In The Valley

Traduction: Isabelle Reinharez

Trois ans qu’on n’avait plus de nouvelles de Ron Rash et de sa Caroline du Nord qu’il nous raconte roman après roman, celle d’aujourd’hui comme celle d’autrefois. Il était déjà présent dans la collection La Noire avec Un silence brutal et il y revient avec un recueil de nouvelles intitulé Plus bas dans la vallée, du nom de la plus longue des sept nouvelles qui signe le retour de Serena, terrible adepte du capitalisme barbare pour qui la fin justifie vraiment tous les moyens. Son histoire est racontée dans un roman éponyme édité au Masque en 2011. Ce retour de l’héroïne du plus noir des Rash ravira tous les lecteurs du roman mais peut-être qu’il laissera un tout petit peu sur le bord ceux qui découvrent cette très dangereuse personne.

Mais ce n’est pas une raison d’attendre d’avoir lu le roman pour apprécier pleinement ce bel ouvrage. D’abord, c’est du Ron Rash et le monsieur manie la plume de manière experte et souvent très poétique. Je pense avoir dit déjà la gentillesse de cet homme quand on le rencontre et ses romans, à la périphérie du Noir, sont également souvent très touchants.

Et dans ce difficile exercice de la nouvelle, Ron Rash montre une fois de plus son talent de conteur. Regroupées sous un titre général Quelques récits des Appalaches, ses six nouvelles racontent des moments extraordinaires de vies ordinaires, des gens comme tout le monde avec leurs forces et leurs faiblesses dans les Appalaches certes mais plus précisément en Caroline du Nord. C’est donc dans ces petits formats que le talent de conteur doit être particulièrement visible, et il l’est, il saute aux yeux. Ron Rash nous embarque dans six univers différents avec néanmoins une certaine préférence pour les berges des rivières mais ce n’est pas nouveau. On retrouve le lyrisme, la musique de ses romans, la pudeur devant la tragédie souvent présente, parfois évitée mais aussi et surtout, on découvre un humour particulièrement noir qu’on n’a pas été habitué à lire chez lui.

Précédant un touchant et burlesque Leurs yeux anciens et brillants, sorte de Le vieil homme et la mer version appalachienne, Une sorte de miracle est un petit joyau d’humour noir. Dans cette histoire, Baroque et Marlboro, deux grosses feignasses de 24 ans squattent chez leur beau-père qui veut se débarrasser d’eux et cela ne va pas bien se passer du tout. Denton va essayer de les motiver pour trouver un emploi puis de dégoûter de la Caroline en hiver ces deux inutiles venus de Floride mais ça va partir en sucette. De l’humour redneck pur jus, du white trash qui semble sorti du “manuel du hors-la-loi” de Daniel Woodrell.

“Elle les avait emmenés passer une journée à la clinique, et maintenant elle leur faisait regarder les émissions médicales à la télé. Ça pourrait les inspirer, soutenait-elle, bien que de l’avis de Denton un bon coup de pied dans leurs gros culs avait plus de chance de donner des résultats.”

Un petit bonheur de recueil pour aller voir ailleurs un peu. De jolies histoires de vie, de mort aussi mais pas trop rudes néanmoins.

Clete