Traduction : Emmanuel Curtil.

Tove Alsterdal est une journaliste, dramaturge et scénariste suédoise. « Tango fantôme » est son troisième roman, il a reçu le prix du meilleur roman policier suédois en 2014.

« Durant la nuit de Walpurgis, cette nuit de la fin avril où l’on fait brûler des feux pour dire adieu à l’hiver, une femme est tombée d’un balcon, du onzième étage. C’était Charlie, la sœur d’Helene Bergman, mais depuis des années elles ne se parlaient presque plus. Helene n’avait jamais partagé l’obsession de son aînée : découvrir ce qu’il était arrivé à leur mère, disparue en novembre 1977, quelque part en Amérique du Sud. De cette Ing-Marie si belle, il ne reste plus que quelques photographies et le souvenir de ceux qui l’ont aimée. Mais tandis que la police s’apprête à classer la mort de Charlie comme un banal suicide, Helene se dit qu’elle aurait dû révéler certaines choses. Au bout de ces omissions, elle va devoir conduire elle-même une étrange enquête. Pas sur une mort, mais sur deux. Pas seulement sur sa sœur, mais aussi sur sa mère. Pas seulement en Suède, mais aussi en Argentine. »

La disparition de Ing-Marie a évidemment marqué ses deux filles, et toujours quarante ans plus tard. Charlie et Helene, les deux sœurs ont eu la même enfance, elles ont subi les mêmes blessures, pourtant, elles ont choisi des chemins radicalement opposés pour s’en sortir. Charlie voulait absolument comprendre, elle enquêtait, s’obstinant jusqu’à s’en gâcher la vie, la perdant même finalement. Helene, elle, a refusé la moindre trace de cette enfance et tout jeté aux oubliettes pour se construire une vie. Tove Alsterdal crée de beaux personnages de femmes, attachantes et fortes, qui se battent pour aller au bout de leurs choix.

Tove Alsterdal alterne le récit de ces vies : Ing-Marie à la fin des années soixante-dix, Helene et Charlie en 2014, elle remonte le temps et mêle leurs histoires avec une grande intelligence, une grande habileté. Elle sait créer le suspense et prend son temps, n’éclairant les secrets que petit à petit. Elle dévoile ainsi peu à peu une histoire sombre aux conséquences tragiques jusque dans le présent. La vie d’Helene est profondément bouleversée, elle doit se pencher malgré elle sur la disparition de sa mère qu’elle a vécue comme un abandon. Mais c’est en Argentine en 1977 que sa mère a disparu et son enquête va avoir des conséquences très dangereuses que ne peut soupçonner une jeune Suédoise en 2014.

Tove Alsterdal nous entraîne dans l’Histoire de l’Amérique Latine, une histoire hyper violente. Elle raconte la guerre sale en Argentine avec une réalité glaçante : la répression, les disparitions, la torture… La vie d’Ing-Marie est brutalement broyée comme celle de milliers d’autres (même maintenant on n’en connaît pas encore le nombre qui doit approcher les trente mille selon les organisations de lutte pour les droits de l’homme). La plupart des bourreaux n’ont pas été inquiétés par la justice et certains sont encore assez puissants et n’hésitent pas à employer la manière forte pour se protéger. L’onde de choc de cette guerre sale n’en finit pas de se propager.

Un très bon roman où se mêlent blessures intimes et tragédie collective.

Raccoon