Traduction : Héloïse Esquié.
«De beaux jours à venir » est le premier roman de Megan Kruse, jeune auteure américaine qui vit à Seattle, et c’est une réussite !
« Depuis des années, Amy subit la violence de Gary. Jusqu’au jour où elle reçoit le coup de trop et décide de s’enfuir avec ses deux enfants, Jackson, dix-huit ans, et Lydia, treize ans. Premier arrêt au Starlight, motel crasseux qui va leur servir de refuge. Tous les trois s’endorment sereins et soulagés, mais au petit matin Jackson a disparu. Croyant gagner l’amour d’un père qui le rejette, il est retourné chez eux et a trahi sa mère et sa sœur en révélant à Gary l’adresse du motel. Amy se rend alors à l’évidence : si elle veut assurer sa sécurité et celle de Lydia, elle va devoir abandonner son fils. Cette séparation brise le cœur de la petite fille, très attachée à ce frère doux et différent. Jackson, de son côté, doit désormais se débrouiller seul, tiraillé entre la recherche désespérée de l’amour paternel, sa culpabilité et sa difficulté à gérer son homosexualité naissante. »
Le roman commence dans l’état de Washington, nord-ouest des Etats-Unis, à Tulalip, petite ville pauvre de cette région rurale, froide et humide. C’est là que vit la famille Holland, dans un mobil-home isolé au fond des bois, une situation recherchée par le père qui lui permet d’infliger sa violence à sa femme en toute impunité.
Megan Kruse construit brillamment son roman. Elle tisse son récit à trois voix : celle d’Amy, la mère et celle de Jackson et Lydia, les deux enfants, joue avec la chronologie et l’histoire se met en place en douceur, naturellement, sans jamais perdre le lecteur. Elle dévoile l’histoire de chacun de ses personnages, abîmés, marqués à jamais par la violence, la peur constante et bien sûr la culpabilité. Dans ces trois voix, elle mêle les faits, les sentiments, les émotions et réussit à dresser le portrait de chacun mais aussi des liens qui les unissent, se resserrent, se délitent et des causes, des conséquences… de la famille en somme, avec sobriété et justesse.
On voit le piège se refermer sur Amy, la mère, comment elle perd pied de manière insidieuse en acceptant de croire aux promesses, de s’excuser, de pardonner. Elle se retrouve terrifiée, isolée et renonce à sa vie sans réagir jusqu’à ce qu’elle sente le danger se rapprocher de sa fille. Lydia, elle, est prête à sombrer dans la violence à son tour et panique de pouvoir ressembler à son père. Jackson, le fils méprisé par son père pour son homosexualité, encore très mal acceptée dans cette Amérique rurale, va pourtant trahir sa mère et se retrouver seul sur les routes…
Megan Kruse raconte avec un style à la fois puissant et fluide, sans misérabilisme, avec une grande tendresse pour ses personnages et une vérité qui n’estompe pas les ambivalences. Elle ne juge pas et nous touche par l’authenticité de ses personnages, la force des liens entre eux. On la suit, bouleversé, dans cette histoire sombre mais pas sans espoir.
Un roman sombre, juste et émouvant.
Raccoon
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