Chroniques noires et partisanes

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LES CHIENS DE PASVIK d’Olivier Truc / Métailié Noir.

Voici le 4ème opus de la police des rennes, « Les chiens de Pasvik » d’Olivier Truc. L’auteur, spécialiste des pays scandinaves poursuit cette fois-ci l’immersion au cœur de la vallée de Pasvik, un territoire coincé et partagé entre la Russie et la Norvège, véritable réserve naturelle.  C’est, entre autres, le lieu de pâturage des troupeaux de rennes, sous la garde des éleveurs Sami, peuple historique de la vallée.

Dans ce décor glacé et sauvage, on retrouve Klemet toujours dans la police des rennes et Nina qui travaille désormais pour le commissariat des gardes-frontières. Ils vont être de nouveau réunis pour éviter ce qui pourrait rapidement devenir un incident diplomatique d’envergure entre la Norvège et la Russie. En effet, une cinquantaine de rennes, appartenant à Piera Kyrö, ont passé la frontière en quête du précieux lichen alors qu’à l’inverse des meutes de chiens viennent semer le trouble du côté norvégien, voire propager la rage.

Il faut bien comprendre l’enjeu et la difficulté de maintenir la paix de part et d’autre de cette frontière, entre les rennes guidés par leur instinct ancestral et les Samis chassés d’une partie de leurs terres, suite au redécoupage de territoire post 2nde guerre mondiale.

Klemet doit donc retrouver et ramener ces rennes tandis que la chasse est ouverte et récompensée pour chaque chien russe abattu, le tout dans une nature glaciale et hostile du côté norvégien et terne, pauvre, désolante du côté russe. On découvre un lien très tendu dans les négociations entre les deux pays, la Russie restant très hermétique et paranoïaque. 

En dehors de la trame principale, différentes histoires s’imbriquent, notamment celle d’un père qui doit absolument retrouver son chien disparu, Gagarine, comme forme de rédemption vis-à-vis de sa fille.

De nombreux thèmes sont présents dans ce roman, c’est très dense. Il y a Klemet et son problème d’identité, il est finalement à la recherche de lui-même dans cette enquête. Nina est présente mais nettement plus effacée que dans les tomes précédents (pour ceux qui les ont lus, ce qui est d’ailleurs conseillé pour ma part).

Piera Kyrö est quant à lui le parfait représentant du peuple Sami qui a survécu à toutes les ignominies et oppressions, devenu nostalgique du temps de ces aïeux qui avaient pour terrain de jeu l’immensité de la nature sans frontières.

Bien entendu, sont évoqués, la corruption, le trafic, la mafia du côté russe !

Je ne cite pas tous les personnages car ils sont clairement beaucoup trop nombreux et sans intérêt pour la plupart. Ce qui me laisse en partie très mitigé sur ce roman. Certains passages sont tout simplement remarquables mais trop de personnages, trop de détails, d’histoires annexes m’ont parfois perdu. Le fond est bon, la forme l’est moins, juste sauvée par la qualité de l’écriture. À chacun de trancher.

Nikoma.

LA MONTAGNE ROUGE de Olivier Truc chez Métailié noir

Journaliste, correspondant au Monde pour les pays nordiques, documentariste, Olivier Truc vit depuis plus de vingt ans à Stockholm. Il a écrit quatre romans, et le premier tome de la série des enquêtes de la police des rennes « le dernier Lapon » a obtenu une myriade de prix. Je n’ai pas lu les autres tomes de cette série et je sens bien que j’ai loupé des choses au niveau des rapports entre les personnages qui sont complexes et découlent de ce qu’ils ont vécu dans les autres enquêtes. Néanmoins l’auteur donne assez de clés pour qu’on puisse lire ce livre indépendamment. Si je n’ai pas été gênée au niveau de la compréhension, j’ai désormais une grande envie de lire les deux premiers tomes et de retrouver Klemet et Nina dans cet univers si particulier du grand nord.

 « Enclos de la Montagne rouge, sud de la Laponie. Sous une pluie torrentielle, les éleveurs procèdent à l’abattage annuel de leurs rennes. Mais dans la boue, on retrouve des ossements humains.

