Chroniques noires et partisanes

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ANIMAL de Sandrine Collette / Denoël.

Auteur désormais reconnue au sein d’une production polar/roman noir française, Sandrine Collette publie en ce début d’année 2019, un 7e ouvrage. Le blog Nyctalopes n’a pas manqué de souligner les qualités (et les petites déceptions) de trois romans précédents entre 2017 et 2018. C’est en toute logique qu’il s’intéresse à ce dernier titre en date, Animal.

Pour ne pas briser la tension et les ressorts du roman, nous imiterons un résumé en forme de teaser, choisi également par l’éditeur. L’histoire débute dans un coin reculé du Népal. Mara, jeune veuve misérable, sauve coup sur coup, au plus profond de la jungle, un petit garçon et une petite fille, vraisemblablement un frère et une sœur, ligotés à un arbre. Consciente qu’elle n’aurait pas dû faire ça, qu’elle a dérangé quelque chose qui la dépasse, Mara fuit avec les enfants vers la grande ville à plusieurs heures de route dans l’espoir de se cacher. La vie difficile qu’ils doivent tous mener, l’influence néfaste qu’à sur les enfants la ville, livrés à la mendicité et au chapardage, oblige Mara à revenir au pays après plusieurs mois, non sans sacrifier la petite fille, mutilée pour qu’elle soit acceptée dans un hôpital et orphelinat.

Vingt ans plus tard, dans une autre forêt, septentrionale celle-là, au milieu des volcans du Kamtchatka, un groupe de chasseurs de gros gibier, d’horizons divers, s’est offert un safari. Parmi eux, Lior, une jeune femme française. Sa fascination pour la chasse, les transformations que cette pratique lui fait subir, presque physiquement et au niveau du comportement, ne laissent pas de surprendre son compagnon, Hadrien. Lior semble pendant ces moments partie prenante de la nature, douée d’un flair affûté, dangereuse. Elle a quelque chose d’animal.

Guidés par un vieil homme du coin, le groupe se met sur la piste d’un des ours qui habitent la contrée. Mais la créature qu’ils vont débusquer ne va pas réagir comme ses semblables. Cette fois peut-être, l’ours retourne la traque à son avantage et devient maître du jeu. La chasse, qui vire au drame, va entraîner Lior au-delà de ses limites, la forçant à affronter enfin la vérité sur elle-même et à replonger dans les racines de son histoire dérangeante qui a commencé sous d’autres cieux, il y a vingt ans.

Le roman explore la frontière floue entre animalité et humanité, entre intelligence et instinct. La cruauté d’un grand prédateur animal est-elle équivalente à celle de cet autre grand prédateur, de ce prédateur ultime qu’est l’homme ? La cruauté n’est-elle pas après tout un jugement de valeur de l’humain qui cherche à tout prix à s’éloigner de l’animal, l’autre, la créature ou la part qu’il abrite au fond de lui depuis le fond des âges ? En multipliant les points de vue subjectifs de ses personnages, humains ou animaux, Sandrine Collette donne à réfléchir dans des avancées dramatiques qui comme on s’y attend, progressent sur un versant sombre de l’existence ou dans les ténèbres des forêts.

Peut-être trop car il y a quelque chose qui m’a laissé sur le bord du chemin dans ce récit, la « cérébralité » (je n’ai pas d’autre mot) des personnages, quelle que soit leur nature, c’est-à-dire leur propension à livrer leurs émotions, leurs questionnements, leurs projections, à chaque pas. C’est là sans doute le propre de l’humain, créature trop « pensante », qu’elle soit auteur ou lecteur. Et ce n’est pas au cœur des forêts ou de la jungle où je me suis perdu mais bien dans leur crâne.

Les fans de Sandrine Collette, toujours disposée à explorer des thèmes et des territoires différents, apprécieront certainement mais voilà du noir qu’on aurait souhaité plus « instinctif ».

Paotrsaout

JUSTE APRES LA VAGUE de Sandrine COLLETTE/ Denoël.

