé de cette façon-là.”
Il y a une quinzaine d’années, Vlautin a franchi le pas et s’est lancé dans l’écriture. Ses idées, ses histoires, ses expériences, son regard sur le monde, son immense humanité, sa tendresse ont été placées au service de romans tous aussi épatants les uns que les autres par leur authenticité, leur sincérité, leur amour des autres. Ces histoires sont surtout des “road novels” racontant des gosses à la dérive ou déglingués par la vie se barrant vers un ailleurs meilleur.
“The idea of escape by leaving to the next town has always been attractive to me. Maybe it’s because of US movie culture. I lived inside movies as a kid. The idea that I’ll be happier and better and more successful in the next town is something I’ve thought a lot about and tried hard to overcome. It’s a crutch. Maybe that’s why I’ve written about it.”
L’idée de fuir en allant jusqu’à la prochaine ville m’a toujours attiré. C’est peut-être lié à la culture cinématographique des Etats-Unis. Petit, je vivais dans les films. J’ai beaucoup réfléchi à cette idée selon laquelle je serai plus heureux dans la ville d’à-côté, que j’y réussirai mieux, et j’ai dû faire beaucoup d’efforts pour m’en défaire. C’est comme une béquille. Ce qui explique peut-être pourquoi j’écris là-dessus.”
Vlautin écrit comme il chante. C’est simple, sans effet de manche, sans artifices, sincère, cruel parfois pour dénoncer mais toujours avec une énorme tendresse. On sort des histoires de Willy Vlautin le cœur gros ou très en colère mais parfois un petit peu différent. Très vite, son milieu, sa communauté l’a reconnu au point que Patterson Hood des géantissimmes Drive By Truckers a composé et joue sur scène “Pauline Hawkins” du nom de l’infirmière héroïne de “Ballade pour Leroy”.
La parenté littérature et musique a toujours été une évidence pour Vlautin capable de définir musicalement chacun de ses romans.
“Ballade pour Leroy est plutôt une chanson folk politique et enragée. Dans la veine de Bob Dylan et de Woody Guthrie. Motel Life est plutôt une chanson country, Plein Nord une ballade triste et romantique et Cheyenne en automne une chanson folk.”
“Devenir quelqu’un” est sûrement un projet très spécial pour Vlautin qui y a mis beaucoup de son coeur en lui ajoutant un album instrumental sorti en 2017. Reprenant tout simplement le nom original “ Don’t Skip Out On Me”, l’album est une bande son sublime du roman reprenant les moments forts qui ravira aussi les amateurs de Friends Of Dean Martinez, Calexico ou Giant Sand.
L’album en entier ci-dessous:
“A vingt et un ans, Horace Hopper ne connaît du monde et de la vie que le ranch du Nevada où il travaille pour les Reese, un couple âgé devenu une famille de substitution pour lui. Abandonné très tôt par ses parents, il se sent écartelé entre ses origines indiennes et blanches.
Secrètement passionné de boxe, Horace se rêve en champion, sous le nom d’Hector Hidalgo, puisque tout le monde le prend pour un Mexicain… Du jour au lendemain, il largue les amarres et prend la direction du sud, vers sa terre promise. Saura-t-il faire face à la solitude du ring et au cynisme de ceux qu’il croisera en chemin ? Peut-on à ce point croire en sa bonne étoile, au risque de tout perdre ?”
“Devenir quelqu’un” est-il meilleur ou moins bon que les autres ? C’est une chanson country, tout simplement et elle vous emportera, vous brisera le cœur, vous attristera, vous interpellera ou pas… Mais, surtout, sachez que Willy Vlautin c’est le pote qu’on aimerait tous avoir. Ne le ratez pas.
Clete
Entretien Nyctalopes de 2016 avec Willy Vlautin traduit par la talentueuse Hélène Fournier.
