Cette fois Caryl Férey nous entraîne en Amérique du sud et plus particulièrement en Colombie. Alors, bien sur, nous viennent des images, on se réfère à une histoire récente constellée de poncifs « poudriers »…Or, l’auteur nous embarque dans un roman qui convie une famille et des protagonistes englués dans des existences pour lesquelles la plénitude, la satisfaction ne sont pas au rendez-vous. En s’attachant à poser le prisme sur ces personnages, il convoque aussi les problématiques familiales lestées d’un passé granuleux. Car, il faut bien le reconnaître, elle, la famille, n’est pas toujours comme on le souhaite, il coexiste souvent un idéal avec un renégat. Au travers cette illustration nucléaire gravite une journaliste pugnace qui tente de trouver son équilibre par son travail car, elle aussi, n’a pas trouvé tous les ingrédients d’une vie épanouie. Caryl Férey nous transporte, de nouveau, dans son univers avec sa verve, avec sa plume et en filigrane sa bienveillance pour ses personnages.
«Un vieux requin de la politique.
Un ancien officier des forces spéciales désormais chef de la police de Bogotá.
Un combattant des FARC qui a déposé les armes.
Un père, deux fils, une tragédie familiale sur fond de guérilla colombienne. »
Derrière cette lapidaire quatrième de couverture se cache un ouvrage dense, avec un profond enracinement dans cette nation bouleversée par des années de plomb. Les reliquats restent bien présents dans la construction politique de cet état qui, bien souvent, navigue en eaux troubles. C’est, aussi, sur ce point que le romancier déploie son identité de littérateur. Car emporté par la plume, on est de même éclairé par un roman documentaire qui nous plonge dans les entrailles d’une société exsangue de corruption, de copinage et de déterminisme. Ceci n’est pas une carte postale propre à la Colombie, c’est bien plus universel. C’est aussi en ce sens que Caryl Férey est doué, dans cette faculté de transposition de scories universelles à un contexte particulier.
L’envergure du récit repose sur quatre personnages cardinaux qui ont, donc, ce point commun du non-accomplissement d’une vie rongée par le remords, obscurcie par les non-dits, éreintée par l’individualisme. Il croque ses personnages avec force persuasion. Il documente sa trame avec pléthore de détails tout en évitant l’écueil aisé de la centrer sur la figure tutélaire du natif de Rio Negro. Il a donc choisi le parti de s’intéresser au volet révolutionnaire des FARC et, encore, de manière plutôt indirecte. C’est tout le charme de l’auteur, de ne pas tomber dans le panneau de la facilité et de construire un roman qui harponne, qui bastonne, qui tatoue! Mais si je devais comparer sa villégiature sud-américaine avec celles du long nuage blanc ou le sol de Mandela , je dirais qu’il n’y a pas cette odeur putride, cet écoulement d’un abcès mis à plat. J’ai trouvé l’écrit plus équilibré, noir certes, mais plus immersif dans un peuple meurtri qui tente la reconstruction au forceps.
Fabuleux roman noir qui brouille les images d’Epinal de ce pays, finalement, méconnu. Un nouvelle fois, on apprend d’un pays par l’entremise d’un récit sombre mais empreint de sensibilité.
Du grand Férey! (allez j’ose c’est extra.)
Chouchou…
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