Chroniques noires et partisanes

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A LA LISIERE DU MONDE de Ronald Lavallée / Presses de la Cité.

Tous des Loups

Dans un village isolé et inhospitalier du Nord canadien, la rumeur court. Un homme en fuite, accusé d’avoir assassiné froidement sa femme et son enfant, se terrerait dans la forêt boréale.

Matthew Callwood vient de prendre son poste dans la région. Jeune policier idéaliste et téméraire, il se heurte rapidement à l’inertie de ses collègues, qui boivent et fricotent avec les trafiquants du coin. Malgré tout déterminé à retrouver la trace du meurtrier en cavale, Callwood entreprend une traque sans relâche.

Mais au fil des mois, dans un dédale de lacs et de marais aux confins indéfinissables, le policier comprend qu’il a affaire à plus fort que lui. Et le chasseur devient le chassé. Sur un territoire démesuré au climat féroce, la nature sauvage reprend toujours ses droits…

Ronald Lavallée, un auteur dont je n’avais même jamais entendu parler. Il faut dire qu’il est aisé de passer à côté car Monsieur est assez peu productif. A la lisière du monde, son nouveau roman publié aux Presses de la Cité, n’est que son quatrième en 38 ans. Cela m’a d’emblée rappelé un cas similaire avec Terrence Malick qui, en 38 ans lui aussi, n’aura réalisé que cinq films, avant d’accélérer le rythme à compter de The Tree of life (2011). Mais ce n’est pas leur seul point commun. Les deux partagent un goût certain pour la nature et ses grands espaces. Si vous cherchez du dépaysement, c’est ce livre qu’il vous faut.

Nombreux sont celles et ceux qui rêvent du Canada. Cependant, on oublie parfois que le Canada, ça peut aussi être l’enfer. C’est ce que va découvrir, en 1914, Matthew Callwood, un jeune fils de bourgeois alors en proie à une déception amoureuse et gonflé d’un héroïsme naïf, en s’engageant dans la police pour un poste dans le fin fond du Saskatchewan. Là-bas, il n’y a strictement à faire et la justice des blancs ne connaît pas exactement un franc succès face aux Cris, ni face aux trafiquant d’alcool du coin. Le temps s’annonce long, très long, alors même que la guerre éclate en Europe. Néanmoins, il se raconte qu’un certain Moïse Corneau, un homme accusé du meurtre de sa famille alors en cavale, se cacherait quelque part dans ces immenses forêts. Il voit là l’occasion rêvée pour s’investir d’une mission qui devrait lui assurer respect et reconnaissance, et même lui donner l’opportunité de quitter cet endroit avec les honneurs. 

En s’engageant à la poursuite de Moïse Corneau, Matthew Callwood va se prendre de plein fouet les réalités du territoire qu’il doit affronter. Ici la nature est immense, rude, sauvage et sans pitié. Tout dans cet environnement est question de survie. Aussi, les locaux vivent selon leurs propres règles et n’ont que peu d’intérêt pour ses principes et ses lois. La tâche dans laquelle il s’est investi  paraît rapidement vouée à l’échec et tous les éléments se liguent contre lui.

Ronald Lavallée est extrêmement doué et convaincant lorsqu’il s’agit de décrire ces forêts boréales. L’immersion est totale pour le lecteur. Le voyage est aussi violent que fascinant. Si vous avez le goût de l’aventure, vous n’aurez qu’une envie après lecture, aller explorer ce Grand Nord canadien. Mais si vous avez un minimum de bon sens, vous n’y mettrez certainement jamais les pieds. Du « nature writing » comment on aimerait en lire plus souvent.

Avec A la lisière du monde, Ronald Lavallée signe ce qui sera peut-être le grand récit d’aventure de cette année 2024. On pense forcément à Jack London et on ne peut qu’apprécier retrouver un tel souffle romanesque qui nous tient en haleine de bout en bout. Maitrisé sur toute la ligne et le plus frustrant est de tourner la dernière page. Contrairement aux personnages qui peuplent ce livre, nul besoin, pour les lecteurs, de lutter pour en voir la fin.

Brother Jo.

NEW YORK SERA TOUJOURS LÀ EN JANVIER de Richard Price / Presses de la Cité.

The Breaks.

Traduction: Jacques Martinache.

