Deux jeunes sœurs sont mortes noyées dans un village de la Marne en 1978. On raconte les avoir retrouvées dans un étang, main dans la main, en tenues de communiantes. Intriguée par cette rumeur, Manon Gauthier-Faure se rend sur place, où le mystère s’épaissit : les coupures de presse sont maigres et les habitants semblent avoir oublié le contexte du drame. Plus étrange encore, il semblerait que les deux sœurs réapparaissent dans l’EHPAD du village… en fantômes.

J’ai une curiosité sans cesse renouvelée pour les enquêtes publiées chez Marchialy. Elles sont généralement assez singulières et jamais décevantes. Toujours un véritable plaisir à lire. Mais j’ai probablement déjà été assez équivoque à ce sujet. Les fantômes du lac : mémoires d’un village meurtri, deuxième livre de Manon Gauthier-Faure, ne fait pas exception. 

Avant d’aller plus avant dans le texte, on se demande bien quel intérêt il pourrait y avoir à se rendre dans un village perdu de la Marne, pour enquêter sur un funeste fait divers de 1978 qui semble aujourd’hui déjà bien lointain et oublié. De ce fait divers, nous ne savons qu’assez peu de choses. Deux gamines sont mortes. Pourquoi ? Comment ? Rien n’est vraiment clair. Il semblerait que cela soit arrivé un jour, subitement, et que la vie a continué à suivre son cours. Deux gamines qui, de prime abord, semblent ne jamais avoir été personne et n’auront pas vécu assez longtemps pour devenir quelqu’un. 

A son arrivée dans le village, l’enquête de Manon Gauthier-Faure prend assez rapidement une tournure paranormale. Dans l’EHPAD du village, le personnel, ainsi que les patients semblent être témoins de phénomènes inexpliqués. Et par phénomènes, comprenez les classiques quand on dit d’un lieu qu’il est supposément hanté : apparitions, bruits étranges, portes qui se ferment et sensations bizarres. Si les personnes concernées n’étaient pas aussi nombreuses, avec des témoignages concordants, on pourrait facilement se dire que l’on a là un petit groupe de personnes influençables ou illuminées. Qu’en penser ? On ne sait pas trop. Mais oui, il faut reconnaître que c’est un peu étrange, surtout que les témoignages font souvent référence à deux petites filles.

Un EHPAD hanté. Bon, soit. Pour autant, notre fait divers, pas grand monde en a quelque chose à en dire de concret dans le village. Notre journaliste va de défaite en défaite. Les souvenirs sont maigres. Les témoignages vagues. De ce que l’on comprend, ces deux gamines faisaient partie d’une famille de marginaux et leur courte vie fut assez malheureuse. Enfin, c’est ce qui se dit. Des bruits qui courent. Des rumeurs. Mais Manon Gauthier-Faure ne baisse pas les bras. Petit à petit, elle finit par rétablir un minimum de vérité, mais pas tant sur le fait divers en lui-même. Elle leur redonne une vie, une existence, jusqu’à contredire le portrait assez misérable qu’on lui en a fait, même si la réalité reste ce qu’elle est. 

Au fil de son récit, avec une certaine sobriété dans le propos mais une évidente poésie dans le regard, Manon Gauthier-Faure laisse le paranormal côtoyer la réalité. Elle rend compte et laisse s’imbriquer les différents éléments. Elle nous peint un tableau sensible et mélancolique. Au fil des pages, c’est une histoire simplement humaine qui nous est révélée, avec ses zones d’ombres et ses instants de lumière. Une chasse aux souvenirs évanescents dans un petit village brumeux où les temps changent et les gens avec. Une nouvelle existence offerte à deux jeunes filles à la triste destinée, qui n’ont peut-être jamais réalisé qu’elles ne sont plus de notre monde.

Brother Jo.