Traduction: Janique Jouin-de Laurens.

Craig Zahler, a, il me semble, inauguré la collection  néonoire de Gallmeister avec son quatrième roman « Exécutions à Victory » peut-être plus dans le courant que voulait créer l’éditeur que « une assemblée de chacals » qui lui est un pur western, oui, mais qui plaira sans qu’on s’intéresse particulièrement au genre. Hollywood a acheté les droits de « Victory » qui devrait être interprété par Leonardo Di Caprio et Jamie Foxx. Par ailleurs son second western encore inédit en France « Wraiths of the Broken Land » racontant la recherche de deux sœurs kidnappées pour être forcées à la prostitution sera l’objet d’un film réalisé par Ridley Scott et dont la sortie est prévue pour 2022. Enfin S. Craig Zahler a lui-même réalisé « Bone Tomahawk » avec Kurt Russell en 2015 un terrible western reprenant le thème de l’enlèvement par des Indiens cannibales et de la quête qui s’en suit, disponible en VOD chez nous. S. Craig Zahler est aussi scénariste, a été directeur de la photo sur plusieurs films et batteur et compositeur du groupe de Heavy Metal Realmbuilder. Entre autres… la liste est plus longue mais ceci permet de comprendre un peu l’envergure de l’homme.

« Après avoir tiré un trait sur leurs jeunesses de braqueurs et d’assassins, les quatre membres du “Gang du grand boxeur” mènent désormais des existences rangées  et paisibles. Jim a si bien réussi à refaire sa vie qu’il est sur le point d’épouser la sublime fille d’un shérif. Mais un fantôme ressurgi du passé annonce qu’il compte s’inviter à la cérémonie et profiter de la fête pour régler de vieux comptes. La mort dans l’âme, les quatre anciens amis n’ont plus qu’à se donner rendez-vous au mariage, où il faudra vaincre ou mourir. Mais ce qui les attend dépasse de très loin tout ce qu’ils avaient pu imaginer… »

Evidemment, ils seront les victimes de l’imagination débordante d’un auteur qui utilisera tous les expédients pour les faire souffrir et glacer le lecteur car s’il s’agit bien d’un western, c’est avant tout un roman noir parsemé d’éléments qui s’apparentent à la littérature d’horreur donnant un aspect souvent gothique à l‘ensemble.

Dans la première partie, Zahler nous raconte le terrible passé des quatre outlaws, leur fuite suite à leur propre terreur vécue en s’associant avec une figure du mal particulièrement malsaine, un Irlandais d’origine du nom de Quinlan qui revient les hanter des années plus tard quand ils se sont créé une respectabilité, une famille et qu’ils ont réussi à occulter leur sale passé en pensant que le démon irlandais est mort. On les voit aussi dans leur nouvelle vie et la plume, très belle, de Zahler se rapproche magnifiquement, par instants, de celle de Larry McMurtry. Mais le passé les rattrape et ils doivent retourner en enfer pour sauver leur nouvelle vie.

Avec en incipit un premier chapitre particulièrement malsain, hallucinant, vous saurez d’emblée si ce roman est fait pour vous puisque cette scène très dure donne finalement plutôt gentiment le ton d’un roman qui fonce, qui défonce . La tension se relâchera vers le milieu du roman dans le Montana où se situera le cœur de l’intrigue, quelques pages un peu mou du genou que vous apprécierez finalement aisément et qui vous seront salutaires tant l’effroi qui vous attend, approche avec ce mariage.

La dernière centaine de pages correspond parfaitement au duel final du western traditionnel mais il n’est par contre pas traité de manière très conventionnelle. Pendant tout le roman, de façon assez inhumaine, les personnages sont confrontés à des choix cornéliens pour eux-mêmes ou pour les autres nécessitant leur propre sacrifice et dans cette apocalypse finale, le lecteur devra affronter pas mal de scènes dures tout en étant confronté à des doutes sur la loyauté de beaucoup de personnages. Dans ce pandémonium du Montana, on tue, on étripe, on humilie, on ampute, on trahit, on sacrifie, on pend, on trahit… et bien malin qui trouvera qui sortira vivant de ce carnage particulièrement barbare.

Certains détesteront et on comprendra que certains excès peuvent déranger mais beaucoup adoreront car ce roman est furieux, se lit en un « one shot » vénéneux et si certains événements ne sont pas très crédibles, l’ensemble est superbement bien raconté et propose un très bon moment de lecture.

Impitoyable, No mercy !

Wollanup.