Richard Price est un grand de la littérature noire américaine. On lui doit “Ville noire ville blanche”, “Clockers”, “Souvenez-vous de moi” et “The whites” entre autres, que des grands polars. Plus discret que certains de ses collègues, il ne fait pas parler beaucoup de lui et pourtant ce monsieur a bien d’autres compétences. A son actif, une carrière d’une dizaine de films comme acteur, quatre comme producteur dont le “Clockers” de Spike Lee, plus d’une dizaine en tant que scénariste dont “La couleur de l’argent” de Scorsese et on le retrouve aussi à l’élaboration de séries comme l’immense “The Wire” aux côtés de Simon, Pelecanos et Lehane ainsi que “The Deuce” qui raconte Times Square à la fin des années 70 pendant l’explosion de l’industrie du porno. Une belle carte de visite et quand Richard Price sort un bouquin, c’est fête ! Mais, mais, mais…

“Diplôme de lettres en poche, promotion 1971, Peter Keller apprend qu’il n’est pas admis à la fac de droit de Columbia. Issu d’une famille modeste de Yonkers, petite ville de l’État de New-York, le jeune homme, jusque-là la fierté de son père, pensait à tort que la vie allait lui dérouler le tapis rouge.

Sur liste d’attente, le voilà contraint d’enchaîner les petits boulots – préposé au tri à la poste de Grand Central, démarcheur téléphonique… Autant d’épisodes qu’il envisage avec autodérision, jusqu’à se lancer dans une série de canulars téléphoniques qui lui vaudront d’avoir affaire à la police. Et ni son nouveau poste d’assistant à l’université, ni sa relation avec l’épouse instable d’un ancien professeur ne l’aideront à y voir plus clair. Peter est-il bien sûr de vouloir devenir avocat, ou ne devrait-il pas plutôt tenter sa chance à New York dans le stand-up ?”

A la lecture de la quatrième de couverture, vous aurez aisément compris que “New York sera toujours là en janvier”, “The breaks” en version originale n’est pas un polar, pas plus un un roman noir mais un roman d’initiation contant les débuts dans le monde du travail et des adultes du jeune Peter Keller, jeune juif originaire du Bronx dans le New York du début des années 70. Sorti en 1983 et jusqu’ici inédit en France, l’histoire emprunte certainement beaucoup au parcours personnel de l’auteur qui a enseigné l’écriture aux universités Yale, de New York et Columbia et à ses souvenirs de l’époque.

Les fans plongeront avec plaisir dans le roman car retrouver la plume intelligente et très humaine de Price est chose assez rare et précieuse. Les dialogues sont souvent très bons et le roman réserve de nombreuses scènes humoristiques ce qui est plus rare chez l’auteur. Bon, si vous ne jurez que par les polars, vous passerez votre chemin. Enfin, si vous voulez découvrir l’univers noir de Richard Price, “Ville noire, ville blanche” ou “Souvenez-vous de moi”, seront de bien meilleures entrées. Néanmoins, le parcours de Peter Keller et la description de NY du début des années 70 par un enfant de la ville méritent l’attention.

Wollanup.


LA FEMME À LA FENÊTRE de A.J. Finn aux Presses de la Cité

Traduction : Isabelle Maillet.

« La femme à la fenêtre » est le premier roman de A. J. Finn, qui est en fait un pseudonyme. L’auteur, Daniel Mallory, un éditeur américain l’a utilisé pour présenter son œuvre à différents éditeurs dont son employeur. Il se consacre désormais à temps plein à l’écriture. Ce livre a rencontré un immense succès outre Atlantique où il a été comparé, non sans raison, à « la fille du train » et il devrait être adapté prochainement au cinéma.

« Séparée de son mari et de leur fille, Anna vit recluse dans sa maison de Harlem, abreuvée de merlot, de bêtabloquants et de vieux polars en noir et blanc. Quand elle ne joue pas aux échecs sur internet, elle espionne ses voisins. Surtout la famille Russell – un père, une mère et un adorable ado –, qui vient d’emménager en face. Un soir, Anna est témoin d’un crime. Mais comment convaincre la police quand on doute soi-même de sa raison ? »

L’auteur a eu l’inspiration de ce livre alors qu’il était lui-même cloîtré chez lui en proie à une grave dépression. Passionné de cinéma, il regardait de vieux films et s’est surpris lui-même en train d’épier les fenêtres des immeubles d’en face : Anna Fox était née… On pense bien sûr à « fenêtre sur cour » d’Hitchcock et A. J. Finn réussit aussi bien que le maître du suspense. Il nous tient en haleine jusqu’au bout et se joue de notre perspicacité avec une maîtrise et un talent époustouflants. On a beau savoir que c’est un thriller à rebondissements, on s’engouffre dans les fausses pistes, on tremble, on est surpris… Bref un livre qu’on lit d’une traite.

