Chroniques noires et partisanes

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AVANT LA CHUTE de Noah Hawley / Série Noire.

Traduction: l’ excellent auteur Antoine Chainas 

La Série Noire comme de plus en plus d’éditeurs participe allègrement à l’overdose de bandeaux sur les romans. Est-ce que ce bout de papier fait vendre, mystère?  Là, par contre, c’est bingo, tout amateur de polars freine d’instinct devant l’inscription “par le créateur de la série fargo”, enfin il me semble que quelque part dans votre cerveau se crée de bons stimulii, de gentils fourmillements, des souvenirs de soirées canapé impeccables. Le monsieur a aussi réalisé “légion” qui pour beaucoup de spécialistes recrée bien l’univers Marvel. Avec ces deux gros succès, Noah Hawley a prouvé qu’il était au départ un bon élève entrant parfaitement dans les mondes de créateurs pour par la suite parvenir à les recréer, les développer avec talent, dans une même veine, à s’y méprendre.

Noah Hawley, le romancier est tout autre, beaucoup plus sombre mais aussi beaucoup plus profond. J’ai déjà cité à maintes reprises “le bon père” son précédent roman de 2013, aussi touchant et profond que “Jake” sorti récemment à la SN est larmoyant et superficiel. Avec “avant la chute”, Hawley change totalement de sujet même si  au final, on verra que plusieurs thèmes s’avèrent récurrents et donc sûrement très importants pour l’auteur.

Un soir d’été, onze personnes embarquent à bord de l’avion privé de David Bateman, un magnat de la presse. Onze privilégiés, dont Scott Burroughs, un artiste peintre sur le retour. Seize minutes plus tard, l’avion s’abîme en mer, entre l’île de Vineyard et New York. Deux personnes survivent miraculeusement à la catastrophe : Scott, et JJ Bateman, quatre ans, désormais orphelin et héritier d’une immense fortune. 
Lenquête sur les circonstances du crash débute sous le feu des projecteurs, et la pression médiatique menace de rendre la situation incontrôlable. D’autant que les investigations révèlent d’étranges coïncidences, qui semblent indiquer que le drame n’est pas un simple accident. Les passagers se sont-ils vraiment retrouvés par hasard sur le même vol? Ou leur rencontre résulte-t-elle d’un plan machiavélique?

Même si une nouvelle fois, Hawley se situe aux marges du polar, il en reprend néanmoins certains des canons par le développement d’un suspense.Nul doute que le crash n’est pas accidentel, on le comprend très rapidement et donc l’enquête aura deux objectifs principaux: savoir ce qu’il s’est passé réellement dans l’avion, pourquoi il a chuté  mais aussi qui avait réellement intérêt à ce qu’il chute. Le rôle des flics ne sera pas pour autant très important car les indices et le preuves leur sont fournies par les enregistrements à bord, le témoignage de Scott, le rescapé et les plongeurs à bord de l’épave. Bien sûr, Hawley est un pro et il va nous promener et la narration permet de nombreuses interprétations, hypothèses nourries de flashbaks des dernières heures avant le drame.

“Le rapport fait état de quatre théories privilégiées .La première, une défaillance mécanique.La seconde, une erreur de pilotage.la troisième, un sabotage lié aux poursuites engagées par le gouvernement à l’encontre de Ben Kipling et de son service.Dernière piste: une attaque terroriste visant David Bateman, président d’ ALC.”

Ainsi parlent les enquêteurs en début d’enquête avant de se rendre compte que d’autre hypothèses, plus tordues, sont aussi totalement envisageables. la tâche est ardue et pourrait perdre le lecteur rapidement sans les chapitres que Hawley consacre aux personnages clés de l’histoire, hommes très importants du monde des médias et des affaires aux ennemis nombreux et déterminés à les faire tomber. Tous ces retours permettront de comprendre les enjeux tout en nous contant tous les personnages  à bord de l’avion mariant le monde d’un enfant de quatre ans à celui d’un cinquantenaire milliardaire aux affaires douteuses.

Pilote d’avion et gardes du corps, hôtesse de l’air et peintre sans talent, sans le sou, tous seront racontés, leurs trajectoires pourtant si différentes et pourtant réunis au même moment, avec le même rendez-vous unique et définitif avec la mort.

“Chacun a suivi sa propre route, fait ses propres choix.Comment deux personnes se croisent à un moment précis, en un endroit donné, cela relève du mystère. Nous empruntons l’ascenseur avec une dizaine d’inconnus, nous prenons le bus, nous attendons notre tour pour aller aux toilettes… les occasions ne manquent pas. Essayer de prédire notre trajectoire et les gens que l’on rencontrera serait peine perdue.”

Son propos de début de roman indique bien que Hawley  veut  aussi parler des conséquences affectives, criminelles, économiques d’un crash et profite pour montrer que les morts d’individus n’ont pas toutes la même valeur pour les médias en développant une belle diatribe contre la presse à scandale. Certains destins racontés seront porteurs d’enseignements, d’autres plus anecdotiques mais tous contribueront à montrer les vies fauchées trop tôt, le chagrin de ceux qui restent, le désespoir, le désarroi, l’impuissance comme l’hébétement mais aussi la cupidité.

