« Artie Wu et Quincy Durant se sont rencontrés enfants dans un orphelinat. Depuis, Artie le rusé et Quincy le colérique forment un duo de choc, passé maître dans les jeux de dupes, auquel le gouvernement américain fait parfois appel pour des missions loin d’être officielles.

Installés dans une luxueuse maison sur la côte californienne, nos deux hommes auraient peut-être pu prétendre à une existence tranquille si Artie ne s’était pas vautré un beau matin sur un pélican mort. Secouru par leur voisin, « l’homme aux six lévriers », un richissime homme d’affaires, Artie en profite pour lui faire une étonnante proposition qui pourrait leur permettre à tous de gagner beaucoup d’argent. Bien sûr, avec Artie et Quincy, le hasard n’en est jamais vraiment un. Et ce qui commençait comme une escroquerie savamment élaborée va bientôt prendre un tournant totalement inattendu et devenir une enquête entêtante sur le meurtre d’un sénateur américain. »

Ross Thomas qui est mort en 1995 était un grand du polar ricain à une époque où les autres grands, aujourd’hui disparus eux aussi, se nommaient Donald Westlake et Elmore Leonard à qui il n’a rien à envier si ce n’est finalement de n’avoir pas été aussi productif qu’eux. Une partie de ses romans a été traduite par le regretté Manchette chez nous notamment le très bon « la quatrième Durango » (Rivages). Assez proche du Weslake de  « Kawaha » avec qui il partage un grand sens des dialogues qui claquent, il est néanmoins plus dans la lignée d’un Elmore Leonard et ses deux héros Artie Wu et Quincy Durant qui nous intéressent ici ne dépareilleraient pas dans l’immense galerie de personnages créée par l’écrivain de Detroit.

Au fait, puisque cela me vient juste à l’esprit en écrivant, s’il est une collection qui fait un sans-faute depuis sa création en nous exhumant des pépites oubliées, c’est bien « Sonatine + ».

« Zig zag » est une aventure du duo inséparable formé par Wu et Durant et peut-être, ces deux noms ne vous sont pas totalement inconnus. La quatrième de couverture annonce « Après « les faisans des îles » et « Voodoo, ltd » le retour de Wu et Durant ». Ah ouais, de grands souvenirs déjà très anciens  puisque les romans sont sortis respectivement en 1991 et 1993 chez Rivages… qui à l’époque n’a pas trouvé judicieux de commencer le cycle par ce « Chinaman’ s chance » que l’on découvre ici 38 ans après sa sortie sous le titre de « Zigzag ». Je ne veux pas jeter la pierre à Rivages, ils avaient déjà fait le même coup avec James Lee Burke snobant dans un premier temps la première aventure de Dave Robicheaux « la pluie de néon » pour ensuite l’éditer, je trouve juste cela très navrant pour rester poli. Par contre, si vous découvrez et appréciez « Zigzag », vous aurez le plaisir de retrouver le duo dans deux histoires, elles aussi, particulièrement réussies dans le catalogue Rivages.

Sorti en 1978, « Zigzag » est donc un roman old style, vintage, à une époque où les ordinateurs balbutient pour une élite, où les cellulaires n’existent pas, un temps que le jeune public aura peut-être bien du mal à comprendre et à imaginer. Roman vraiment à l’ancienne avec deux héros particulièrement sympathiques et peuplé de seconds rôles de premier plan avec notamment ce Otherguy Overby complice crapuleux particulièrement précieux, il séduira particulièrement les amateurs de vieux polars avec des méchants issus de la Famille, des hommes de main « placides », des joueurs malchanceux.

Et puis le petit boulot, voire la petite arnaque, que semblaient préparer Wu et Durant, prend soudainement une énorme ampleur avec des projets pharaoniques de la mafia qui nécessitent d’énormes magouilles et des « disparitions » de puissants non coopératifs. Vous rajoutez l’intérêt de la CIA dont on ne sait pas vraiment quels sont ses projets et vous obtenez un roman où l’auteur hausse le niveau pour vous montrer les saloperies des puissants de l’époque tout en vous donnant sa version, son interprétation d’un drame d’envergure mondiale qui s’est déroulé lors de la décennie précédente au Texas.

Combinant le roman policier, le roman d’espionnage et le roman d’aventures, en initiant une superbe histoire d’amitié tout en invitant les ressorts de la perte de l’être aimé, le sentiment de culpabilité, le désir de vengeance et tout cela dans un rythme qui ne faiblit pas un instant et souvent animé d’un humour irrésistible, Ross Thomas a réussi un polar en tous points recommandable et d’une justesse rare. Et vous en aurez deux autres à découvrir ensuite, bande de veinards.

Remarquable.

Wollanup.