“Aujourd’hui, le maire, c’est un peu le dindon de la farce républicaine.”
Pascal Grégoire est publicitaire et après “ Goldman sucks” qui fouillait la finance internationale en 2018, il revient avec ce “Monsieur le maire”, brûlant d’actualité à quelques semaines du marigot des municipales.
“Lorsqu’il est élu maire du village qui l’a vu naître, dans les Ardennes, Paul jubile : il va agir concrètement et auprès des siens.
Quinze ans plus tard, le « terrain » et un drame personnel l’ont usé. Sa vie bascule. Il est reconnu coupable d’un meurtre et condamné à vingt ans de prison ferme.”
Le roman commence avec la sentence d’emprisonnement de 20 ans pour avoir été reconnu coupable de meurtre à l’encontre de son ennemi juré Jacques Gentil échotier local et fils de l’ancien maire renversé par Paul lors d’une campagne électorale où il a utilisé le dénigrement pour faire tomber l’icône locale. Lors du transfert vers le centre pénitentiaire dans le fourgon de la gendarmerie, Paul se souvient, se raconte, tente de comprendre ce qui a pu le faire passer de héros local à paria de la république en une dizaine d’années où se sont mêlés difficultés, combats d’édile, et douleurs intimes dans sa vie de couple.
“Monsieur le maire” n’est pas un roman tapageur, pas spectaculaire pour deux sous mais étonnamment juste, concret, évident comme un reportage de “Strip Tease”. Mon parcours professionnel de directeur d’école rurale m’a fait côtoyer, pendant une décennie, un maire de campagne passé d’enseignant syndicaliste à élu de la République et si la politique de l’homme et le culte de la personnalité développés auraient bien plu à Staline, il faut bien reconnaître que ce type-là comme tous les autres maires qui ont décidé d’entamer cette carrière, fait un boulot bien ingrat, mal reconnu et très mal compris. A la campagne, l’opposition vous la prenez dans la gueule, directement, dès le matin à l’épicerie, au bistrot et sans garde-fous. Et le roman de Pascal Grégoire rend très, très, bien compte de ce quotidien au service des autres, du western quotidien.
“Oui, être maire aujourd’hui représente une charge très lourde. Faire plus avec moins d’argent, être aux avants postes, appliquer des lois décidées à Paris, être confronté aux drames humains, à la misère aussi. Combien de maires aujourd’hui démissionnent? Combien sont harassés, premiers de cordée d’une société qui va mal, au bord de l’explosion?”
Situé dans une commune rurale des Ardennes, Pascal Grégoire montre bien cette France périphérique fantôme, met en lumière les monstres planqués qui permettent aux fachos de grandir tranquillement dans l’ombre: l’ignorance, la xénophobie, le racisme, la pauvreté, l’absence d’avenir, l’isolement, la marge.
Puissamment informatif, politiquement brûlant, “Monsieur le maire” a en conséquence les défauts de ses immenses qualités. On aurait bien aimé qu’apparaissent plus longuement les blessures internes, les plaies, la voie de la désillusion, le sentiment d’usure face à l’obscurantisme et à la connerie, les accommodements philosophiques. La justesse, l’humanité, l’authenticité prégnante auraient mérité encore plus de développements. Néanmoins et surtout, sans l’air d’y toucher, Pascal Grégoire balance un sacré pavé dans la gueule des élites parisiennes qui nous gouvernent aveuglément en nous prenant pour des buses.
Un roman important. Politique au sens le plus noble.
Wollanup.
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