« Charley, quinze ans, délaissé par un père insouciant, et Lean on Pete, une bête destinée à l’abattoir. Afin d’aider l’animal à échapper au destin funeste qui l’attend, Charley vole un pick-up et une remorque, et tous deux entreprennent un voyage vers le Wyoming où vit, aux dernières nouvelles, la tante de Charley. Ce périple de près de deux mille kilomètres sur les routes de l’Ouest américain ne sera pas de tout repos, et l’adolescent vivra en un seul été plus d’aventures que bien des hommes au cours de toute une vie… »
« La route sauvage » a connu une première vie éphémère en 2012 grâce au talent des très regrettées éditions « 13ème note » sous le beau titre « Cheyenne en automne » mais lui aussi très éloigné du titre original mettant en avant le vieux cheval. Repris, et il y est parfaitement à sa place, dans la très pointue collection Terres d’Amérique au moment de la sortie sur nos écrans de l’adaptation du roman, espérons qu’il permette à Willy Vlautin d’avoir la reconnaissance qu’il mérite amplement.
Noyé dans une catégorie où excellent les romanciers ricains, nombreux chez Terres d’Amérique comme chez Gallmeister ou chez les très recommandables éditions Tusitala, il est évident qu’il est impossible de lire tous ces récits de vie qui peuplent ces romans nous faisant découvrir une autre Amérique beaucoup plus humaine que l’on peut croire mais beaucoup plus démunie aussi qu’on peut bien le penser.
Willy Vlautin n’a pas un style inoubliable et sa voix lorsqu’il chante au sein de Richmond Fontaine, son groupe d’Alt Country, d’Americana n’a vraiment rien d’exceptionnel et donc finalement pourquoi le lire plus lui qu’un autre ? J’ai rencontré et interviewé Willy Vlautin et ce qui ressort à chaque fois, c’est l’humanité du bonhomme, son extrême humilité et la gentillesse d’un type avec qui on se voit bien discuter au comptoir d’un bar, une Schlitz à la main. Cet altruisme visible dans la réalité, éblouit dans ses compositions musicales, comme dans ses romans racontant souvent les galères de jeunes nés au mauvais endroit et dans des familles toxiques ou absentes ou bousillés par les errances du pouvoir.
Les écrits de Vlautin sont tristes, et cette histoire l’est énormément, mais montrent aussi le courage de certains, courbant l’échine mais ne sombrant pas, la volonté désespérée et souvent bien illusoire de s’en sortir et souvent ces constats sévères, ces photographies bien grises offrent néanmoins des rayonnement soudains et magnifiques qui font qu’un morceau chanté ordinairement, sans artifices spéciaux, vous file la chair de poule ou qu’une histoire lue tant de fois pourtant vous chavire une fois de plus et bien plus que d’autres histoires similaires. Chez Vlautin, on sent vraiment l’authenticité, le regard expérimenté et attendri sur l’Amérique débarquée de l’American Dream qui morfle et qui affronte le déclin dans le malheur et l’adversité mais parfois aussi avec une volonté très noble.
« Mes chansons sont la bande-son de mes romans. Ils vivent dans le même univers, dans le même pâté de maisons, dans le même immeuble. La plupart de mes romans étaient, à la base, des chansons. Généralement une idée donne lieu à une chanson. Mais il arrive que j’écrive deux ou trois chansons qui se transforment ensuite en roman. »
Willy Vlautin a accepté de répondre à mes questions. Vous allez voir, c’est un mec bien.
Mais tout ceci aurait été impossible sans la gentillesse et le professionnalisme des gens d’Albin Michel et surtout sans le travail de traduction des questions et des réponses effectué par Hélène Fournier, traductrice des romans de Willy Vlautin que je remercie infiniment de pallier à mes carences en anglais.
Leader du groupe alt-country Richmond Fontaine, créateur du groupe the Delines et auteur reconnu de quatre romans dont le tout nouveau « Ballade pour Leroy » chez terres d’Amérique d’Albin Michel, Willy Vlautin le personnage public a plusieurs cordes sympathiques à son arc mais, pour les Français qui vous connaissent moins, qui est l’homme Willy?
C’est gentil à vous de dire tout ça. Qui suis-je ? Si seulement je le savais. J’imagine que nous passons tous notre vie à essayer de savoir qui nous sommes. Avant tout, je suis un fan de littérature et de musique. Quand j’étais petit, je ne savais pas quoi faire. Comment m’approcher encore plus des livres et de la musique ? Impossible de les boire ou de les manger, alors il fallait que je m’en approche. Que j’y plante mon drapeau, et c’est ce que j’ai fait. Je n’étais pas particulièrement talentueux mais j’ai toujours su quel genre d’histoires je voulais raconter. Je voulais raconter des histoires sur le monde ouvrier.
