Traduit par Anne-Laure Tissut
Laird Hunt est un écrivain américain. Il a reçu pour ce roman le premier grand prix de littérature américaine créé par Francis Geffard à qui on doit déjà le festival littéraire America. Laird Hunt nous plonge avec « Neverhome » dans la guerre de sécession de manière singulière en y suivant une femme partie déguisée en homme pour aller combattre.
« Dans la ferme de l’Indiana qui l’a vue grandir, Constance jouit enfin, auprès de son compagnon, d’un bonheur tranquille. Mais lorsque la guerre de Sécession éclate et que Bartholomew est appelé à rejoindre les rangs de l’armée de l’Union, c’est elle qui, travestie en homme, prend sans hésitation, sous le nom d’Ash Thompson, la place de cet époux que sa santé fragile rend inapte à une guerre qu’elle considère comme impensable de ne pas mener.
Ayant perdu la trace de son régiment après une bataille féroce où elle a été blessée, Constance, la rebelle, dépouillée de son uniforme, reprend, au sein de paysages dévastés, le chemin de la ferme, guidée par l’amour infini qu’elle porte à son bien-aimé mais profondément hantée par la violence et l’étrangeté des aventures qui ont marqué sa périlleuse initiation à l’univers impitoyable des champs de bataille et à leurs sordides coulisses. »
Laird Hunt s’est appuyé sur des faits réels pour écrire son roman. Il s’est penché sur l’histoire de ces femmes-soldats pendant la guerre de sécession. Dans une interview, il dit qu’elles étaient au moins cinq cents. Elles ont été effacées de l’histoire officielle de cette guerre. Infirmières, cantinières… passe encore, mais c’était inconcevable au XIXe qu’une femme puisse combattre, ça ne rentrait pas dans le schéma de la gloire des hommes guerriers, comme dans l’histoire du far-west ou l’Histoire en général d’ailleurs, et, puisque les historiens aussi étaient des hommes… Elles partaient à la guerre avec la double peur au ventre : celle de la guerre bien sûr, comme tout le monde, et celle d’être découvertes car elles étaient alors humiliées, emprisonnées, enfermées dans les asiles de fous : imaginez, les asiles au XIXe en temps de guerre…
Laird Hunt ne s’est pas inspiré de l’histoire d’une femme en particulier. Il s’agit bien là d’un roman où on suit, intrigué, fasciné, l’itinéraire de Constance à travers cette guerre. Constance, partie à la place de son mari, plus faible qu’elle dans les rangs de l’Union (grosse bourde de l’éditeur sur la quatrième de couverture, corrigée depuis j’espère, au moins au niveau de leur site, Constance est bien dans le camp des Nordistes).
Dès les premières phrases, on est séduit par le langage de Constance. On suit ses pensées, ses visions : des plus prosaïques (elle est aux premières loges et montre sans fard le vacarme des batailles, les charniers qui ensanglantent la nature, les blessés, la boue, la crasse) aux plus intimes. Elle se réfugie dans ses souvenirs, seuls lieux à l’abri dans la guerre, et nous livre ainsi son histoire par bribes. Elle reçoit des lettres de son mari, lui écrit, son amour pour lui la déchire et la maintient en vie. Elle s’adresse aussi à sa mère morte, dans des circonstances qu’on devine tragiques dès le début. S’échapper dans ses pensées lui permet de supporter l’insupportable et l’emmène parfois loin de la réalité, dans un climat onirique où on la suit les yeux fermés tellement c’est beau.
Laird Hunt, dans une langue d’une grande richesse, à la fois sobre et poétique, nous offre le très beau portrait d’une femme au cœur d’une guerre dont elle veut revenir. Une femme forte et en même temps brisée.
Magnifique.
Raccoon
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