Chroniques noires et partisanes

Étiquette : todd robinson

LES MORTS DE RIVERFORD de Todd Robinson / Gallmeister

The Dead In Riverford

Traduction: Alexis Nolent

Les éditions Gallmeister nous avaient fait découvrir Todd Robinson il y a déjà quelques années avec “Cassandra” et “Une affaire d’hommes” mettant en vedette un duo impeccable de potes redresseurs musclés de torts mais cela faisait cinq ans qu’on était sans nouvelles de l’homme aux multiples vies professionnelles autres que celle d’auteur: paysagiste, garde du corps, barman et videur de boîte de nuit. Ces expériences avaient certainement aidé à créer ses deux personnages de Boo et Junior, amis depuis l’orphelinat, “buddys”inséparables et héros des deux premiers opus réjouissants et considérés souvent et bien à tort, comme d’aimables séries B. C’est donc avec un plaisir non feint qu’on a attaqué puis avalé “Les morts de Riverford” qui signe l’entrée d’un nouveau duo Yama et Julius, des flics cette fois-ci, dont on ignore encore s’ils vont devenir les piliers d’une  nouvelle série.

“A Riverford, petite ville durement frappée par la crise économique, la population se noie dans l’ennui, l’alcool et la drogue. Quentin Davoll, vieille gloire du basket, est assassiné. Fils unique de l’homme le plus puissant de la ville, il était haï de tous pour ses activités de banquier – et parce qu’il était une brute raciste. Frank Yama, le flic chargé de l’enquête, a été l’une de ses victimes au lycée.”

La crise, les crises… sont de plus en plus souvent le théâtre récurrent des intrigues policières américaines, le déclencheur d’actes coupables, désespérés. “Riverford avait un taux de délinquance supérieur à la normale, mais un taux d’homicides plus bas que ce à quoi on pouvait s’attendre. Quasi zéro.” Ce meutre dont les possibles auteurs sont légion va donc réveiller la ville de son état de catalepsie. La mort naturelle quasi au même moment d’un nuisible historique du village aux rejetons particulièrement incontrôlables et qu’il va falloir canaliser avant qu’ils mettent à feu et à sang Riverford épice aussi notablement l’affaire

 Yama, flic d’origine asiatique et son chef Julius, seul “black” à des lieux à la ronde ont donc du taf. Mais les deux amis, habitués à la tranquillité et à la monotonie de leur job ne sont pas particulièrement pressés de trouver le coupable parmi tous ceux qui vouaient une haine farouche à ce fumier de Davoll. “Tout le monde avait peur des Davoll, pour tout un tas de raisons. Les Davoll, eux, n’avaient peur de personne. Ils n’en avaient jamais eu aucune raison, avant aujourd’hui.”  

Au départ, on peut s’étonner que Todd Robinson ait pu délaisser Boo et Junior mais très rapidement, on voit que les deux nouvelles personnalités de Yama et Julius seront les impeccables et placides moteurs d’une intrigue moins échevelée que par le passé, certes mais toujours aussi réjouissante sur la forme comme sur le fond. Portrait d’une Amérique blanche en pleine décadence, en grave déclassement, “Les morts de Riverford” montre l’envers du décor, regarde sous le tapis pour montrer les drames cachés, les martyres vécus, les peines incommensurables, les chagrins éternels, la perte.

Todd Robinson se montre aujourd’hui grave face à la misère humaine, dévoilant la part sombre de plusieurs de ses personnages, l’enfer d’une résilience qu’on ne parvient à réaliser. C’est souvent très triste, très touchant comme le calvaire d’un pauvre chien qui pourra très probablement émouvoir jusqu’aux larmes. Pour autant le roman est souvent synonyme d’espoir montrant la grandeur des humbles, l’humanité des damnés, la main tendue.

Et si le tableau est souvent déprimant, montrant la décrépitude d’un modèle sociétal devenu obsolète, une société à l’arrêt, la verve de Todd Robinson, les situations aussi décalées ou déjantées qu’explosives, les répliques qui tuent, contribuent à créer un roman superbement addictif tout au fond de l’Amérique blanche des chemises à carreaux, des bistrots borgnes, des casquettes John Deere, des picks-up rouillés et de la Sam Adams coulant à flots.

Two Thumbs Up !

Clete

UNE AFFAIRE D’HOMMES de Todd Robinson chez Gallmeister

Traduction : Laurent Bury.

Avant de devenir écrivain, Todd Robinson a créé une revue spécialisée dans la littérature noire et policière. Il a exercé plusieurs métiers dont barman et videur, à Boston et à New York. Il connaît bien ce milieu des bars et des clubs qui l’a inspiré. Dans ce deuxième roman, on retrouve Boo et Junior, les deux héros de « Cassandra ». Je ne l’avais pas lu à l’époque et ça ne m’a pas empêché d’apprécier « Une affaire d’hommes », mais j’ai désormais une furieuse envie de découvrir les débuts de ces enquêteurs attachants, percutants et drôles.