You are the leader of the Richmond Fontaine alt-country band, the creator of the Delines group and the famous author of four novels. As a public figure, you have more than one great strings to your bow but, for the French people who don’t know you very well, who is Willy?
It’s nice of you to say all that. Who am I? Hell I wish I knew. I guess we all spent our lives trying to figure out who we are. I guess more than anything I’m a fan of literature and music. As a kid I loved them both so much that I didn’t know what to do. How could I get closer to them? I couldn’t eat or drink them, I just had to join them. I had to plant my flag on that side of things and so that’s what I did. I didn’t have talent or great ability but I always knew the kinds of stories I wanted to tell. I wanted to tell working class stories.
En m’adressant en premier au musicien, j’ai appris que Richmond Fontaine sortait un nouvel album en mars. Est-ce un feu d’artifice final pour une carrière de 20 ans agrémentée par une dizaine d’excellents albums ou juste une nouvelle étape?
En tout cas, ce sera notre dernier album pour un bon bout de temps. Comme nous en sommes tous très satisfaits, nous nous sommes dit que ce serait bien de s’arrêter là. Ca fait un bail qu’on est ensemble et on est restés bons amis. RF a été la meilleure famille que j’aie jamais eue et, par respect, on s’est dit que ce serait bien de s’arrêter sur un album que nous aimons tous énormément. On va partir en tournée jusqu’à la fin de l’année et puis on fera la fête tout un week-end.
I will first address the musician. I heard that there is a Richmond Fontaine album coming out in March. Is it the final fireworks after a 20-year career with around ten great albums or just a new step?
I think at the very least it’ll be our last record for some time. We all feel great about the new record that we figured it would be a good place to stop. It’s been a great run and we’re all still good pals. RF has been the best family I’ve ever had so out of respect for it we thought we would stop on a record we all love. We’ll tour for the rest of the year and then have a week long party.
Vous travaillez conjointement donc sur deux projets musicaux Richmond Fontaine et the Delines que vous avez créé en 2012 et où on peut apprécier la voix si troublante d’Amy Boone, pour quelle raison avez-vous créé ce nouveau groupe à voix féminine? Quand vous écrivez une nouvelle chanson, savez-vous au départ à quelle identité musicale vous la destinez?
Amy est une amie que j’ai rencontrée lors de la tournée qu’elle a faite avec son groupe, The Damnations. Dès que je l’entendais chanter, je me disais : « Oh, j’adorerais faire partie d’un groupe avec un vrai chanteur/une vraie chanteuse. Sa voix est douce, rauque, romantique ». J’ai toujours rêvé de faire partie d’un groupe où je ne serais pas sur le devant de la scène, où je me contenterais d’écrire des chansons et de jouer de la guitare. Mais vous avez raison, j’ai plusieurs casquettes quand j’écris. Pour Amy, j’essaie d’écrire de la musique soul, des mélodies très romantiques que je serais incapable de chanter. Elle est capable de tout chanter. En fait, ça me permet d’avoir une grande liberté pour écrire.
You work on two musical projects, Richmond Fountaine and the Delines that you created in 2012 with Amy Boone’s thrilling voice. Why this new group with a woman’s voice ? When you write a new song, do you know, from the start, to which musical identity you intend it?
Amy is a good friend of mine who I met while touring with her band, The Damnations. When I’d hear her sing I’d say to myself, “Man oh man I’d love to be in a band with a real singer. Her voice is sweet, worn, world weary, and romantic.” I’ve always wanted to be in a band where I was in the back, where I just helped write songs and play guitar. I’ve never had the personality to be comfortable as a front person. But you’re right I do put on different hats when writing. When I write for her I try to write classics, big romantic soul tunes that I could never sing myself. But I always feel she can sing anything and do it well. So in a lot of ways it’s like taking the handcuffs off my writing.
Quelle est pour vous la différence de portée d’un message social envoyé par le biais de la musique par rapport à celui inclus dans un roman? S’adressent-ils tous deux au même public?
Mes chansons sont la bande-son de mes romans. Ils vivent dans le même univers, dans le même pâté de maisons, dans le même immeuble. La plupart de mes romans étaient, à la base, des chansons. Généralement une idée donne lieu à une chanson. Mais il arrive que j’écrive deux ou trois chansons qui se transforment ensuite en roman. Ballade pour Leroy a commencé de cette façon-là.
