Chroniques noires et partisanes

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FAIS-LES PLEURER de Smith Henderson et Jon Marc Smith / Belfond

Make Them Cry

Traduction: Maxime Berrée

Première collaboration entre Smith Henderson et Jon Marc Smith. Si le second est hors des radars, le premier, Smith Henderson, est l’auteur d’un premier roman noir brillant, sorti en France en 2015 Yaak Valley, Montana où, inspiré par son passé d’éducateur spécialisé, il racontait l’Amérique des marges dans l’Amérique des années 80. Par la suite, il a beaucoup travaillé avec Phillip Meyer sur The Son l’adaptation en série de son extraordinaire roman Le fils, racontant une famille texane sur trois générations et interprété notamment par Pierce Brosnan. Ce retour est donc une bonne nouvelle.

“Diane Harbaugh, l’une des recrues les plus coriaces de la DEA, l’agence antidrogue américaine, est celle qu’on appelle pour faire parler les dealers les plus récalcitrants… Jusqu’au jour où l’un de ses indics se suicide sous ses yeux, faisant émerger des doutes sur la nature exacte de leur relation. Sous le coup d’une enquête interne, lâchée par sa direction, Diane perd peu à peu le contrôle. Dans un sursaut rageur, elle part au Mexique rencontrer un certain Gustavo. Celui-ci affirme avoir une info qui pourrait faire tomber tout un cartel. Mais c’est un piège dans lequel se précipite la jeune femme.”

Les lecteurs de Yaak Valley, Montana auront compris rapidement que c’en est terminé de la rudesse et des grands espaces d’un Montana très glauque des années 80. Bon, en deux mots comme en cent, Fais les pleurer est tout bonnement un roman de narcos avec tout ce que ça sous-tend comme fusillades, tueries, coups tordus. poussées de testostérone et montées d’adrénaline en grandes doses. La DEA, La CIA, les Zetas, la Mara 13, tout le monde est bien présent et forcément, si vous avez déjà goûté pareil cocktail explosif, vous savez que cela sera bouillant, sanglant, violent, effréné et j’en passe… Les personnages sont suffisamment bien cernés, tous avec leurs zones d’ombres, leurs failles, c’est hyper-classique mais ça le fait bien. A sa sortie aux USA, le roman a été dézingué parce qu’une partie des dialogues était en espagnol et nécessitait une certaine connaissance de la langue pour bien comprendre certains dialogues. C’était un peu ballot, c’est vrai. Si l’espagnol, y compris à New-York, est en train de devenir la langue la plus parlée sur le territoire américain, elle n’est pas forcément la plus lue et ce souci d’authenticité s’était avéré un gros obstacle. Pour la version française, pas ce genre de souci.

Sans atteindre le niveau de la trilogie de Don Winslow, La griffe du chien, Cartel et La frontière, le roman de Henderson et Smith fait bien le taf. On peut aisément envisager une suite et on imagine très bien que les deux auteurs, pas fous, se verraient très bien l’adapter pour le petit ou le grand  écran.

Clete

YAAK VALLEY, MONTANA de Smith Henderson chez Belfond.

Traduction: Nathalie Peronny.

On y est, c’est la rentrée littéraire et le hasard des sorties fait que l’on commence avec un bouquin énorme, un premier roman et je vous conseille de retenir le nom de Smith Henderson, originaire du Montana et auteur d’un magnifique roman à vous briser le cœur par son humanité et à vous tenir éveillé toute la nuit tant le destin des nombreux personnages, les principaux comme les secondaires va vous fasciner, vous émouvoir si vous aimez ce genre de littérature chevaleresque aux sublimes héros ordinaires.

Smith Henderson a été éducateur spécialisé dans le Montana avant d’émigrer vers des terres plus clémentes au sud et nul doute qu’il s’est servi de son expérience professionnelle pour écrire ce roman choc, violent et magnifique par ce qu’il dégage comme hauteur d’esprit, élégance, un peu comme la littérature de Willy Vlautin.

Pete est assistant social dans un coin paumé de l’état au début des années 80, il vit dans une cabane où les commodités de la vie moderne n’ont pas été encore installées, cela viendra bien un jour mais il s’en fout car c’est un homme qui ne va pas très bien. Séparé maintenant de Beth son amour d’enfance avec qui il a eu, à 17 ans, une fille maintenant âgée de 13 ans, il survit à ce crève-cœur en picolant plus que de raison souvent et en s’impliquant autant qu’il le peut et parfois de manière quasi suicidaire dans son boulot.

Roman imposant par le propos mais aussi par son volume, « Yaak valley, Montana » raconte quelques mois de la vie de Pete et de trois ados dont il s’occupe, trois histoires, trois drames d’innocents, victimes de leurs familles ou de ce qu’il en reste. Dans la littérature, mis à part chez Crumley, le Montana est souvent décrit comme une région paisible, inclinant à la méditation, à la poésie et Henderson connaît et montre l’envers de la médaille crûment, franchement, cet univers décomposé où les enfants sont détruits, punis par l’irresponsabilité de leurs parents.

Cecil vit dans le plus grand des dénuements avec sa mère dans une bicoque, un monde de sous alimentation, d’alcool, de drogues, de prostitution et introduit le roman par une scène marquante où il faut l’intervention de la police et de Pete pour mettre fin à un pugilat entre le fils et sa mère qui a déjà bien pourri la vie de son môme au delà de l’entendement comme Pete le découvrira bien plus tard.

Benjamin vit caché avec son père dans les bois, allumé survivaliste frayant avec les mouvements fachos, antisémites, le suivant partout dans une fuite des autorités, de l’état, attendant l’apocalypse proche prédite par la mère disparue comme le reste de sa fratrie. Les deux survivent de trafics  minables et annoncent la fin des temps en gravant des « hobo nickels ».

hobo nickel

Rachel, elle, est le cas insoutenable pour Pete puisqu’il s’agit de sa fille partie vivre au Texas avec sa mère et disparue un beau matin. Enlèvement, assassinat ou fugue…l’horreur des parents dans l’incertitude, les recherches désespérées aux quatre coins du pays dans les lieux de perdition pour la jeunesse.

Se greffent là-dessus d’autres personnages marquants pour créer un portrait au vitriol des USA des oubliés, des coins reculés, par les souffrances subies par les enfants. Drogue, prostitution, alcool, maltraitances, manquements voire absence d’éducation, cécité de la police et des services sociaux, tout y passe en une macabre parade et Pete s’emploie avec les moyens qui lui sont alloués et sa grandeur d’âme à donner un semblant d’humanité à un univers qui n’en a plus pour ces mômes sacrifiés sur l’autel de la connerie de leurs parents.Choc!

Humainement magnifique et d’une écriture éblouissante.

Wollanup.

PS: Smith Henderson sera à Paris début septembre et notamment à America à Vincennes.

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