Anna, la narratrice souffre d’agoraphobie et ne sort plus du tout de chez elle depuis plusieurs mois. Le roman se passe quasiment en huis clos car c’est par ses yeux qu’on découvre les autres personnages du roman : ceux qu’elle observe et ceux qui passent sa porte, on est dans sa tête. Anna est une femme intelligente. Pédopsychiatre, elle connaît bien la nature humaine et ses failles et les analyses qu’elle tire de l’observation de ses voisins sont pertinentes. Mais Anna ne va pas bien, elle prend beaucoup de médocs et boit trop, elle est peut-être en train de sombrer et c’est là qu’A. J. Finn est très fort ! Il instille le doute, chez Anna, chez le lecteur, dans toutes les ramifications de l’intrigue. Chaque révélation pose une nouvelle question, chaque élément nouveau altère notre perception de la réalité, détruit nos certitudes et on est saisi d’un effrayant vertige. Et quand les éléments se mettent en place, ils révèlent des drames profondément humains.

Un très bon thriller !

Raccoon

LE JOKER de John Burdett aux Presses de la Cité

Traduction : Thierry Piélat.

John Burdett, écrivain britannique, a longtemps été avocat avant de se consacrer à l’écriture et il a travaillé en Thaïlande. Il a écrit toute une série de romans policiers avec  l’inspecteur Sonchaï Jittpleecheep travaillant dans un des quartiers chauds de Bangkok. Je ne les ai pas lus et c’est donc avec cet épisode que j’ai découvert ce héros.

« L’inspecteur Jitpleecheep se rend sur la scène d’un crime perpétré à deux pas du commissariat. La surprise qui l’attend est de taille : la victime, une adolescente, a été décapitée… à mains nues. Une inscription en lettres de sang a été laissée à son attention.

Quelques jours plus tard, il est dépêché sur les rives d’un fleuve à l’extérieur de Bangkok, où il assiste à un double meurtre aussi révoltant qu’inexplicable. Les deux affaires l’entraînent au cœur de la jungle cambodgienne, à la recherche du Joker, un homme capable d’exploits physiques extraordinaires. Aidé par une nouvelle coéquipière aux méthodes très différentes des siennes, le célèbre flic bouddhiste remonte aux sources d’un complot mêlant la CIA et les gouvernements thaï et chinois, prêts à tout pour protéger leurs secrets. »

Sonchaï Jittpleecheep est le seul flic non corrompu de Bangkok, son supérieur direct est un chef de gang bien connu, il ne s’en cache pas trop. C’est un personnage très attachant : flic bouddhiste ayant hésité à se faire moine, fils d’une pute thaïlandaise et d’un soldat américain inconnu, à la recherche de ce père dont il ne sait rien, marié à une ex-escort féministe et ne dédaignant pas un petit (ou gros) joint de temps en temps. C’est lui le narrateur et il livre parfois ses pensées au lecteur en l’interpelant. Le décalage entre les modes de pensées bouddhistes et occidentaux amène un regard étrange, souvent amusant, parfois féroce sur notre monde.

John Burdett transpose les codes du polar à la Thaïlande et nous fait découvrir ce pays, qu’il connaît bien, et son fonctionnement très différent du nôtre tant dans son code de moralité que dans sa situation avec une pauvreté et une corruption énormes mais impliqué dans des trafics internationaux. Petit pays vivant principalement de l’industrie du sexe, il a peu de moyens de s’opposer aux grandes puissances et se retrouve le lieu d’affrontements entre les Etats-Unis, la Russie et la Chine dont la proximité se fait fortement sentir.

John Burdett décrit une Bangkok vraisemblable, vivante et nous embarque dans une enquête complexe au cœur d’opérations top secrètes de plusieurs pays où Sonchaï Jittpleecheep va se retrouver impliqué personnellement. John Burdett réussit avec talent un mélange de genres : policier, espionnage et science-fiction. C’est bien écrit, on ne s’ennuie pas un instant, l’enquête se tient et l’histoire personnelle de  Sonchaï Jittpleecheep s’y insère parfaitement.