« Boo et Junior sont amis depuis l’orphelinat et videurs dans un club depuis que leurs muscles et tatouages en imposent suffisamment. Ils cultivent depuis toujours leur talent pour se mettre dans les pires situations et s’en sortir avec de manière surprenante. Quand une de leurs collègues leur demande d’avoir une conversation avec un petit ami trop violent, nos deux compères sont trop heureux de jouer les chevaliers servants. Lorsque le type en question est retrouvé mort, Boo et Junior font des coupables parfaits. »

Boo a grandi dans un orphelinat après le meurtre de sa mère, un lieu où les ados vivaient dans un climat de tension permanente et de violence où seuls les plus forts pouvaient avoir la paix. Leur seule protection, une bande : d’autres pauvres mômes livrés à eux-mêmes, paumés, terrorisés qui sont devenus des adultes complètement déglingués. Ils se débrouillent tous avec leurs blessures, leurs cicatrices plus ou moins secrètes, plus ou moins à vif mais ne se sont pas perdus de vue depuis cette époque et se soutiennent toujours même si les noms d’oiseaux fusent. Il y a Boo et Junior, videurs dans le même club miteux, mais aussi Ollie et Twitch.

Todd Robinson nous offre une galerie de personnages fracassés, susceptibles, violents, paranos et pourtant touchants. Quelques flash-backs seulement, souvent dans le feu de l’action, et Todd Robinson les rend attachants, l’empathie fonctionne. C’est Boo le narrateur, il parle dans un langage cru, drôle, car s’il est lucide sur lui-même, sur les autres, sur sa vie, ça ne l’empêche pas de voir rouge assez souvent, de péter les plombs et de se fourrer dans le pétrin même quand il le sent venir. La violence, il connaît, donner et prendre des coups, ça fait partie de son univers. Il a également le sens de la répartie et de la provoc, si ça lui cause des ennuis, ça donne des dialogues plutôt savoureux. Les autres personnages ne sont pas en reste et sont également hauts en couleur. On est dans un univers qui fait penser à celui d’Hap et Leonard de Lansdale sauf qu’ici on est en ville, à Boston.

Junior est accusé d’un meurtre qu’il n’a pas commis et toute la bande va devoir enquêter pour le disculper car la police se satisfait de ce suspect, un coupable idéal et ne cherche pas plus loin. Todd Robinson nous entraîne sur un rythme d’enfer dans une enquête où les scènes d’action s’enchaînent sans temps mort. Il sait brouiller les pistes, entretenir le suspense : on se retrouve aussi perdus que les personnages (sauf que nous on rit, on ne prend pas de baffes !) jusqu’au dénouement.

Tout en réussissant un roman d’action où le lecteur n’a pas le temps de souffler, Todd Robinson creuse la psychologie des personnages. De leur adolescence en cage, sombre, dangereuse où ils se sont éduqués seuls, nos héros ont acquis une notion de la virilité spéciale sur laquelle ils sont extrêmement chatouilleux et qui se rapproche dangereusement de l’homophobie. Cela leur fait commettre des erreurs graves et si Boo en prend conscience, c’est plus difficile pour Junior. Todd Robinson s’attaque mine de rien à ces préjugés tenaces qui gangrènent la société américaine des bas-fonds, loin de la tolérance des bobos cultivés.

Un roman où testostérone, adrénaline, humour et intelligence font bon ménage.

Un très bon buddy roman noir.

Raccoon

CASSANDRA de Todd Robinson/neonoir Gallmeister

Nyctalopes qui devait être le site d’un couple  est en train de devenir un gang. Heureux d’accueillir Fab qui revient sur Cassandra un des  succès 2015 de « neonoir » avant que nous entamions la couverture d’un mois de janvier particulièrement riche pour les amateurs de Noir.W.

« Boo et Junior ne se sont pas quittés depuis l’orphelinat. Aujourd’hui adultes, ils sont videurs dans un club de Boston. Avec leurs deux cent quinze kilos de muscles et leurs dix mille dollars de tatouages, ça leur va plutôt bien de jouer les durs. Mais quand on leur demande de rechercher la fille du procureur de Boston qui a disparu, ils vont devoir recourir à autre chose qu’à leurs biceps. Que la gamine fasse une fugue, soit. Il faut bien que jeunesse se passe. Mais quand elle se retrouve sous l’emprise de ses mauvaises fréquentations, c’est une autre histoire. »

Avec Cassandra on est pas loin d’un buddy movie littéraire. Même si l’histoire est dure et violente on est clairement sur un autre créneau que les autres titres de cette collection. Énormément d’humour,mais pas noir, et surtout pour la première fois deux « héros » qui attirent instantanément la sympathie. Purs produits de Boston, on a aucun mal à les imaginer tout droit sortis d’une vidéo des Dropkick Murphys, ce sont 2 véritables losers patentés mais ils assument et on les aime pour ça. c’est punchy,il y a de l’action,les répliques fusent et à peine la dernière page tournée on attend déjà avec impatience de retrouver Boo et Junior . Idéal pour ceux qui avaient trouvé les premiers titres Néonoir un peu trop râpeux et abrupts à leur goût.

Fab.

 

 

 

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