Let Him Go
Traduction : Elie Robert-Nicoud
En 2017, les éditions Gallmeister inauguraient leur collection poche Totem par la réédition de Montana 1948 du sieur Watson, publié à l’origine aux États-Unis en 1993. Vingt ans après ce roman qualifié d’indispensable, Larry Watson publiait Let Him Go, aujourd’hui traduit en français, et nous emmenait à nouveau dans les plaines de l’Ouest au tournant des années 1950. En 2020, Thomas Bezucha l’adaptait au cinéma (acteurs principaux : Kevin Coster et Diane Lane).
Dalton, Dakota du Nord, 1951. Après la mort tragique de leur fils, George et Margaret Blackledge doivent maintenant accepter d’être séparés de leur petit-fils adoré, Jimmy. Car leur belle-fille, Lorna, vient de se remarier à un certain Donnie Weboy et l’a suivi dans le Montana. Hostile à l’égard de Donnie qu’elle soupçonne de maltraiter la jeune femme et l’enfant, Margaret décide de se lancer à leur recherche pour ramener Jimmy coûte que coûte. George ne peut que plier devant la détermination de son épouse. En s’approchant peu à peu de leur but, les Blackledge découvrent le pouvoir du clan Weboy, qui semble empoisonner toute la région. Et la vérité éclate très vite : cette puissante famille, dirigée par une femme redoutable, ne lâchera jamais le garçon sans combattre.
Avec une économie de mots maîtrisée, Larry Watson nous plonge immédiatement dans le huis-clos du couple Blackledge vieillissant. Sous le couvercle de leur quotidien ralenti mijotent le chagrin et la perte : leur fils est mort accidentellement, le petit-fils leur a été enlevé par sa mère, partie avec une autre homme. Seule Margaret semble ne pas se résigner à ne plus voir Jimmy. Obstinée, elle parvient à balayer l’hésitation de son mari à l’accompagner dans un voyage qui ne se passera pas aussi simplement que prévu. On comprend, à petites touches, la profondeur des sentiments qui unissent le couple Blackledge. Seulement, la parole et les démonstrations sont rares chez les habitants de l’Ouest. Au cours du voyage d’un Etat à l’autre, l’intimité forcée des époux ravive les bouffées d’un printemps de vie enfui : ces deux-là ont été très amoureux. Mais la mélancolie est bien la plus forte.
Récupérer Jimmy, ce n’est pas négocier avec un homme, Donnie, son beau-père, mais se heurter à une tribu, les Weboy, rassemblée autour de la mère tutélaire. Margaret et George vont le découvrir très vite : c’est une belle bande de salauds qui terrorisent leur communauté. Commencé avec le malaise, leur face-à-face dérape dans la brutalité et le sang. Pour Margaret et George, le prix de leur espoir naïf est déjà terrible. Il serait raisonnable de s’avouer vaincu. La flamme de la colère s’empare alors de George, pourtant le plus réticent à entreprendre le voyage…
Des gens simples, une Amérique des Grandes Plaines qui entre à peine dans l’ère moderne et un roman à la hauteur d’une tragédie antique. Emouvant et (très) cruel.
Paotrsaout
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