L’enquête de Sonchaï va s’orienter vers un transhumain aux facultés physiques et intellectuelles augmentées. J’ai eu du mal à adhérer à cet élément de science-fiction, ce n’est pourtant pas inintéressant au niveau des questions que ça peut soulever sur la technologie et toutes ses applications possibles sur les humains, mais du coup je suis passée un peu à côté de cette histoire. Je l’ai pourtant lue jusqu’au bout pour Sonchaï, étrange et sympathique, pour l’ambiance dépaysante et parce que c’est vraiment bien écrit, ça m’a donné envie de lire les autres enquêtes de Sonchaï Jittpleecheep. Alors j’imagine que pour les amateurs de science-fiction c’est vraiment parfait !

Raccoon

TREIZE MARCHES de Kazuaki Takano aux Presses de la Cité

Traduction : Jean-Baptiste Flamin.

Kazuaki Takano est un écrivain et scénariste japonais. Il a travaillé pour le cinéma et la télévision. « Treize marches » est son premier roman publié en 2001 qui a eu un grand succès au Japon et a gagné le prix Edogawa Ranpo. Il a été adapté au cinéma en 2003 par Masahiko Nagasawa (si quelqu’un sait où trouver ce film, je suis preneuse…)

« Avant que la corde ne se tende

Ryô Kihara, trente-deux ans, est condamné à la peine capitale. Il a déjà passé sept ans dans le couloir de la mort sans connaître la date de son exécution, comme le veut la loi japonaise. Bien qu’amnésique au moment du procès, il a reconnu sa culpabilité. Un matin, il entend les gardes venir chercher son voisin de cellule pour l’exécuter. Traumatisé par les hurlements, Kihara a soudain des flashes, comme si son amnésie se dissipait : il se revoit en train de gravir un escalier, dix ans plus tôt. Il décide d’écrire à son avocat.

Jun’ichi Mikami, vingt-sept ans, a été incarcéré deux ans pour homicide involontaire. Remis en liberté conditionnelle, il croise celui qui était son gardien de prison, Shôji Nangô, qui s’occupe aussi de la réinsertion des anciens détenus. Ce dernier lui propose de l’aider à prouver l’innocence d’un certain Ryô Kihara. Voyant un moyen de se racheter aux yeux de la société, Jun’ichi accepte… »

« Treize marches », l’autre nom de la potence, le nombre de marches pour aller à la mort… Ce n’était pas forcément le nombre de marches des gibets au Japon qui, vu les problèmes survenant au moment de monter ces marches, a désormais adopté la pendaison souterraine où le condamné tombe d’une trappe jusqu’au sous-sol.

Une salle d’exécution au Japon.

Treize, c’est aussi le nombre de démarches administratives et de signatures à obtenir, de la sentence à l’exécution. Au moment où commence le bouquin, cinq marches ont été gravies, cinq étapes franchies avant la pendaison de Ryô Kihara. Parallèlement à l’enquête, on suit le cheminement de l’ordre d’exécution qui doit finalement parvenir au ministre de la justice, rappel angoissant au fil du récit que le temps est compté…

Jun’ichi Mikami et Shôji Nangô ne sont pas enquêteurs de formation mais tous deux se lancent à corps perdu dans cette enquête qui les touche profondément. Ils ont tous deux un vécu personnel, intime avec le crime, le châtiment. Ils veulent autant sauver le condamné à mort que le mystérieux commanditaire mais ils y mettent également tout leur espoir de rédemption. Ce sont des personnages torturés et magnifiques dont l’auteur dévoilera peu à peu les parts d’ombres et les secrets. Kazuaki Takano mène brillamment son récit : les personnages, leur histoire s’entremêlent, se font écho et entretiennent le suspense jusqu’au bout.

On est plongé dans le système judiciaire japonais où le repentir semble jouer un rôle énorme : à sa sortie de prison, Jun’ichi doit aller présenter ses excuses aux parents de sa victime. Mais Kazuaki Takano va bien au-delà de la simple description d’un système, en dévoilant les souffrances de chacun :  victime, bourreau, meurtrier face à l’horreur du crime, à son irréversibilité, au trou béant que nul ne peut combler chez les proches, au désir très humain de vengeance, au pardon beaucoup moins naturel, aux remords dont l’intensité et la sincérité ne peuvent ramener les victimes. Il soulève des questions universelles sur la Justice qui oscille toujours entre justice rétributive où le châtiment est une sorte de vengeance et justice réhabilitative où le but est d’éduquer le criminel afin d’éliminer la menace qu’il représente. Et c’est passionnant, passionnant et tragique car elle ne peut convenir à tous, victimes, bourreaux, meurtriers qui sont des êtres brisés, désespérés donc parfois dangereux.

