Chroniques noires et partisanes

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LES SAULES de Mathilde Beaussault / Cadre noir/ Seuil.

« Allongée au bord de la rivière, cachée par les saules pleureurs, Marie, dix-sept ans, semble paisible, endormie, ce que démentent les marques sombres sur son cou.
Sa mort brutale ébranle toute la communauté, et surtout Marguerite, une petite fille solitaire que tous croient simple d’esprit. Ses parents, peu enclins à manifester leur affection, travaillent leur terre du matin au soir. Livrée à elle-même, maltraitée à l’école, elle aime se réfugier au bord de la rivière, où elle se sent en sécurité sous les saules.
Cette nuit-là, elle a vu quelque chose. Elle voudrait bien aider Marie, la seule qui était gentille avec elle. Mais voilà, Marguerite ne parle pas, ou presque jamais. Mutique derrière sa chevelure sale et emmêlée, elle observe l’agitation des adultes qui, gendarmes ou habitants, mènent l’enquête. »

Mathilde Beaussault a grandi dans une ferme en Bretagne et comme on le dit parfois, raconter ce que l’on connait le mieux ou qu’on a devant les yeux peut aider l’auteur débutant dans sa tâche. En tout cas, c’est le parti pris par la jeune auteure et cela s’est avéré très judicieux.

A partir de multiples exemples de la littérature cosy-polar, feel good et sentimentale la Bretagne est devenu un atout, on accumule les clichetons, des images cool et apaisantes où n’importe quel lecteur pourra se retrouver : des marinières, du  Kouign Amann, des galettes et des bolées de cidre, des rochers, des phares dans la tempête… Rien de ça ici, mais pas grand-chose de la Bretagne non plus si on excepte une allusion à la timidité du soleil, et la presse, Ouest France bien sûr mais surtout le Télégramme, compagnon des campagnes bretonnes. Par contre, aucun souci, on est très vite installé dans une intrigue rurale de chair et de sang, de peine et de souffrance, de méfiance et de malchance. On pourrait se trouver dans le Berry comme dans l’Ariège. Des vies difficiles, une ruralité qui vous marginalise, très loin de la vision des salons parisiens et autres romanciers de passage.

Mathilde Beaussault montre rapidement sa belle maîtrise du récit. Le verbe se fait vif, méchant, sans fard, montrant une réalité brute, sale, vulgaire. Eh ouais, quand on est dans la gadoue les trois quarts du temps, on ne saisit plus trop la beauté de la vie à la campagne si souvent racontée ou décrite. Du coup, on se méfie aussi des nouveaux arrivants venus, eux, de leur plein gré vivre dans cet isolement économique, social et culturel.

Mathilde Beaussault excelle dans la description de cette ruralité à deux visages qui s’opposent, s’ignorent, ce qui constitue souvent une règle de nos campagnes. Elle montre très rapidement aussi ses lettres dans un chapitre 2 qui n’est rien d’autre qu’une récriture du Dormeur du val avec, évidemment, une issue identique pour le gisant et lançant de bien belle manière une intrigue policière qui sert surtout à mieux montrer la crasse, la détresse, la noirceur, sans voiles… Néanmoins, les indices délivrés avec parcimonie, entraînant des moments de suspicion, entretiennent un suspense. L’intrigue, sans être à tomber, se tient.

Mais l’aspect polar est souvent supplanté par la ruralité et l’évocation de vies à l’arrêt. L’âpreté de ce monde se découvrira à hauteur d’une enfant de huit ans Marguerite, une pauvre môme que toute le monde ignore y compris sa famille et dont la vie mal partie fait naître une réelle et durable émotion, un peu comme chez Lise Spit dans son douloureux et magnifique Débâcle auquel on peut aisément rapprocher ce roman. Du lourd…

 Les saules est assurément une belle découverte dont on soulignera une évocation très réaliste de la campagne et de tous les maux qui la rongent.

Clete.

LE PRETRE ET LE BRACONNIER de Benjamin Myers / Seuil.

Beastings

Traduction: Clément Baude

On vous a déjà parlé de l’auteur anglais Benjamin Myers pour deux polars Degradation et Noir comme le jour, sortis au Seuil en 2018 et en 2020. Deux intrigues policières particulièrement troubles, parfois dérangeantes dans une ambiance gothique très prononcée.

