Traduction : Roland Faye

Daniel Quiros est un écrivain costaricien vivant en Pennsylvanie où il enseigne la littérature espagnole à l’université. Ce livre est son deuxième roman. On y retrouve son enquêteur : Don Chepe, ex-guérillero et détective occasionnel. Je le découvre moi, mais cet opus est indépendant, il se lit et s’apprécie même sans avoir lu le premier.

« Costa Rica. Le corps d’un jeune homme est retrouvé, ­mutilé, au bord d’une route à quelques mètres d’une école. La ­police en fait peu de cas car c’est un Nica, un immigré du ­Nicaragua, et il y a de la drogue dans le ventre du cadavre…

Ce devait être encore un narcotrafiquant. Sauf que.

Sauf que Don Chepe connaissait le garçon, et qu’il n’était certainement pas un dealer. Épaulé de son fidèle Gato, l’ex-guérillero devenu détective à ses heures se lance à la poursuite des coupables. »

L’histoire se passe dans la province du Guanacaste au bord de L’Océan Pacifique, c’est la saison des pluies et Daniel Quiros sait sacrément bien nous mettre dans l’ambiance… Les trombes d’eau continuelles, les routes défoncées, les petits villages de pêcheurs du Guanacaste dont la vie est à l’arrêt pendant cette saison… on y est ! On ressent la moiteur de cette saison des pluies.

La pluie tape sur le système de Don Chepe, le narrateur, ancien guérillero vieillissant et revenu de tout mais qui ne peut se contenter de l’indifférence des autorités face au meurtre d’Antonio, un jeune homme qu’il connaissait, dont le cadavre détrempé a été retrouvé entre deux averses à côté de sachets de drogue. Les indices éventuels emportés par la pluie…

On découvre très rapidement que le Costa Rica, la « Suisse d’Amérique centrale » n’est pas le paradis écolo-pacifique que l’on aurait aimé découvrir… Cette province, paradis vert des riches touristes et des surfeurs, Daniel Quiros va nous en dévoiler des côtés sombres, extrêmement sombres et violents…

D’abord ce racisme anti-Nica, car beaucoup de Nicaraguayens pauvres sont venus chercher du travail dans cet Eldorado voisin. Et dire qu’ils ne sont pas les bienvenus est un euphémisme, les insultes ne précèdent que de peu les coups (de poing ou de machette !). L’amalgame Nicas/narcos est courant (il nous rappelle bien des choses… chaque pays a ses « Nicas » !) et bien utile pour justifier l’inaction de la police…

Ensuite la corruption… la police, toutes les administrations… Le développement du tourisme qui est devenu la première source de revenus du pays, devant l’exportation de plantes et fruits tropicaux, brasse des capitaux colossaux avec bien sûr l’opportunité de blanchiment d’argent, le Costa Rica est sur la route de la drogue qui remonte vers les Etats-Unis. Les grands complexes touristiques se développent en permettant toutes les magouilles et tous les trafics. Et si, côté clients, les promoteurs insistent sur le caractère écolo et durable de leurs installations, côté population locale, c’est une autre histoire ! Gare à ceux qui s’opposent aux projets ! Déjà, ils sont peu nombreux, les pauvres goûtent et apprécient le confort qu’un peu d’argent peut leur procurer et c’est bien connu : l’argent n’a pas d’odeur. Les rares qui s’y risquent sont à la merci d’accidents malheureux.

Enfin la violence… omniprésente, quasi naturelle : on dégaine, on sort la machette, on démolit à coup de couteaux, de poings. C’est la manière locale de régler un problème ! Don Chepe et le Gato, son acolyte ne sont pas en reste !

Daniel Quiros livre un portrait du Costa Rica qui fait froid dans le dos. Il le dévoile habilement au cours d’une enquête très bien construite. Don Chepe va s’acharner à découvrir la vérité en prenant de grands risques. Ce n’est pas un super héros, plutôt un homme désespéré sur le mode rageur ! Ça le rend attachant et on souhaite ardemment sa réussite… On adhère même aux dérapages !

Un solide polar qu’on ne lâche pas !

Raccoon