Dans une troublante et sombre illustration de l’effet papillon, Hawley développe intelligemment la théorie du déterminisme et montre qu’il réserve à la seule littérature ses projets les plus intimes, les plus profonds, les plus humains. Beau !

Two thumbs up !

Wollanup.

 

LE BON PERE de Noah Hawley / Série Noire.

« Le bon père » est le quatrième roman de l’auteur américain Noah Hawley paru en 2012 aux USA et édité chez nous en 2013 par la SN. Son nouveau roman « After the fall » est sorti au printemps outre atlantique et espérons sans en doûter une seule seconde qu’Aurélien Masson en fera bientôt profiter les lecteurs de sa collection.

Noah Hawley, depuis  un ou deux ans, a atteint une grande renommée aux USA en temps que scénariste car après avoir travaillé sur des séries comme « Bones », il est devenu en 2014, le créateur et réalisateur de la somptueuse série  « FARGO » que tous les amateurs de Noir se doivent d’avoir vu et dont la troisième saison est prévue pour 2017,tout comme son autre projet très attendu des fans de super-héros, « Légion ».

Paul Allen, la cinquantaine fringante, est un rhumatologue de premier plan à New York. Il s’est remarié avec Fran avec qui il a eu des jumeaux aujourd’hui âgés de 10 ans. Réussite sociale et réussite familiale font de Paul un homme heureux. Le jeudi, tradition familiale, c’est la soirée pizzas maison et toute la famille réunie s’affaire dans la bonne humeur dans la cuisine. On imagine un drapeau américain qui claque quelque part dans le jardin, du Springsteen qui flotte dans la pièce, le labrador couché la tête posée sur ses pattes.

La télé qui bourdonne, dans un coin, va briser ces instants de bonheur simple. A l’écran, apparaissent les images d’un meeting à L.A. de l’idole de l’Amérique, le futur président des USA, l’espoir de toute la nation, le démocrate Jay Seagram. Le futur homme fort du pays est assassiné en direct par un jeune homme blanc vite appréhendé par les services de sécurité au moment où il voulait s’enfuir en profitant de la panique qu’il avait déclenchée.

Et là, tout bascule dans l’horreur quand, quelques minutes après, les services secrets sonnent à la porte pour emmener le Dr Allen à fin d’interrogatoire puisque le tueur identifié, c’est son fils issu d’un premier mariage. Daniel, âgé de 20 ans, qui a surtout vécu avec sa mère et qui a lâché l’université un an plus tôt pour traverser le pays à bord d’une vieille Honda, est un jeune homme discret, un peu rêveur, un peu paumé et parfaitement inoffensif.

A partir de cet instant tous les valeurs du docteur Allen, toutes ses certitudes disparaissent. Tout son univers s’écroule. Dans ces premières heures vont se succéder la surprise, l’étonnement, l’abattement, la colère et l’incrédulité. Mais, dès la première heure, ce qui va dominer et pour de nombreux mois, c’est la détermination et la volonté de sauver son fils.

C’est le combat d’un père qui est décrit ici. La culpabilité qui s’empare de Paul Allen, ses recherches minutieuses et parfois futiles, ses théories de complot, ses espoirs souvent déçus, sa détresse extrême quand il pense qu’il va échouer, ce lien ténu qu’il entretient avec son fils pour connaître la vérité, tout cela est si brillamment décrit qu’au bout d’un moment, on fait corps avec lui et on espère qu’il réussisse. Hawley va nous faire revivre avec tendresse les moments sympas entre l’enfant et son père, des heures complices, tous ces moments somme toute très anodins mais qui avaient finalement maintenant le goût des jours heureux.

Tous les pères seront troublés à la lecture de ce roman qui ne cesse de vous interroger et de vous troubler bien longtemps après en avoir terminé la lecture. On peut  le comparer au très intelligent « feuilles mortes » de Thomas H. Cook où un père essaye d’innocenter son fils accusé d’avoir tué une petite fille durant un baby-baby-sitting. Mais, le roman de Hawley est plus universel, car ici, ce n’est pas la communauté locale qui le juge en tant que père d’assassin mais c’est toute l’Amérique qui le traîne dans la boue. Et il continue malgré l’adversité, malgré les évidences. Tenter à tout prix de comprendre l’inconcevable, ce qui veut dire finalement l’accepter, voilà l’enfer infligé à Paul Allen.

Il est surprenant de voir ce roman catalogué de thriller sur la quatrième de couverture. C’est vraiment autre chose  s’il se lit comme un thriller, d’une traite car il est bien difficile de s’arrêter : peu d’action mais tellement d’attentes, d’espoirs.

Pour moi, un très grand roman, talentueux, éprouvant et… tellement d’autres choses mais qu’il faut taire…

Une lecture la gorge serrée, un nœud au ventre avec une fin bouleversante aussi réussie que le dernier chapitre de « lunar park » de Brett Easton Ellis, c’est dire !

Paternel.

Wollanup.

 

 

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