Traduction : Fabrice Pointeau.
Wendy Walker était une avocate spécialisée dans le droit de la famille dans le Connecticut. Elle a commencé à écrire quand elle a arrêté de travailler pour élever ses enfants. « Tout n’est pas perdu » est son premier roman publié en France, avant même sa sortie aux Etats-Unis en juillet prochain où il est très attendu et devrait faire un carton (les droits cinématographiques du roman ont déjà été achetés par l’équipe de production de « Gone girl » de David Fincher).
« Alan Forrester est thérapeute dans la petite ville cossue de Fairview, Connecticut. Il reçoit en consultation une jeune fille, Jenny Kramer, quinze ans, qui présente des troubles inquiétants. Celle-ci a reçu un traitement post-traumatique afin d’effacer le souvenir d’une abominable agression dont elle a été victime quelques mois plus tôt. Mais si son esprit l’a oubliée, sa mémoire émotionnelle est bel et bien marquée. Bientôt tous les acteurs de ce drame se succèdent dans le cabinet d’Alan, tous lui confient leurs pensées les plus intimes, laissent tomber leur masque en faisant apparaître les fissures et les secrets de cette petite ville aux apparences si tranquilles. Parmi eux, Charlotte, la mère de Jenny, et Tom, son père, obsédé par la volonté de retrouver le mystérieux agresseur. »
C’est à entrer dans une histoire à multiples tiroirs que Wendy Walker nous convie : l’histoire de Jenny bien sûr dont le traitement n’a effacé que les souvenirs du viol, mais pas la mémoire émotionnelle. Wendy Walker précise en fin d’ouvrage que des scientifiques ont déjà réussi à altérer des souvenirs factuels et à atténuer leurs impacts grâce à des médicaments et que si ce traitement n’existe pas encore réellement c’est bien dans cette direction que se dirigent les recherches dans le domaine des sciences de la mémoire notamment en vue de soigner les soldats atteints du syndrome de stress post-traumatique. Le personnage de Jenny sonne juste et parvient à nous faire ressentir aussi bien l’abomination du viol et ses conséquences sur la victime, abîmée à vie, que l’angoisse et la détresse d’avoir perdu la mémoire. De plus, Jenny ne peut aider la police puisqu’on lui a fait oublier le viol.
Puis l’histoire des parents, détruits eux aussi par le drame que vit leur fille mais chez qui il résonne différemment, ouvrant entre eux des brèches risquant de faire voler leur couple en éclats. Les non-dits, les secrets dont ils s’accommodaient vont être révélés.
Et l’histoire de la vie dans cette petite ville du Connecticut où l’anonymat n’est pas possible, où tout le monde se connaît, vit tranquille car chacun gère avec grand soin sa réputation… Nul ne peut ni ne veut envisager que le coupable soit du coin : la police se rue sur toutes les pistes venant de l’extérieur et traine des pieds sur les pistes internes à la ville. Mais les apparences sont bien sûr trompeuses… D’autres personnages apparaissent alors : un ex-soldat traité de la même manière que Jenny, d’autres jeunes présents à la fête où Jenny a été violée, le patron du père…
Enfin il y a le psychiatre qui vit lui aussi dans cette petite ville avec sa famille. Spécialiste de la thérapie post-traumatique, le seul à vrai dire à Fairview, et il s’occupe de tous les personnages. C’est lui le narrateur, et c’est par sa voix que Wendy Walker va tisser son récit. Une voix très sûre d’elle, froidement professionnelle au début mais qui va parfois se troubler, lui aussi est humain. Le psy nous raconte la thérapie de Jenny : opposé à l’utilisation des médicaments qui enlèvent les souvenirs, il veut lui redonner la mémoire et l’accès à la résilience. Il participe également à l’enquête puisque les souvenirs retrouvés pourraient aider les policiers. Tous, vus par le psy sont dépouillés de leur carapace avec défauts, vices, blessures et failles et donc terriblement humains et vulnérables.
Par lui, elle mêle les histoires, les pensées de chaque personnage, elle entremêle les vies de tous, met à jour des liens qui tour à tour éclairent puis obscurcissent l’histoire. On pense avoir compris, on se sent drôlement intelligent puis elle démolit tout : Wendy Walker se joue de nous avec une très grande habileté. Elle nous mène par le bout du nez, nous fait douter de tout avec un grand talent : une pro du suspense !
Un très bon thriller psychologique, qui nous tient en haleine tout en ayant une grande justesse et une grande humanité.
Raccoon
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