Traduction: Juliette Lemerle.
Asphalte est l’un des éditeurs que nous suivons avec plaisir tant leurs publications sont de grande qualité, et ce nouveau roman n’échappe pas à la règle !
Far West Gitano de Ramon Erra est envoûtant et même bien plus que ça, un hommage aux gitans – aux nomades !
“Ram a passé sa jeunesse sur les routes. Mais depuis son mariage, il vit à Perpignan, sédentarisé, avec sa femme, ses enfants et son chien. Quand sa fille adolescente lui annonce qu’elle est enceinte, il décide sur un coup de tête de tout quitter et d’embarquer sa tribu à bord d’un camion bâché, direction Saragosse, où une faiseuse d’ange peut les aider. Passé l’enthousiasme initial pour ces vacances improvisées, la famille va vite déchanter.”
Far West Gitano n’est pas un polar mais un roman social qui nous permet de découvrir et de comprendre une culture qui nous est, avouons le, inconnue – et surtout de défaire les clichés qui gravitent autour. Et grâce à Ramon Erra, nous prenons la route en compagnie des gitans.
Avant tout, il faut comprendre que beaucoup d’entre eux sont maintenant sédentaires, au grand dam de Ramounet, le père de famille. Les interdictions de faire des feux de camps – les réglementations pour la chasse et la pêche, en sont la cause. Mais comme il nous le fait rapidement savoir quand le sang gitan coule dans les veines, la route n’est jamais très loin. Alors c’est parti pour la grande chevauchée.
La route, voilà la grande question soulevée par l’auteur. Comment apprivoiser la route lorsque l’homme est sédentaire, l’avoir dans les veines ne suffit pas. On comprend rapidement que la grossesse de Marioula n’est qu’un prétexte pour le départ. Le départ, Ramounet y pense depuis longtemps. Et quitte à partir, autant le faire complètement, c’est-à-dire vendre son étal, ses toiles cirées et offrir sa camionnette, se débarrasser du gagne-pain contre une liasse de billets. Cela signifie tout abandonner – la maison, les meubles, … et qu’ils le veuillent ou non, ces personnages sont très attachés aux objets. Alors, pour Ivan, le plus important est d’emporter la télévision et surtout de trouver un moyen de la faire fonctionner.
Et, bien sûr, il y a une solution à tout.
Le vol, « Voleur de poules », un cliché, facile à dire lorsqu’on ne cherche pas à comprendre pourquoi. Tous les nomades le pratiquent. Il faut survivre, et pour survivre, le troc ne suffit pas toujours. Alors voler est une option comme une autre, comme chasser ou pêcher, et de toute manière, pour l’expliquer, il y a une réponse adéquate : « A qui sont les choses ? A qui est le monde ? » Deux questions auxquelles il serait bon de réfléchir.
La route ne se résume pas seulement à tracer son chemin. Pour cette famille, c’est la redécouverte pour les aînés et la découverte du voyage pour les enfants. Pour Ram et sa sœur, Tati, il s’agit de renouer avec leur enfance. Car il ne reste rien, aucun écrit, rien qui puisse faire comprendre la culture gitane – un peuple qui ne fait que passer. Leurs parents ont toujours vécu sur la route, vivant de tout et de rien, du soleil. Ram comme ferrailleur. Ram qui conduit sa famille sur les chemins de ses souvenirs d’enfance. Sur la route, les rencontres ont un goût particulièrement savoureux, les hôtels où il fait bon rester quelques jours, même avec des gadjés. Le camping sauvage et la contemplation du ciel étoilé en écoutant un joueur de banjo, qui n’en rêve pas ?
Au cours de la lecture, on comprend très vite que Ramounet souhaite transmettre ce mode de vie à ses enfants… mais sont-ils assez matures pour le comprendre, pour remettre en question le mode de vie qu’ils ont toujours connu ?
Bison d’Or.
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