« L’affaire myosotis » débute par un court prologue dans la bande de Gaza en janvier 2009 lors de l’opération militaire israélienne Plomb durci, des civils sont évacués par une colonne blindée israélienne.
― Ajnabi, murmura l’inspecteur. Un étranger. Demandez la liste de tous les étrangers qui se trouvent en ce moment sur le territoire.
Le policier évalua rapidement la situation. Un étranger assassiné à Gaza allait entraîner un enchaînement quasi inévitable de conséquences. Les autorités publiques seraient forcément informées du meurtre d’un Occidental dans les prochaines minutes. Quel que soit son auteur (ou ses auteurs), le régime en place aurait tôt fait de vouloir l’attribuer à une faction poilitque rivale. Avec l’aide d’Allah, une justice vengeresse s’abattrait rapidement sur ces criminels désignés et l’affaire serait classée.
Mais un meurtre était un meurtre, et Mohammed Hanyeh était un policier. Ce cadavre appartenait à son groupe d’enquête criminelle et il n’entendait pas se laisser dicter des conclusions hâtives.
Une rude partie s’annonçait.
L’étranger assassiné début 2011 est le canadien Pierre Boileau, fonctionnaire haut placé et en disgrâce de l’Agence canadienne pour la démocratie. Avant de mourir, il cherchait un de ses anciens élèves : Paul Carpentier, canadien également, travaille en Israël pour la fondation Steinberg pour la paix, et côté famille ça ne va pas fort. Il est marié à Rachel Mendelsohn avec qui il a un garçon, David, qui s’engage progressivement dans le sionisme ; elle est issue de la communauté hassidique canadienne et devient une artiste peintre reconnue, ce qui en fait une curiosité à maints égards.
Le myosotis du titre n’a rien d’une petite fleur, il s’agit d’une ONG berlinoise d’assistance psychologique pour les enfants victimes de guerre intervenant dans la bande de Gaza grâce à un financement du gouvernement canadien, et accusée d’antisionisme par Israël.
On voit tout de suite que le fond du roman est miné par le confilt israëlo-palestinien.
L’histoire, solide, se deploie assez rapidement autour de Paul Carpentier qui va se retrouver à enquêter sur le meurtre entre le Canada, Berlin, Israël et les territoires de la Palestine. Les autres personnages plus ou moins secondaires créés par Luc Chartrand sont pour certains bien bâtis. Notamment l’inspecteur palestinien en charge de l’affaire, Mohammed Hanyeh, qui tente de maintenir fièrement un semblant d’autorité judiciaire à Gaza, et aurait mérité une plus grande part dans l’histoire.
Reste à savoir pourquoi et surtout par qui a été tué Pierre Boileau. Les Israéliens, les Palestiniens du Fatah ou du Hamas, les Canadiens ? Le lieu du meurtre est idéal puisque régi par aucune règle internationale, et disputé entre les deux antagonistes palestiniens.
L’intrigue se corse quand Amanda Speer, la représentante de Myosotis à Gaza, disparaît. Quant au pourquoi il est assez simple, une accusation de crime de guerre à l’encontre d’un général de Tsahal.
― Nous avons perdu sa trace depuis une semaine, dit Marzella. Vous comprenez pourquoi je suis sur la défensive. Amanda est la directrice du projet portant sur les enfants victimes de l’opération Plomb durci. Elle travaille depuis presque un an dans les écoles du camp de Jabaliya. Je n’ai pas de détails sur ce qui s’est passé, mais la dernière communication que j’ai eue avec elle s’est déroulée le lendemain de la mort de votre ami. Elle m’a écrit pour me dire que cela était lié à des révélations qu’elle lui avait faites à propos d’un officier israélien qui avait fait partie des opérations à Gaza.
― Ayalon ?
Malgré d’évidentes qualités ce roman ne m’a pas convaincu, ni vraiment plu. L’auteur connaît son sujet, il a été reporter en poste au Moyen-Orient pendant de nombreuses années. Le rythme du livre est enlevé. L’environnement et l’époque sont intéressants, voire inhabituels sauf à fréquenter Yishaï Sarid ou Batya Gour et quelques autres, et change de la Scandinavie, des USA ou de Paris et Marseille. Les luttes de pouvoir ou d’influences s’entremêlent remarquablement à chaque chapitre. Alors ?
Je ne demande jamais à un auteur de s’en tenir à une stricte neutralité, mais présentement certaines choses ont gêné ma lecture à plusieurs reprises. On sent clairement un parti pris de la part de l’auteur qui dépasse le cadre de son livre, c’est son droit, tout comme en tant que lecteur j’ai le droit d’en être incommodé. Ce serait acceptable si à tout le moins ça servait l’histoire, malheureusement ce n’est pas le cas.
Quitte à enquêter sur des crimes de guerre, pourquoi ne pas avoir écrit un essai et assumer ce positionnement, plutôt que de l’abriter derrière un voile de fiction ?
Mes réticences à l’égard de « L’afffaire myosotis » n’empêcheront pas d’autres lectrices et lecteurs d’y trouver une bonne histoire bien menée.
NicoTag
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