Quant à l’enquête, elle est magistralement menée ! Kazuaki Takano sait jouer avec le lecteur, les indices, les révélations arrivent au compte-gouttes dans cette course contre la montre contre la mort et on est tenu en haleine jusqu’à la conclusion à la fois inattendue et logique.

Un excellent roman, sombre et brillant.

Raccoon

THE WHITES de Richard Price aux Presses de la cité.

Richard Price est un seigneur, un des derniers grands romanciers de Noir urbain se distinguant par une grande empathie pour ses personnages. Produisant beaucoup moins que Pelecanos, il ne connait pas cet essoufflement que l’on sent avec les années chez ce dernier. Richard Price, c’est aussi le scénariste de « la couleur de l’argent » de Scorcese et quelques épisodes de « the Wire ». Vous voyez déjà certainement mieux le niveau de l’auteur si vous n’avez jamais lu ses romans. J’avoue une énorme admiration pour Price et le retrouver à Manhattan après les six ans de disette qui ont suivi le phénoménal « souvenez-vous de moi » est un pur bonheur.

« Milieu des années quatre-vingt-dix. Le jeune Billy Graves est flic au sein d’une brigade anticriminalité de l’un des pires districts du Bronx. Il fait partie d’un groupe de policiers prometteurs, les Wild Geese, et une carrière brillante lui semble assurée. Jusqu’au jour où il tire accidentellement sur un gamin. L’affaire, fortement médiatisée, lui vaut d’être mis au placard quelque temps.
Aujourd’hui, Billy est devenu chef d’une équipe de nuit du NYPD. Son quotidien : sillonner les rues de New York, de Wall Street à Harlem, pour en assurer la sécurité, même s’il sait que certains criminels passeront toujours au travers des mailles du filet. Ces derniers, il les surnomme les « whites », ceux qui s’en sortent blancs comme neige. Chaque policier en a un qui l’obsède.
Puis vient un appel qui change tout : un meurtre a eu lieu à Penn Station. Et la victime n’est autre que le white d’un de ses anciens coéquipiers. Lorsqu’un autre white est assassiné, Billy commence à s’interroger : quelqu’un serait-il en train de régler ses comptes ? Et qui est cet homme qui, soudainement, paraît s’intéresser à sa femme et à ses enfants, au point de les suivre en filature ? »

The Whites est avant tout un polar, un roman de flics de Manhattan et d’ailleurs beaucoup de passages semblent issus de la mémoire de « cops » qui évoluent sur l’asphalte new-yorkais à l’instar des anecdotes de Wambaugh dans ses chroniques d’un commissariat à Hollywood et qui paraissent tellement authentiques. Ces fameux « wild geese » ont fait leurs débuts ensemble puis ont connu des fortunes diverses, tous sauf Billy quittant la police, tout en gardant les liens de fraternité qui étaient les leurs deux décennies plus tôt. Pareillement de nombreuses scènes nous rappellent l’univers apocalyptique de « 911 » de Shannon Burke.

The Whites dénonce de façon flagrante les failles du système judiciaire américain et le manque de moyens offert à la police permettant ainsi à des assassins de couler des jours tranquilles entre Hudson et East river et rendant amers ou fous les proches des victimes.

Alors, si c’est un fait que le roman traite du vigilantisme, on ne peut résumer « the Whites » à cela car, comme à chacun de ses romans Price nous pousse à la réflexion par l’étude psychologique de ses principaux personnages et ici, tout spécialement des flics. Dans tous les romans de Price, il y a des passages, des situations, des actes que vous ne pouvez agréer mais qu’il vous est aussi bien difficile de condamner. Par la qualité de son écriture, Price nous décrit des peines bien ordinaires, toutes banales mais écrites avec amour, compassion pour les victimes de ces drames, de ces peines qu’il nous fait partager pour nous interroger sur ce que nous ferions dans la même situation, le même marasme, le même désespoir.

Alors rien de spectaculaire dans les péripéties du roman, non, juste une plume magnifiquement humaine et très talentueuse au service d’une enquête de haut vol. Un maître!

Wollanup.

 

LE REVENANT de Michael Punke/Presses de la Cité

Ne vous fiez surtout pas à la magnifique couverture qui semble issue de l’œuvre du peintre Friedrich, point de romantisme ici dans ce premier roman mais une histoire d’homme terrible, un western old fashion racontée par un Américain représentant permanent des Etats-Unis auprès de l’OMC et ancien directeur des affaires économiques internationales à la Maison Blanche.