Qui est ce mort dont la tête a disparu ? Son âge va le mettre au centre d’un procès exceptionnel qui oppose forestiers suédois et éleveurs lapons à la Cour suprême de Stockholm : à qui appartiennent les terres ? À ceux qui ont les papiers ou à ceux qui peuvent prouver leur présence originelle ?

Klemet et Nina, de la police des rennes, sont chargés de l’enquête. Ils découvrent une mystérieuse vague de disparition d’ossements et de vestiges sami. Ils croisent des archéologues aux agendas obscurs, mais aussi Petrus, le chef sami à la poursuite des rêves de son père dans les forêts primaires de la Laponie, Bertil l’antiquaire, Justina l’octogénaire et son groupe de marche nordique et de bilbingo. »

Les deux premiers tomes se passaient dans le nord de la Laponie, en Norvège. Ici c’est dans le sud de ce territoire situé en Suède que l’histoire principale se déroule. En réalité, s’il y a véritablement beaucoup de coopération entre les polices de ces deux pays nordiques, la police des rennes n’existe en tant que telle qu’en Norvège. En dehors de ce point, Olivier Truc qui vit en Suède depuis plus de vingt ans parle de problèmes réels qu’il connaît bien puisque ce sont ses enquêtes et ses reportages qui lui ont apporté la matière brute de ce roman : faits et personnages.

C’est l’automne en Laponie, les températures baissent, la nuit s’allonge et chez les éleveurs de rennes, il y a beaucoup de travail. Beaucoup de tension aussi avec un procès en cours contre les forestiers et les paysans, dont les syndicats sont puissants, riches avec beaucoup d’influence et de grands avocats. Ils refusent aux éleveurs samis le droit d’utiliser certaines terres pour lesquelles ils ont des titres de propriété leur déniant presque ainsi le droit d’exister. Les Samis doivent prouver qu’ils vivaient sur ces terres bien avant les autres mais ils n’ont aucun écrit pour le faire, leur culture étant orale. Leur seule chance d’aboutir est de trouver une preuve archéologique.

Un squelette sans crâne est découvert, il paraît ancien et le crâne manquant pourrait fournir plus de renseignements encore. S’il s’agissait d’un Sami ce serait la preuve d’une présence ancienne des Samis… mais le site est saccagé. Klemet et Nina enquêtent et partent à la recherche de ce crâne. L’enquête est lente, les deux policiers doivent jouer les historiens, se plonger dans les archives et les collections des musées tout en veillant à ce que le conflit ne dégénère pas car les esprits s’échauffent dans les deux camps.

Comme partout, de tous temps, ce sont les vainqueurs qui écrivent l’histoire et la théorie dominante, non discutée, est que les Samis ont colonisé ce territoire au XVIIIe, alors que les Scandinaves étaient déjà dans la place. Olivier Truc nous emmène au cœur d’un conflit inédit pour moi et qui ressemble fort à ce que peuvent vivre les Indiens en Amérique du Nord ou les Aborigènes en Australie. Les Samis, des Indiens en Europe…

Au cours de leur enquête, Klemet et Nina se heurtent à des silences, des pressions et des pensées d’un autre âge. C’est lent mais tendu et Olivier Truc dévoile avec cette sombre histoire un pan peu reluisant de l’Histoire, aux relents franchement nauséabonds d’eugénisme avec un institut de biologie raciale créé en 1922 mais qui a perduré bien après la guerre (où pourtant la Suède était neutre) et provoqué des horreurs.

On suit de curieux personnages, tous impliqués, marqués dans leur tête et parfois dans leur chair. La vieille Justina et son sourire plaqué, Klemet le Sami qui se questionne sur son identité car il n’élève plus de rennes, Petrus le vieux chef qui se sent débordé et s’inquiète de ce qu’il va transmettre, Nina qui n’arrive pas à communiquer avec son père… Tous sont humains, attachants, broyés par des histoires qui les dépassent.

Olivier Truc raconte cette histoire en prenant son temps, mettant en scène des éléments épars qui finalement prennent sens dévoilant une part sombre de ce pays dont on idéalise souvent la solidarité. Il n’oublie pas de nous décrire les paysages nordiques dans cet automne où la pluie laisse peu à peu la place aux premiers flocons de neige. Ces paysages sauvages qui permettront peut-être à qui sait les lire de trouver des traces de la présence des Samis au XVIIe voire avant. C’est beau et noir.

Un très bon polar.

Raccoon

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