« Au nord de l’Angleterre, dans la région des lacs, une jeune fille s’enfuit avec un bébé. Ignorante de tout, elle plonge dans une nature sublime et dangereuse ; elle lutte contre la faim, les éléments, les hommes qu’elle croise – l’agriculteur, l’ermite, le chasseur ; elle rêve de traverser les eaux pour gagner une île miraculeuse où elle élèverait l’enfant dans la joie. Mais le prêtre local est chargé de les retrouver. Il engage le braconnier pour l’aider à les traquer. »

Ecrit avant les deux polars précédemment cités, Le prêtre et le braconnier, au titre lorgnant de manière très manifeste vers la parabole biblique, a toutes les couleurs blafardes d’un vrai sale « South Gothic » à la seule différence très significative que l’on n’arpente pas ici le Texas ou la Louisiane mais le nord de l’Angleterre, une région de lacs, de tarns comme on dit là-bas où pointent fells, des collines couvertes de lande, ainsi que des crags, des éperons rocheux escarpés.

Sur cette lande, désespérée mais totalement déterminée, fuit une gamine, une ado mal finie qui porte serrée contre elle un nourrisson qui ne serait pas le sien. Au début, on est dans un vrai brouillard typiquement anglais. Qui est cette fille ? Pourquoi fuit-elle. ? A qui est ce bébé ? Qu’a donc vécu cette gamine au point de quitter son existence de domestique pour affronter de son plein gré le froid, la faim, la soif, la peur, la douleur, la violence et la terreur ? Petit à petit, de  petites lucarnes s’ouvrent partiellement vers la vérité, nous informent, nous laissent imaginer… sans aucune certitude. On est vraisemblablement au début du XXième siècle quand démarre ce périple où à la fureur des éléments se joindra l’inhumanité des humains rencontrés, faux amis et vrais salauds : paysan, chasseur, ermite… Mais c’est le prêtre qu’elle redoute le plus, qu’elle fuit de tout son corps et de son âme.

A sa poursuite, principal acteur de l’hallali, un prêtre, pervers, comme on s’en aperçoit très rapidement mais dont on ignore jusqu’à quelles extrémités peuvent le mener sa vilainie, ses perversions et ses visions de la foi déformées par sa folie et une addiction à la cocaïne très vite incontrôlée. Il est évident que la rencontre qui aura lieu sera éprouvante pour la petite fille qui ne sera jamais nommée ainsi que pour le lecteur très vite attrapé par la toxicité extrême du roman.

On est souvent déçus par ce genre de romans qui ont tendance à tomber rapidement dans les bains de sang dégueulasses et autres boucheries gratuites salopant, plombant parfois des cadres joliment baroques pour les transformer en navrants théâtres de grand guignol. La qualité des deux écrits déjà lus de Benjamin Myers nous préservait d’un tel marasme a priori et son roman, effectivement, s’avère hautement recommandable. La narration de la tentative de survie de la gamine et du nourrisson d’un côté et les errements « bibliques » du salopard ensoutané de l’autre rendent la lecture inquiétante, très rapidement. Tout au long de cette traque, Myers réussit à nous épouvanter. D’ailleurs beaucoup plus avec ce qu’il pourrait advenir que par ce qu’il se produit en fait, un des marques des grands auteurs.

Conte effrayant, méchamment toxique, Le prêtre et le braconnier, certainement la bonne surprise de l’automne.

Clete.

L’AFFAIRE MYOSOTIS de Luc Chartrand / Seuil

« L’affaire myosotis » débute par un court prologue dans la bande de Gaza en janvier 2009 lors de l’opération militaire israélienne Plomb durci, des civils sont évacués par une colonne blindée israélienne.

― Ajnabi, murmura l’inspecteur. Un étranger. Demandez la liste de tous les étrangers qui se trouvent en ce moment sur le territoire.

 Le policier évalua rapidement la situation. Un étranger assassiné à Gaza allait entraîner un enchaînement quasi inévitable de conséquences. Les autorités publiques seraient forcément informées du meurtre d’un Occidental dans les prochaines minutes. Quel que soit son auteur (ou ses auteurs), le régime en place aurait tôt fait de vouloir l’attribuer à une faction poilitque rivale. Avec l’aide d’Allah, une justice vengeresse s’abattrait rapidement sur ces criminels désignés et l’affaire serait classée. 