For you, what is the difference of impact between a social message you send through music and through a novel ? Do they address the same public?
I think mostly that my songs are soundtracks to my novels. They live in the same world, on the same block, in the same apartment building. Most of my novels have started as songs. Usually an idea I have is completed as a song, but once in while it’ll just be the start of the idea. I’ll write two or three songs and then a story and soon it becomes a novel. THE FREE began that way.
Patterson Hood a créé la belle chanson « Pauline Hawkins », présente sur le dernier album de Drive By Truckers en hommage à l’héroïne de votre roman « ballade pour Leroy », ce qui est un bel hommage de la scène musicale alt-country/folk et j’aimerais savoir si dans cette communauté musicale, il existe des groupes dont le talent mériterait d’être reconnu chez nous?
Quand j’ai entendu Pauline Hawkins, j’ai cru que j’avais trouvé un million de dollars sur le trottoir. J’étais fier, fou de joie, et je me sentais tellement chanceux. Patterson Hood est un de mes héros et The Drive By Truckers est le seul groupe dont j’aimerais faire partie. Ça a été un honneur pour moi et je ne l’oublierai jamais.
Patterson Hood wrote the wonderful song – Pauline hawkins – which is part of the Drive By Truckers’ last album, in tribute to The Free’s heroine. This is a great homage of the alt-country/folk music scene and I’d like to know if, among this musical community, there are talented groups that would deserve to be known here in France.
When I heard Pauline Hawkins I felt like I’d just found a million dollars in the middle of the road. I was so damn excited and proud, felt so lucky. Patterson Hood is one of my songwriting heroes and The Drive By Truckers is the only band I wish I was in. So it was a great honor and one I’ll never forget.
Avez-vous choisi d ‘écrire pour mieux raconter vos contemporains surtout les oubliés du rêve américain ou le projet d’écrire a -t-il toujours été en vous?
Jeune, je m’intéressais déjà aux droits des ouvriers. John Steinbeck, l’auteur qui a écrit sur la classe ouvrière américaine, était déjà un héros à mes yeux quand j’étais lycéen. J’avais une photo de lui tout à côté d’une photo de The Jam et de The Who. J’ai grandi dans une région où il y avait beaucoup de paumés et le patron de ma mère a souvent essayé de les embaucher et de les réinsérer. Si bien que j’ai vu des hommes échouer, s’effondrer puis rebondir et s’effondrer à nouveau. Et puis ma mère a fait le même boulot pendant trente ans et a toujours eu peur de se faire virer. Tout ça a eu beaucoup d’impact sur moi et sur ma vision du monde. Les riches contre les pauvres. Les propriétaires contre les travailleurs.
Did you choose to write to be able to depict your contemporaries, especially those who are neglected and unable to fulfil the American dream ? Or have you always had it in you to write?
Even as a kid I was interested in worker’s rights. John Steinbeck, the American working class writer, was a hero of mine even in high-school. I had a picture of him right next to a picture of The Jam and The Who. Where I grew up there were a lot of wayward men, drifters, and my mom’s boss often tried to hire them and re-habilitate them. So I saw how men fail and fall apart and then rebound and then fall apart. I think that had something to do with it, and also my mom worked the same job for 30 years and was always scared of getting fired. She was a bit crazy about that, but even so it had a big impact on me and my ideas of the world. Rich vs. Poor, owners vs. workers. The haves the have nots.
« Ballade pour Leroy » est le premier de vos romans qui ne soit pas un road movie, pourquoi ce changement, avez-vous eu envie de parler des gens que vous côtoyez,de l’Amérique que vous connaissez?
L’idée de fuir en allant jusqu’à la prochaine ville m’a toujours attiré. C’est peut-être lié à la culture cinématographique des Etats-Unis. Petit, je vivais dans les films. J’ai beaucoup réfléchi à cette idée selon laquelle je serai plus heureux dans la ville d’à-côté, que j’y réussirai mieux, et j’ai dû faire beaucoup d’efforts pour m’en défaire. C’est comme une béquille. Ce qui explique peut-être pourquoi j’écris là-dessus. Et puis, aux Etats-Unis, il peut y avoir tellement de solitude et de distance au sein d’une même famille. Dans bon nombre de familles, les parents vivent dans une ville, chaque enfant dans une ville différente, les oncles et tantes dans d’autres villes encore, et les grands-parents aussi. Il y a sans doute là-dedans une certaine part de liberté mais aussi un grand sentiment d’isolement et un appauvrissement de l’idée même de famille. Ça m’a toujours intéressé. Mais dans Ballade pour Leroy, personne n’est libre. Tous les personnages sont coincés. Si bien que je ne les ai pas fait bouger. Le seul qui voyage, c’est Leroy, et il voyage dans sa tête pour fuir.
