21 mars donc, débuts de la nouvelle collection Equinox des éditions les Arènes dont on vous a déjà parlé lors d’ un petit entretien avec son éditeur Aurélien Masson. Mais ce n’était que des mots, place au verbe maintenant. La page blanche que rêve d’enluminer l’éditeur pourrait être écrite par une Dominique Manotti dont on connaît déjà tous l’immense talent et dont le douzième roman “Racket” sort aussi aujourd’hui dans la même collection. Nous y reviendrons sous peu mais il semblait plus judicieux de s’intéresser, dans un premier temps, au premier roman d’un inconnu, Thomas Sands, une découverte maison et qui ne laissera pas indifférent, clivera peut-être.

“C’est un pays perdu… Un pays agenouillé, humilié, sous le joug d’une poignée de dirigeants de start-up. Soudain, il surgit de nulle part. Il n’a pas vingt-trois ans. Maigre comme sont les chiens de combat, le visage marqué parfois, arcades fraîchement refermées, pommettes étoilées de sang séché, phalanges éclatées. Il possède ce mélange de douleur, de mémoire et de fragilité qui mène certains hommes à la violence. Il se porte aux côtés de ceux qui ne sont rien. Il allume un feu dans la plaine…”

Et quel feu parce que si le roman ne comporte que 138 pages, l’incendie déclenché sera dévastateur. Ce premier roman de Sands entre, et c’est une évidence, dans la catégorie des bouquins coup de poing, grosse baffe, claque dans la gueule…pas forcément des coups de coeur mais toujours des garde-fous essentiels… si vous entrez dans l’histoire, si vous adhérez au propos. Dans le cas contraire, si le propos vous semble très éloigné du monde que vous vivez, que vous sentez, cet immense coup de gueule, particulièrement violent dans son issue, vous semblera vain.

Doit-on ici dissocier l’auteur de son personnage tant le propos semble écrit, jeté, avec les tripes, douloureusement, révélateur d’une colère froide qui engendrera bien vite la révolte, la lutte auprès de ceux qui n’ont plus grand chose et qui veulent exister malgré la félonie des politiques, les forces coercitives, les mensonges des médias valets d’un pouvoir parfaitement identifié ici comme macronien. Le style, urgent, colle parfaitement à l’intrigue, à la fièvre qui s’empare du héros et sied parfaitement à une histoire qui ira  très loin dans l’outrance. L’urgence est prégnante, envahissante mais souffrirait certainement d’une certaine usure, d’une lassitude sur un format plus long.

Sans vouloir rappeler que beaucoup d’avancées sociales, de victoires populaires ont été gagnées dans le sang et non le cul posé sur une place parisienne à discuter ou en s’imaginant en marche alors qu’on est, au mieux, à l’arrêt, “Un feu dans la plaine” se veut le témoin impitoyable des dérives actuelles, des privilèges dégueulasses, de la paupérisation de classes “déclassées”, sans intérêt ni utilité, dans le monde magique que l’on nous concocte. La trajectoire douloureuse, mortifère, du personnage principal indique aussi très clairement que là-haut, tout en haut de la gabegie étatique, dans les salons des ministères comme dans les salles de rédaction inféodées, nul est à l’ abri d’un kamikaze désespéré, d’un sniper déterminé.

« On cesse d’être humain, d’être rattaché au monde, aux autres, à ceux que l’on aime à la seconde où l’on ne peut plus dissocier les événements de ses émotions.A la seconde où les mots vous manquent.C’est toujours la honte qui engendre le crime. »

Brûlot salutaire.

Wollanup.