 Mais un meurtre était un meurtre, et Mohammed Hanyeh était un policier. Ce cadavre appartenait à son groupe d’enquête criminelle et il n’entendait pas se laisser dicter des conclusions hâtives.

 Une rude partie s’annonçait.

L’étranger assassiné début 2011 est le canadien Pierre Boileau, fonctionnaire haut placé et en disgrâce de l’Agence canadienne pour la démocratie. Avant de mourir, il cherchait un de ses anciens élèves : Paul Carpentier, canadien également, travaille en Israël pour la fondation Steinberg pour la paix, et côté famille ça ne va pas fort. Il est marié à Rachel Mendelsohn avec qui il a un garçon, David, qui s’engage progressivement dans le sionisme ; elle est issue de la communauté hassidique canadienne et devient une artiste peintre reconnue, ce qui en fait une curiosité à maints égards.
Le myosotis du titre n’a rien d’une petite fleur, il s’agit d’une ONG berlinoise d’assistance psychologique pour les enfants victimes de guerre intervenant dans la bande de Gaza grâce à un financement du gouvernement canadien, et accusée d’antisionisme par Israël.
On voit tout de suite que le fond du roman est miné par le confilt israëlo-palestinien.

L’histoire, solide, se deploie assez rapidement autour de Paul Carpentier qui va se retrouver à enquêter sur le meurtre entre le Canada, Berlin, Israël et les territoires de la Palestine. Les autres personnages plus ou moins secondaires créés par Luc Chartrand sont pour certains bien bâtis. Notamment l’inspecteur palestinien en charge de l’affaire, Mohammed Hanyeh, qui tente de maintenir fièrement un semblant d’autorité judiciaire à Gaza, et aurait mérité une plus grande part dans l’histoire.

Reste à savoir pourquoi et surtout par qui a été tué Pierre Boileau. Les Israéliens, les Palestiniens du Fatah ou du Hamas, les Canadiens ? Le lieu du meurtre est idéal puisque régi par aucune règle internationale, et disputé entre les deux antagonistes palestiniens.
L’intrigue se corse quand Amanda Speer, la représentante de Myosotis à Gaza, disparaît. Quant au pourquoi il est assez simple, une accusation de crime de guerre à l’encontre d’un général de Tsahal.

― Nous avons perdu sa trace depuis une semaine, dit Marzella. Vous comprenez pourquoi je suis sur la défensive. Amanda est la directrice du projet portant sur les enfants victimes de l’opération Plomb durci. Elle travaille depuis presque un an dans les écoles du camp de Jabaliya. Je n’ai pas de détails sur ce qui s’est passé, mais la dernière communication que j’ai eue avec elle s’est déroulée le lendemain de la mort de votre ami. Elle m’a écrit pour me dire que cela était lié à des révélations qu’elle lui avait faites à propos d’un officier israélien qui avait fait partie des opérations à Gaza.

 ― Ayalon ?


Malgré d’évidentes qualités ce roman ne m’a pas convaincu, ni vraiment plu. L’auteur connaît son sujet, il a été reporter en poste au Moyen-Orient pendant de nombreuses années. Le rythme du livre est enlevé. L’environnement et l’époque sont intéressants, voire inhabituels sauf à fréquenter Yishaï Sarid ou Batya Gour et quelques autres, et change de la Scandinavie, des USA ou de Paris et Marseille. Les luttes de pouvoir ou d’influences s’entremêlent remarquablement à chaque chapitre. Alors ?

 Je ne demande jamais à un auteur de s’en tenir à une stricte neutralité, mais présentement certaines choses ont gêné ma lecture à plusieurs reprises. On sent clairement un parti pris de la part de l’auteur qui dépasse le cadre de son livre, c’est son droit, tout comme en tant que lecteur j’ai le droit d’en être incommodé. Ce serait acceptable si à tout le moins ça servait l’histoire, malheureusement ce n’est pas le cas.
Quitte à enquêter sur des crimes de guerre, pourquoi ne pas avoir écrit un essai et assumer ce positionnement, plutôt que de l’abriter derrière un voile de fiction ? 

 Mes réticences à l’égard de « L’afffaire myosotis » n’empêcheront pas d’autres lectrices et lecteurs d’y trouver une bonne histoire bien menée.

