Traduction: Anaïs Bouteille-Bokobza
Luca d’Andréa a une indéniable faculté de conteur. Il nous tend la main pour nous guider sur son sentier. Un sentier, pas une route, car l’homme est un homme de la terre, un homme des montagnes, un artisan. Il nous convie d’ailleurs de nouveau dans sa région natale, le Sud Tyrol. Et son roman tournera autour de quatre personnages cardinaux. Chacun possède un sens caractérisé de son existence, leur philosophie et leur construction divergent sur bien des points. Or ils se découvriront des bulles d’aspirations et des atomes qui auraient pu correspondre. Leurs lignes de vie resteront parallèles et s’insinueront dans des gouffres de désillusions et de funestes vertiges.
«Italie, hiver 1974. À bord d’une Mercedes crème, Marlene fuit à travers le Sud-Tyrol. Elle laisse derrière elle son mari, Herr Wegener, et emporte les saphirs qui lui avaient été confiés par la puissante mafia locale. Alors que, devenu fou, il retourne la région pour la retrouver, Marlene prend un mauvais virage et perd connaissance dans l’accident. Simon Keller, un Bau’r, un homme des montagnes, la recueille et la soigne. Marlene se remet petit à petit dans un chalet isolé, hors de portée de poursuivants pourtant infatigables, et fait un jour la connaissance de Lissy, le grand amour de Simon Keller. »
Le récit s’articule donc à travers quatre personnages qui défient leur passé dans l’espoir de se construire un avenir. L’un est à la tête d’une organisation délictueuse. En ayant la main mise sur différentes activités licencieuses, il possède une certaine aura et le respect, la déférence dans la population craintive. Sa jeune épouse a, pour elle, l’appréhension marquée de se perdre dans le tourbillon du péril marital. Un événement la poussera à s’en détacher afin de conserver son libre arbitre. Le troisième protagoniste est un pur montagnard dans la droite ligne d’une famille des monts enneigés. Il puise sa culture et sa force dans l’inflexible confiance en la nature et son enseignement rigoriste d’une vie d’alpage. Cette quadrature se lie par un homme entouré par un halo de mystères et d’effroi magnétique. Ils évolueront donc les uns autour des autres formant un cercle maléfique.
Ils s’attirent, se repoussent, se cherchent, s’évitent, mais auront tous d’âpres face à face. Dans le roman on ressent que le point de rupture peut apparaître à la prochaine page ou au prochain chapitre. De part ses qualités intrinsèques, l’auteur nous fait perdre haleine et construit une tension crescendo. De même en faisant appel à l’univers des contes noirs il instille une atmosphère qui vrille les sens, nos croyances. Il permet que s’installent des failles, des gouffres dans un trajet sans cesse sinueux. De plus en plus il crée le malaise. Nos sens sont déroutés mais surtout notre raison s’effrite, se lézarde.
Les trois quarts du roman possèdent ces capacités sans nul pareilles mais j’ai ressenti dans l’épilogue un délitement de la cohérence et quelques invraisemblances. La clôture aurait mérité, probablement, d’être plus mesurée pour rendre le tout crédible.
D’ Andréa, je me répète, a un talent hors pair de conteur, cette facilité pour raconter des histoires, flirtant avec la fable, néanmoins si son récit conservait son unité jusqu’au final il n’en aurait que plus de force.
Fable noir percutante!
Chouchou.
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