Traduction : Bernard Cohen.

Tawni O’Dell est née et vit en Pennsylvannie, une région à la fois sauvage et minière où elle situe son œuvre. Son premier roman « le temps de la colère » a obtenu un grand succès et est en cours d’adaptation au cinéma. « Un ange brûle » est son cinquième roman.

« Dove Carnahan n’est pas femme à se laisser déstabiliser. À bientôt cinquante ans, la chef de police d’une petite ville minière de Pennsylvanie a l’habitude des situations difficiles. Pourtant, devant le corps à demi calciné de la jeune Camio Truly, Dove vacille.

Issue d’une famille de rednecks versée dans l’alcool et les magouilles, l’adolescente était promise à un autre avenir : une bourse universitaire, une porte de sortie vers un monde meilleur. Un rêve soudain brisé.

Dove prend l’affaire personnellement. Elle qui a dû se battre pour se sortir d’une enfance chaotique veut rendre justice à cette innocente. Après tout, sa propre famille n’est pas si différente des Truly.

Au même moment, un homme est remis en liberté après trente-cinq ans passés sous les verrous. Pour Dove, pour les siens, c’est le souvenir d’un indicible drame qui ressurgit. »

Dove Carnahan vit depuis toujours à Buchanan, petite ville minière de Pennsylvanie située à côté d’une ville fantôme évacuée après un incendie d’une mine de charbon qui fait encore rage quelques quarante ans après. Si Buchanan est une ville imaginaire, il existe bien en Pennsylvanie une ville désertée à cause d’une mine de charbon qui brûle depuis 1962 : Centralia ! C’est dans une crevasse brûlante de ce genre qu’on retrouve le corps de Camio Truly, l’adolescente assassinée.

Une route près de Centralia.

Cette mine en feu fait partie de leur vie depuis longtemps pour les habitants de Buchanan. Tawni O’Dell évoque magistralement l’ambiance étouffante de cette ville où tout le monde se connaît, où les ragots et les préjugés vont bon train, où les rancœurs sont tenaces et les frontières bien établies entre les classes. C’est une ville plutôt tranquille, il ne s’y passe pas grand-chose mais la misère, la violence et le malheur y sont bien présents.

Le dernier meurtre sanglant qui a défrayé la chronique à Buchanan était celui de la mère de Dove, il y a trente-cinq ans, une femme follement belle, aux mœurs légères, incapable de s’occuper de ses enfants. Dove, l’aînée, sa sœur Neely et son frère Champ ont grandi seuls : délaissés puis orphelins. Marquées par cette enfance chaotique, les deux sœurs, très proches, ont réussi malgré tout à se faire une vie, leur frère est parti dès sa majorité pour ne plus revenir. Pour Dove, chef de la police, l’enquête qu’elle doit mener sur le meurtre de cette adolescence ravive douloureusement les souvenirs liés au meurtre de sa mère. C’est elle la narratrice. Tawni O’Dell construit son roman en alternant les deux histoires au gré des pensées de Dove, l’enquête actuelle et le récit du meurtre de sa mère, et dans les deux elle réussit à maintenir le suspense.

Dove est un très beau personnage de femme forte et libre malgré les traces et les blessures de son enfance cabossée. Elle a cinquante ans, âge inconfortable où l’on voit la vieillesse s’approcher. Elle pose sur la vie, la sienne en particulier un regard extrêmement lucide, elle est sans grandes illusions sur le genre humain et manie l’humour aussi bien envers les autres qu’envers elle-même. Elle connaît la maltraitance et cette compréhension l’empêche d’emprunter les raccourcis faciles et évidents. Tawni O’Dell lui donne un ton vivant, sombre, tendre, parfois ironique avec des répliques cinglantes et l’empathie pour Dove fonctionne très vite.

Les autres personnages ne sont pas négligés : Neely, Champ, Nolan le collègue de Dove, trois générations de Truly (un clan de rednecks bien atteints qui vivent selon leurs propres règles). Ils sont hauts en couleur mais jamais caricaturaux. Tawni O’Dell réussit à créer des personnages crédibles, tristement humains. Dans cet univers noir et violent où les familles dysfonctionnent, ne protègent pas, les secrets révélés ne pourront être que sordides.

Un bon polar dans un univers bien sombre.

Raccoon.