 NicoTag

RÉSINE d’Ane Riel / Seuil/ Cadre noir.

HARPICKS

Traduction: Terje Sinding.

Les douze balles dans la peau de Samuel Hawley” de Hannah Tinti, “My Absolute Darling” de Gabriel Tallent, “La place du mort “ de Jordan Harper, les romans noirs traitant des relations père/fille dans des mondes hostiles sont nombreux ces dernières années. Et “Résine” est un autre exemple de réussite dans le genre et sa présence dans cette liste de romans très recommandables n’est pas scandaleuse.

“Une presqu’île, aux confins d’un pays du Nord. C’est là que vit la famille Haarder, dans un isolement total. Jens a hérité de son père la passion des arbres, et surtout du liquide précieux qui coule dans leurs veines – la résine, aux capacités de préservation étonnantes. Alors que le malheur ne cesse de frapper à la porte des Haarder, Jens, obsédé par l’idée de protéger sa famille contre le monde extérieur qui n’est pour lui que danger et hostilité, va peu à peu se barricader, bâtir autour de la maison une véritable forteresse, composée d’un capharnaüm d’objets trouvés ou mis au rebut, et séquestrer sa femme et sa fille. Du fond de la benne où il l’a confinée, Liv observe son père sombrer dans la folie – mais l’amour aveugle qu’elle lui porte va faire d’elle la complice de ses actes de plus en plus barbares, jusqu’au point de non-retour.”

“Résine” est le premier roman d’Ane Riel proposé aux lecteurs français. L’auteure danoise est déjà traduite dans une vingtaine de langues et a souvent été récompensée en Scandinavie. La dame sait écrire et vous accroche d’entrée par un incipit qui vaut son pesant de rollmops et d’aquavit, montrant ainsi une belle aisance à choquer d’emblée le lecteur.

“La chambre blanche était plongée dans l’obscurité quand mon père a tué ma grand-mère. J’étais là. Carl aussi était là, mais ils ne l’ont pas vu. C’était la veille de Noël, au matin. La neige commençait à tomber, mais nous n’aurions pas un vrai Noël blanc”.

Boum, vous prenez cela dans les gencives pour démarrer. Bien sûr, et ce n’est qu’un début, un matricide mais il y a aussi et peut-être surtout le ton de la narratrice. Else, petite fille qui n’a jamais connu que la maison familiale et qui voue à son père une adoration, relate de manière très anodine l’étouffement avec un oreiller de sa grand-mère, exécution dans laquelle elle assiste le bourreau, son père, pour enchaîner sans problème sur la météo.

Liv est la narratrice des deux premiers tiers du roman et sa connaissance du monde se limite à cette petite île et à ce que son père et sa mère veulent bien lui enseigner. En conséquence, les événements sont racontés avec sa logique, avec sa maturité. Son raisonnement, sa conscience arrivent en ligne directe du cerveau dérangé de son père qui tombe dans une méchante folie développant un survivalisme de la pire engeance, soutenu au départ par son épouse, tant qu’elle sera valide…

Prendre le point de vue de la gamine permet à Ane Riel d’installer un climat très oppressant voire malsain à multiples reprises, distillant un écran de fumée sur l’histoire, laissant beaucoup de questions sans réponses, montrant des agissements et des comportements dangereux sans logique apparente. On ne sait pas trop au départ si Liv est déjà aussi aliénée que son père mais très vite, on morfle quand on voit la vie de cette pauvre môme et sans que l’auteure en fasse de trop, on est pris à la gorge, horrifié, triste ou révolté.

On trouvera facilement beaucoup de similitudes entre l’histoire de Liv et celle de Turtle de Tallent si on excepte l’inceste, la même fascination, la même épreuve dans l’horrible monde des survivalistes.  C’est dans la dernière partie, beaucoup plus rythmée vers l’Armageddon, qu’un autre narrateur extérieur permettra de mieux comprendre l’enfer vécu par Liv. 

On regrettera que l’étude psychologique des personnages ne soit pas plus aboutie malgré un retour vers l’enfance de Jens, âge d’or de la famille, où certaines pages sont fleuries d’une belle poésie qui tranchera avec le chaos final. On peut aussi se dire que l’enfance martyrisée permet de créer de l’émotion plus facilement et c’est bien le vœu, le projet de l’auteure. Néanmoins, il faut reconnaître que Ane Riel mène son roman de main de maître distillant émotion et horreur sans tomber dans le grand-guignol redouté.

