El cielo que nos queda

Traduction: Alexandra Carrasco et Georges Tyras

“Keegan et Zambrano, deux narcotrafiquants, se battent à bord d’un Cesna bourré de cocaïne qui finit par s’écraser. La cargaison se retrouve disséminée dans la campagne argentine.

 Survivants du crash, Keegan et le pilote sauvent une partie de la drogue et volent une voiture pour l’emporter. Mais ils savent que le reste va exciter les convoitises. Entre le gang qui veut récupérer son dû et les pauvres qui voient dans cette drogue une manne inespérée, une course poursuite s’engage.”

Notre dernière part de ciel, prenez donc un instant pour savourer le titre vu que c’est le seul instant de poésie du premier roman à paraître en France de l’auteur argentin Nicolas Ferraro. 

Tout est parti en couilles en sept coups de fusil”. D’entrée Ferraro ferre ou perd son lecteur. Cette phrase introduit un premier chapitre tout simplement dantesque se terminant par le premier d’une longue, très longue série de meurtres abominables. C’est d’ailleurs la mort la plus sympathique à vivre pour le lecteur dans la mesure où, balancée d’un avion, on ne voit pas, pour la seule fois, les dégâts subis par la victime.

Alors, un premier chapitre qui déchire méchamment, balançant entre horreur et humour très, très noir, on connaît bien. On a déjà vécu aussi souvent ces intrigues alimentées à l’hémoglobine et à la violence bestiale qui se dégonflent une fois le premier moment de bravoure achevé. Mais, mais dans Notre dernière part de ciel, cette intro n’est qu’un tout petit shoot, une simple mise en bouche. Ce roman est très fortement déconseillé aux personnes sensibles et aux vegans, on y abat beaucoup de barbaque dans ce trou du cul dangereux de l’Amérique latine qu’est la zone de la “triple frontière” entre l’Argentine, le Paraguay et le Brésil, un espace que la loi et l’humanité ont quitté depuis longtemps.

Notre dernière part de ciel raconte une histoire de narcos et ces gens-là ne font jamais dans la dentelle, on le sait mais, généralement, certains de leurs sicaires savent à peu près se tenir vis à vis de la came. Ici, ils ont tous le pif emplâtré de cocaïne inhalée à la truelle. Et forcément, conséquences: perte de discernement et folie meurtrière chez ces enculés. Le maillot jaune sera attribué au dénommé Zupay, belle ordure dont on espère la mort, avec le maximum de souffrances si possible. Monsieur Zupay est un artiste, un petit Mozart de la torture. Psychologique au tout début puis physique rapidement ensuite quand on attend de lui de prompts résultats. Lors de quatre “happenings”, certains particulièrement durs à encaisser, Zupay montre toute l’étendue de son art en variant les outils, les techniques, les coups, avec toujours une brillante réussite, conséquence d’une grande virtuosité qui rend quand même souvent très nauséeux un public pourtant bien aguerri. Les victimes? vous verrez bien assez tôt.

Notre belle équipe de cramés du bulbe va donc se frotter aux frères Vargas, deux frangins, deux paysans qui ont récupéré quelques paquets et veulent les vendre pour tenter une nouvelle vie à Buenos Aires. Ils sont aidés par deux anciens venus dans la région pour se faire oublier après une vie criminelle visiblement bien remplie. L’un des deux, Raiser, est pris d’un soudain désir de rédemption et va aider nos deux jeunes neuneus qui ont pris la mauvaise option vis à vis de la came. Là, surprise, on s’aperçoit que Raiser, lui aussi, sait faire parler les gens à l’aide de clous de voirie pour voies de chemin de fer. 

 Notre dernière part de ciel est extrêmement violent. On pourrait le rapprocher des bons polars du Brésilien Edyr Augusto chez Asphalte ou du génial Entre hommes de German Maggiori sorti, il y a quelques années, chez La dernière goutte.

Manque à ce roman, un petit peu d’affectif, un soupçon d’humanité, qui permettrait de se passionner, de trembler pour certains personnages. Là, au bout d’un moment, on s’en fout.  On est simplement spectateur de beaucoup d’abominations. Pas de message apparent, juste des pages noyées dans le sang, le sperme, les larmes, la merde…

Il faut certainement aborder ce roman avec un peu de recul, en se distanciant, en se préparant un peu au pire comme pour un film de Tarantino ou de Dario Argento.  Alors, est-ce que ce roman est gore ? Non, pas tout à fait mais on est à l’extrême limite néanmoins et on n’a pas tous le même seuil de tolérance… Lu avec un certain détachement nécessaire, Notre dernière part de ciel s’avère jubilatoire, très addictif, quelques heures de lecture en apnée, du sang sur les murs, un massacre sans nom…

Une boucherie !

Clete