Ce pourrait être nulle part, ce pourrait être partout. Ça semblerait être maintenant ou bien dans un autre temps. Le unités de lieu et de temps sont subalternes dans la narration de cette tragédie, où se mêleront des oppositions issues de forces naturelles et des cas de conscience lacérant des âmes meurtries, ce qui incline le récit à un dénuement, rattaché tel le muscle à son os. La force, le poids de l’histoire contée se logeront, donc, dans l’affrontement de destins infléchis par la colère de la terre, et où ambivalence, nuance, révolte sont bannis des mots clefs du roman.

«Une petite barque, seule sur l’océan en furie. Trois enfants isolés sur une île mangée par les flots. Un combat inouï pour la survie d’une famille.

Il y a six jours, un volcan s’est effondré dans l’océan, soulevant une vague titanesque, et le monde a disparu autour de Louie, de ses parents et de ses huit frères et sœurs. Leur maison, perchée sur un sommet, a tenu bon. Alentour, à perte de vue, il n’y a plus qu’une étendue d’eau argentée. Une eau secouée de tempêtes violentes, comme des soubresauts de rage. Depuis six jours, ils espèrent voir arriver des secours, car la nourriture se raréfie. Seuls des débris et des corps gonflés approchent de leur île.

Et l’eau recommence à monter. Les parents comprennent qu’il faut partir vers les hautes terres, là où ils trouveront de l’aide. Mais sur leur barque, il n’y a pas de place pour tous. Il va falloir choisir entre les enfants. »

L’on aime à reconnaître que Sandrine Collette est dans un renouvellement constant au fil de son oeuvre. Cependant se proposent à ses lectures des thématiques communes et, alors, l’on pourrait imaginer qu’elles sont constitutives de sa volonté d’écrire ou d’un inconscient expiatoire. L’une de celles-ci, principale, que j’ai isolée pour chacun de ses tableaux est l’enfermement. Et dans cet acte, il apparaît de même sous une forme symbolisée par le radeau, et par l’île absorbée par les flots. Mais effectivement ce renouvellement s’affiche, par contre, au travers les thématiques associées et le cadre stylistique.

La morale, l’éthique, la conscience de parents rongées par un choix inacceptable, la culpabilité, traduisent la noirceur et le drame se jouant devant nos pupilles écarquillées. Écartelés par des incertitudes, suffocant dans leur lien parents/enfants, la souffrance ultime est à son apogée et le besoin impérieux, inextinguible de rédemption se joue des évidences.

Un livre, pour sa lecture, c’est l’essence d’une unité de temps, d’état d’esprit et d’adhésion à un message. L’attractivité, le magnétisme dans cet opus n’ont pas atteint  le niveau du précédent. Le discours sous jacent reste plus fermé à mes yeux en balayant moins de sujets propices à la réflexion. Le paraphe du littérateur est bien là avec aussi ce désir de chercher d’autres sentiers parcourant les itinéraires du mots. La farouche volonté d’imprimer une tension reste toujours bien présente. J’aimerais voir Sandrine Collette s’emparer de sujets permettant d’entrevoir un horizon plus large et de méditer les critiques de notre société. (comme pour « Les Larmes Noires sur la Terre » sans pour autant en produire une resucée stricto sensu- on ne compte pas quand on s’engouffre corps et âme!)

Livre réussi, indéniablement, qui ne m’a pas apporté les mêmes plaisirs que le précédent!

Chouchou.

 

LES LARMES NOIRES SUR LA TERRE de Sandrine Collette / Denoël / Sueurs froides.

La brillance, les lumières de la métropole attisent les rêves. Quand ceux-ci sont déçus la chute est vertigineuse. Car la société en a décidé autrement, un tunnel sombre se profile devant une jeune femme à l’orée de sa vie.

« Il a suffi d’une fois. Une seule mauvaise décision, partir, suivre un homme à Paris. Moe n’avait que vingt ans. Six ans après, hagarde, épuisée, avec pour unique trésor un nourrisson qui l’accroche à la vie, elle est amenée de force dans un centre d’accueil pour déshérités, surnommé «la Casse». Continue reading

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