Méchamment flippant.

Clete.

LE SECRET D’ IGOR KOLIAZINE de Romain Slocombe / Seuil policiers.

Romain Slocombe, on ne présente plus et si vous ne connaissez pas, épargnez-vous ces quelques lignes et lisez ce roman qui représente un petit aspect de son oeuvre, la passion du moment de ce grand auteur à l’immense talent protéiforme.

« Écrivain, photographe, cinéaste, peintre, illustrateur et traducteur, Romain Slocombe réconcilie depuis plus de trente-cinq ans le roman noir, l’avant-garde artistique et l’univers underground de la contre-culture américaine ou japonaise. Armé de son humour british, il aborde des sujets graves au fil d’intrigues minutieusement documentées. »Cette fine et fidèle présentation est extraite d’une interview de l’auteur par Bernard Strainchamps, pionnier du noir sur le polar à qui nous devons actuellement l’indispensable site de veille littéraire Bibliosurf II( http://www.bibliosurf.com/). Ce riche entretien daté de 2014 (lien en fin d’article) , au moment de la sortie de « Avis à mon exécuteur » autre joyau de Romain Slocombe, explique les raisons de ces écrits romanesques tournant autour de l’espionnage russe pendant l’entre deux guerres.

Le héros Ralph Exeter découvert dans « dernière station avant l’abattoir » et qui revient dans de nouvelles aventures dans « le secret d’ Igor Koliazine » n’ est autre que George Slocombe, grand père de l’auteur, journaliste anglais pendant les années 20 et qui aurait été en relation avec les services secrets bolchéviques à cette époque et dont les mémoires ont servi dans des scènes stupéfiantes, des descriptions magnifiques de Constantinople porte de l’Orient où Russes et puissances européennes intriguent.

« Londres, février 1925 : recruté malgré lui par l’Intelligence Service, le journaliste Ralph Exeter, qui renseigne déjà le Guépéou, a beaucoup de mal à concilier ces loyautés contradictoires. Le voici sommé d’approcher Igor Koliazine, gigantesque jeune cosaque qui prétend avoir enterré en Bulgarie le trésor fabuleux de l’Armée blanche du général Wrangel. Ensuite, charge à lui de l’entraîner à Constantinople, d’où ils embarqueront à bord du yacht affrété par la jolie Zhenya Krasnova, déléguée des Soviétiques. Destination Bourgas, objectif les précieuses caisses enfouies dans la forêt. Seulement, outre les bolcheviks et le MI6 britannique, d’autres sont sur l’affaire : la Sécurité d’État turque, des espions allemands à la solde d’Adolf Hitler… Le correspondant du Daily World comprendra vite qu’il a mis les pieds dans un sacré guêpier. »

Il arrive parfois que l’on soit subjugué par un roman et que vainement on tentera de mettre sur papier ou l’écran les raisons qui nous ont fait chavirer. Alors, ici, il y a, bien sûr, le charme d’Istanbul, le mystère d’une culture et d’une civilisation à la fois proche et lointaine à une époque où elle est encore plus énigmatique, hermétique pour l’Européen qui débarque et qui est racontée d’une manière docte, précieuse et magnifique par un auteur au sommet de son art. C’est grandiose, y compris dans les moments dits faibles.

Bien sûr, tout ce monde d’espions doubles, triples, traîtres, mêlé aux Turcs, aux Russes Blancs en exil, aux femmes fatales que rencontre Ralph Exeter crée une symphonie, une comédie humaine fastueuse et furieuse où dès les premières pages, on se passionne pour ces destins tourmentés par le vent martial de l’Histoire du début du XXème siècle.

Evidemment, le dandy anti-héros est passionnant par son ordinaire humanité, par sa légitime volonté de sauver sa peau, par son ahurissement devant les événements se passant autour de lui mettant sa vie en péril lors de cette recherche du trésor. L’ atmosphère des grands romans d’espionnage vintage d’Eric Ambler…

Et puis, en fait, tout simplement, il y a le talent, l’immense talent de Romain Slocombe, admirable conteur.

Talentueux.

Wollanup.

entretien avec Romain Slocombe

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