Unlike your previous novels, The Free is not a road movie. Why this change ? Did you want to talk about people you mix with, about the country you know ?
The idea of escape by leaving to the next town has always been attractive to me. Maybe it’s because of US movie culture. I lived inside movies as a kid. The idea that I’ll be happier and better and more successful in the next town is something I’ve thought a lot about and tried hard to overcome. It’s a crutch. Maybe that’s why I’ve written about it. Also there can be such a loneliness and distance between families in the US. In a lot of families, the mom and dad will live in a town, the kids will live in separate towns, the aunts and uncles in yet different ones, and the grandparents in different ones as well. There’s freedom in that I suppose but also isolation and the breakdown of the idea of family. That’s always interested me. But in THE FREE, everyone in it is the opposite of free. They are stuck. So I didn’t let them move anywhere or really go anywhere. I suppose the only one who travels is Leroy, and he travels in his mind as escape.
En même temps, il existe une continuité avec vos autres écrits puisque le personnage principal est encore une fois un jeune à qui la vie n’a pas réellement souri? Pourquoi un tel attachement à des personnages jeunes et maudits?
Vous avez raison, mes personnages ont souvent une vingtaine d’années et certains sont même plus jeunes. C’est un âge difficile, un âge où, sur bien des plans, vous mettez en place tout votre avenir. J’ai tellement bataillé à cet âge-là. Et j’ai eu bien du mal à m’en sortir. D’où des personnages comme Frank et Jerry Lee dans Motel Life et Allison Johnson dans Plein Nord. Dans ces deux romans, les personnages principaux, qui ont une vingtaine d’années, sont dans un sale état et ils doivent désormais survivre en tant qu’adultes. Dans Cheyenne en automne, ce qui m’intéressait, c’était le sentiment d’impuissance d’un garçon de 15 ans qui avait presque l’âge de conduire et de gagner de l’argent, mais pas tout à fait encore. L’impuissance, l’incapacité à disposer de soi-même. Dans Ballade pour Leroy, c’est différent. Il ne s’agit pas de personnages blessés qui sont en marge de la société. Ils appartiennent à la classe ouvrière, à la classe moyenne, et ils sont perdus. Ils sont happés par la société dans laquelle nous vivons. A travers Carol/Joe, je cherchais moins à parler d’une jeunesse laissée pour compte que de la droite religieuse et de son influence aux Etats-Unis.
At the same time, there is a continuity as the main character is also a young person that life doesn’t treat well? Why this fondness for young and ill-fated people?
You’re right I do write a lot about people in their twenties, sometimes even younger. It’s a hard age, an age where, in a lot of ways, you set up how you will live the rest of your life. I struggled so much in my twenties. I barely made it through. I think that’s why I wrote characters like Frank and Jerry Lee in THE MOTEL LIFE, and Allison Johnson in NORTHLINE. In both those novels the main characters come into their twenties in beat up shape and they have to now survive as adults. In Lean on Pete I was interested in the powerlessness of being a boy, 15 years old, close to being able to driving a car and making money but not quite there. The lack of power, of self-determination. In The Free it’s different. It’s not about wounded people who are fringe people in society. They are working class, middle class people, the best people, who are getting lost in America. Swallowed by it. The idea of Carol/Jo in the novel, was less about disenfranchised youth as it was about the religious right and its influence in America.
Entre l’histoire de l’envoi de la garde nationale en Irak, le système de santé américain, le surendettement des ménages, la descente vers la marginalisation de gens des classes moyennes, tous ces thèmes évoqués dans le roman pour montrer la détresse de la population ne sonnent-ils pas comme des messages très significatifs envoyés aux dirigeants des USA? Êtes-vous impliqué politiquement?