« 1823, Missouri. Tandis qu’une première expédition a été attaquée et annihilée par une tribu indienne, la Rocky Mountain Fur Company force sa chance et engage une poignée d’hommes dans une nouvelle tentative pour rallier Fort Union par un trajet inédit et périlleux. Parmi l’équipée, le trappeur Hugh Glass est attaqué par un grizzli quelques jours après le départ. Défiguré, la gorge et l’abdomen dévastés par les coups de pattes de l’animal, il est laissé en arrière avec deux hommes, chargés de le veiller jusqu’à sa mort. Mais Glass s’accroche à la vie. Et chaque heure qui passe rend le trajet pour rallier Fort Union plus dangereux à Fitzgerald et au jeune Jim Bridger, tous deux portés volontaires pour rester avec Glass. Convaincu par le premier d’abandonner leur compagnon agonisant à son funeste sort, Bridger disparait à son tour dans les bois. C’est la dernière image que le trappeur gardera de ses anciens partenaires.
Quelques heures plus tard, contre toute attente, il reprend connaissance. Il est seul, en territoire indien, sans arme, sans nourriture. Incapable de se déplacer, souffrant le martyre en raison de ses blessures infectées, délirant, déshydraté, il s’accroche à la vie comme un damné. Son unique motivation : la vengeance. Peu à peu, mû par la colère et aguerri par l’expérience d’une vie hors norme, il reprend des forces. »

« The revenant » sorti aux USA en 2004 est l’histoire romancée du trappeur Hugh Glass attaqué par un grizzli et abandonné moribond au milieu d’un no man’s land hostile, sans arme et nourriture, par des compagnons d’infortune peu scrupuleux et pressés de rejoindre le groupe pour pouvoir mieux affronter le péril occasionné par les Arikaras, Indiens pour le moins hostiles et aux mœurs brutales et aux méthodes ingénieuses en matière de traitements réservés aux prisonniers.

On a bien ici un roman de ce que l’on appelle du « nature writing » popularisé par certaines maisons d’édition et qui plait tant aux amoureux de grands espaces et d’une certaine Amérique fantasmée. Si certains de ces romans sont parfois un peu trop contemplatifs, trop situés dans une pseudo-harmonie entre l’Homme et la nature (au point que l’on se croirait chez « nature et découverte ») ou plutôt entre un lecteur fantasmant des rêves perdus de cowboy et la nature américaine avec tout le folklore qu’on aime y trouver : loups, grizzlis, grandes plaines inviolées, Indiens souvent bien plus aimables et philosophes que dans la réalité, feux de camp nocturnes, « pork and beans ». On y est mais pas trop quand même car Punke qui a déjà écrit deux ouvrages sur l’histoire de l’Ouest américain connaît parfaitement son sujet et sa prose rend passionnante l’histoire légendaire d’un Hugh Glass alors que dès le titre et la carte montrant son périple dans les premières pages, on sait que l’homme armé par la rage va tout faire son possible et même l’impossible pour retrouver ceux qui l’ont trahi.

Quand on regarde le portrait (réel ou imaginaire) de Hugh Glass, on se doute que sa quête a des chances d’aboutir car cet homme qui a déjà connu des moments difficiles dans sa vie notamment un période de pirate aux côtés de Laffitte racontée par Punke semble déterminé.

Sa présence sur des blogs, dans des ouvrages sur l’épopée de la conquête de l’Ouest et bientôt à l’écran sous la direction de l’excellent réalisateur Alejandro González Iñárritu (Babel) avec Di Caprio (sortie le 26 février en France) dans le rôle vedette prouve que l’aventure de Glass reste un exemple pour certains Américains.

Punke a du talent et des connaissances très sures de la situation comme du cadre pour nous offrir un roman d’aventures sauvage qui m’a laissé une bonne impression même s’il n’est pas (encore) McCarthy ou James Carlos Blake et encore moins Jack London. On peut regretter peut-être un manque de profondeur des personnages mais l’ensemble donne un roman solide, prenant, malgré une certaine tendance à la dramatisation et un beau témoignage, et c’est le plus important, sur la vie de ces pionniers souvent sans foi ni loi qui à force de courage et de rage ont réussi les paris les plus inconcevables.

L’Amérique dont l’histoire est encore très récente a besoin de ces histoires, légendes pour affronter un présent si peu conforme aux vœux de société originels et Punke, par ce roman réussi, offre à travers l’histoire de Hugh Glass un portrait d’une Amérique battante, d’une Amérique qui ne renonce pas et si l’histoire est éprouvante, la lecture s’avère, elle, très agréable.

Wollanup.


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