On pouvait se montrer surpris par la passion populaire et le battage médiatique autour du procès Daval, il y a quelques semaines. Le mari avait avoué, qu’attendait-on de plus? Par contre, les Français amateurs de faits divers continuent à se passionner pour les événements liés aux affaires Grégory, Estelle Mouzin ou Jean-Claude Romand qui demeurent, malgré les années, non résolues, inexplicables… pour toujours?

Dans ce classement de l’horreur et du mystère, ces affaires ont été vite supplantées par une bien plus récente, datant de 2011, et qui pour l’instant, malgré de nouvelles pistes menant vers l’étranger en cette fin d’année 2020, demeure une énigme extraordinaire.

“Au début du mois d’avril 2011, un homme de 50 ans disparaissait sans laisser de traces, avant qu’on ne retrouve les corps de sa femme, de leurs quatre enfants et de leurs deux chiens enterrés sous la terrasse de leur maison nantaise. Presque dix ans plus tard, les innombrables mystères qui entourent « l’affaire Xavier Dupont de Ligonnès » font de celle-ci le fait divers français le plus indéchiffrable et discuté de ce début de millénaire.”

Beaucoup de magazines sortent des numéros spéciaux estivaux étiquetés “sexe”. Society, pendant plusieurs années il me semble, a sorti des numéros “ meurtre” consacrés à des faits divers peu ou pas connus. Cette année, Society a décidé de sortir une enquête en deux volets  sur XDDL. Ils ont fait un gros carton inattendu avec la première partie, confirmé par la deuxième. Cette enquête est le fruit d’un travail de quatre années de Pierre Boisson, Maxime Chamoux, Sylvain Gouverneur et Thibault Raisse et sans conteste, ils ont vraiment bien réalisé leur taf.

Du coup, cette version livre tombe à point pour ceux qui s’intéressent à cette histoire. Society est un quinzomadaire du groupe So Press à qui on doit déjà So Film et surtout SO FOOT qui a réussi à nous débarrasser de l’hégémonie de France Football, les ringardisant par un discours moins laudateur et plus proche du supporter, des personnes qui vivent football et dégommant sans états d’âme les icônes avec un ton nouveau et une dérision bienvenue. Il en va ainsi pour Society qui fouille souvent là où personne n’est allé voir, se fondant dans l’anonymat pour mieux prendre la température de la France et du monde.

Et en quatre ans de recherche, les quatre journalistes ont ratissé large, offrant de nouveaux angles à la compréhension d’une affaire effarante ou provoquant une densification du brouillard environnant. Bien sûr, on est loin de l’étude universitaire brillante de Ivan Jablonka pour « Laëtitia », le format et le public ne sont pas les mêmes mais les cent quatre-vingts pages se dévorent. Les crimes bien sûr, la fuite, la disparition, l’enquête, la piste catho intégriste, les proches, les amis, et bien sûr le charismatique Xavier Dupont De Ligonnès. Personne complexe, XDDL se voyait en grand chef d’entreprise, se prenait pour un Américain mais le golden boy en carton était tout autre, bien plus banal en apparence, un pauvre loser. Et puis sur la fin, de nouveau l’émotion, les êtres qui ont été trahis et qui ne s’en sont jamais remis, entraînés bien malgré eux dans une horreur trop forte pour une quelconque résilience. “Ca s’appelle un cauchemar, ou ça s’appelle un fait divers : l’assassin fait toujours d’autres victimes que les morts.”

Malgré que cette affaire bien réelle soit bien plus passionnante que beaucoup de fictions, ce serait une impardonnable lacune  de ne pas vous conseiller l’effroyable “Natural Enemies” de Julius Horwitz qui raconte la dernière journée d’un type qui a réussi et qui a décidé de tuer sa femme, ses enfants et son chien le soir.

Passionnant mais laissant un sale goût dans la bouche.

Bravo Society.

Clete.