Ce roman est le plus politique que j’ai jamais écrit. Le titre, The Free, fait référence à notre hymne national. Notre intervention en Afghanistan et en Irak de même que notre système de santé m’affectaient beaucoup, m’empêchaient de dormir si bien que j’ai commencé à écrire sur le sujet et Ballade pour Leroy est né ainsi. C’est dans mes romans que je pense être le plus à même d’aider politiquement et c’est donc là que je concentre toute mon énergie.
In The Free, there are various themes showing people’s distress – the National Guard sent to Iraq, the American health system, the debt burden, the middle-class’s marginalization. Are they very significant messages sent to the leaders of your country ? Are you politically involved ?
This novel is my most political novel. The title THE FREE comes from the US national anthem. I was deeply upset over our involvement in Afghanistan and Iraq, and well as our health system. Both of these issues wouldn’t leave me alone, they’d wake me up at night so I began writing about them and THE FREE came from that. Politically I think the best help I can be is in my novels so I focus my political ideas and energy into them.
Où trouvez-vous votre matériau pour l’écriture? Avez-vous rencontré des gens extraordinaires comme Pauline, Leroy et Freddie?
J’admire les infirmières, je suis sorti avec une infirmière pendant environ deux ans, d’où le personnage de Pauline. J’ai toujours voulu leur rendre hommage à travers l’écriture. C’est l’un de mes objectifs en tant que romancier. J’ai aussi voulu écrire sur ce que vivent les soldats de la garde nationale, sur l’injustice de leur sort. Je me suis toujours fermement opposé à notre intervention en Afghanistan et en Irak. D’où le personnage de Leroy. Quant à Freddie, il représente la classe ouvrière. C’est un homme honnête et bon mais il est tellement mis sous pression qu’il en arrive à enfreindre la loi. Par ailleurs, j’ai été peintre en bâtiment pendant douze ans.
Where do you find your material to write ? Have you met extraordinary people like Paulin, Leroy or Freddie ?
I admire nurses and I went out with a nurse for a couple years so that’s where Pauline came from. I’ve always wanted to write a tribute to nurses. It’s been one of my goals as a novelist. As for Leroy, I wanted to write about, in my own way, the struggle of the United States National Guard soldiers. I’ve always been dead set against our involvement in Afghanistan and Iraq and the National Guard soldiers took an unfair role in my opinion. That’s where Leroy came from. And Freddie, he’s the working class. He’s an honest and good man who’s under such duress he breaks the law. I was a house painter for 12 years and that’s where he came from.
Elmore Leonard a dit que si on écoutait une chanson country à l’envers, votre femme ne vous avait pas quitté, vous n’aviez plus perdu votre job, votre pick-up n’était plus tombé en panne et votre chien n’était plus mort. Pour vous, peut-on qualifier « Ballade pour Leroy » de chanson country, quel est le roman que vous avez vraiment voulu écrire?
Ballade pour Leroy est plutôt une chanson folk politique et enragée. Dans la veine de Bob Dylan et de Woody Guthrie. Motel Life est plutôt une chanson country, Plein Nord une ballade triste et romantique et Cheyenne en automne une chanson folk.
A country song is usually sad. Is The Free a country song?
I think of THE FREE as more of an angry political folk song. In the vein of Bob Dylan and Woody Guthrie. I see The Motel Life as a country song, NORTHLINE- a long sad romantic ballad, and Lean on Pete- a traditional story folk song.
Quel est pour vous le morceau, la musique qui collerait le mieux avec « Ballade pour Leroy »?
Ah, c’est une question difficile. Je n’y ai jamais réfléchi ! Au moment où je vous écris, je dirais une chanson de Drive By Truckers ou peut-être de Woodie Guthrie
For you, what would be the music, the piece of music, that would go well with The Free?
Ha what a question. I’ve never thought about this! This morning, right now, I think THE FREE does feel like a Drive By Truckers song or maybe a Woodie Guthrie song.
Richmond Fontaine est un bon groupe d’ Alt-country de l’Oregon qui chante depuis plus de vingt ans de belles histoires sur des gens et des territoires américains moins connus, moins bling-bling, beaucoup plus dans la marge ou la majorité silencieuse mais tellement plus authentiques. Richmond Fontaine, commeWilco, Drive by Truckers, voire Moutain Goats dans d’autres zones du pays parlent d’un quotidien qui existe, vraiment vécu par une population américaine plutôt de culture blanche et leur succès dans leur pays prouve qu’ils parlent bien d’une réalité de plus en plus difficile pour tous, la misère n’étant plus uniquement réservée aux autres minorités ethniques.
Willy Vlautin est le chanteur, le guitariste, le compositeur, l’âme de Richmond Fontaine et il a aussi un joli talent pour l’écriture. Il signe ici son troisième roman chez Albin Michel et le très beau « Cheyenne en automne » était sorti chez 13ème note.
Il me semblait important, en préambule, de donner ces quelques infos pour simplement signaler que Willy Vlautin est vraiment un très grand artiste américain bien trop méconnu chez nous parce que ce genre de bouquins, malgré l’extrême noirceur du propos, cela vous réconcilie avec l’humanité.
Leroy n’a pas eu de chance, il s’est bien fait niquer pendant toute sa toute nouvelle vie d’adulte. Il est entré dans la garde nationale pour s’assurer un quotidien un peu moins difficile parce qu’un seul job ne suffit plus pour vivre décemment. Il se retrouve parachuté en Irak où il explose avec son véhicule et revient au pays comme un légume par la faute de la politique extérieure des USA. Il lui faudra de nombreux mois pour arriver à marcher, il ne retrouvera jamais plus la parole et son cerveau semble éteint et donc la grande Amérique l’abandonne dans une espèce de mouroir-HP. Et dans ce premier chapitre d’un roman qui au niveau émotion va bien vous secouer, vous allez connaître une première belle secousse parce que Leroy en état de conscience limité, se réveille avec toute sa lucidité, se rend compte de sa vie déglinguée depuis des années, du caractère irrémédiable de son état, de la perte à jamais de son amour Jeanette et décide de réunir des forces pour se suicider.
C’est Freddie, personnage inoubliable, gardien de l’établissement la nuit et vendeur de peinture le jour qui le découvre. Il cumule deux emplois, pratique de plus en plus courante aux USA, pour rembourser des sommes faramineuses qui ont été nécessaires pour soigner la cadette de ses filles. Il vit, survit plutôt pour payer la pension alimentaire pour ses deux filles parties avec leur mère dans le Nevada.
Seconde à s’occuper ensuite de Leroy, Pauline, l’infirmière a du mal à joindre les deux bouts devant assurer la vie de son père atteint d’une maladie mentale et leur existence à tous les deux le veilleur de nuit et l’infirmière, toute médiocre en apparence, ratée par les infortunes familiales va créer une faisceau de douceur et d’humanité dans le malheur ambiant de cet environnement hospitalier où se concentrent toutes les douleurs et les plaies humaines.
Ce n’est pas un polar, vous l’aurez compris, pas vraiment un roman noir non plus mais c’est tout simplement un grand roman à l’histoire tristement banale ou banalement triste. Il y a du malheur, ce qu’il semble être de la résignation comme dans tous les pays occidentaux quand les populations ont compris que les politiques se foutent de leur gueule. On continue vaille que vaille parce que le surendettement tellement proposé par les banquiers et organismes de prêt fait que vous pouvez vous retrouver à la rue à n’importe quel moment quand les chacals réclament leur dû.
Et dans ce monde qui souffre, chacun de son côté, chacun à sa manière mais tous deux avec la même humanité et la même bonté, Pauline et Freddie, sauvent, soutiennent, maintiennent un espoir pour les autres, faisant ainsi écho à la petite lumière bien ancrée chez eux avec leurs rêves de bonheur simples et pourtant tellement difficiles à approcher.
Ballade pour Leroy n’est absolument pas un mélo. De nombreuses pages sur les rêves délirants de Leroy créent autant de paraboles sur l’exclusion, la marginalisation, la guerre …accentuent un tableau sévère de vies ratées et offrent parfois un cadre très spécial de science fiction initié par les romans que lit sa mère tous les soirs à un Leroy inconscient. Des passages étranges mêlant délires et informations provenant de la vie rélle autour du pauvre infortuné rendus de manière sûrement extrêmement fidèle et fiable par la traductrice Hélène Fournier dont je connais l’extrême rigueur du travail.
Avec une histoire qui ressemble beaucoup au cinéma sans effets de manche de Jeff Nichols ou à 911 de Shannon Burke, Willy Vlautin réussit un roman très profond, une énorme leçon d’humanité et d’humilité.
Commentaires récents