Lonely Betty est un roman déjà ancien de l’auteur suisse Joseph Incardona à qui on doit depuis quelques années, de grands et forts moments de littérature noire : 220 volts, Derrière les panneaux il y a des hommes, Chaleur, La soustraction des possibles et Les corps solides.

L’ouvrage, publié chez Finitude en 2010, était épuisé depuis longtemps et la maison en le rééditant va permettre aux fans de l’auteur de s’offrir un petit plus, délicieusement noir.

C’est la veille de Noël 1999, tout le monde est pressé, bien occupé mais à Durham, petite ville du Vermont, on va fêter les cent ans de Betty Holmes née le même jour que Jésus Christ. La vieille instit est internée à l’hospice communal depuis 60 ans, depuis la disparition restée mystérieuse de trois frères qui étaient ses élèves. Depuis ce tragique événement la vieille toupie est restée totalement mutique. Les notables de la commune se rendent donc à la petite célébration, une petite corvée avant les agapes du réveillon. Et puis badaboum, la vieille dame prend soudain la parole…

“ Je veux parler au lieutenant à la retraite John Markham.” Le silence autour de la vieille était aussi dense qu’un pudding. Elle-même, surprise d’entendre sa propre voix après tout ce temps, ajouta d’un ton scolairement autoritaire:

“Et tout de suite, nom de Dieu!”

Beaucoup plus léger que ses dernières oeuvres noires Lonely Betty est un pastiche des vieux romans noirs américains, une fable noire très drôle si vous aimez un humour souvent situé en dessous de la ceinture.

“Lauren interrompit sa fellation, leva son visage vers James Sullivan :

– Dis, mon chou, tu ne trouves pas que les chapitres de cette histoire deviennent de plus en plus courts ?

Le regard voilé par le plaisir, il soupira :

– Je suppose que c’est une question de rythme…

– Mais on est des personnages secondaires ? À quoi bon mentionner que je te taille une pipe ?

– J’en sais rien, continue, poupée.”

Evoluant dans une centaines de pages addictives, on se demande un moment comment Joseph Incardona va retomber sur ses pattes tant le propos est court et on s’inquiète d’un final qui serait bâclé. Mais l’auteur est malin, très malin et réussit un très beau coup en transformant son récit décalé en hommage à un grand écrivain du Vermont, oui, je sais bien que vous avez deviné de qui il est question. Rajoutons que cette nouvelle mouture est embellie par des illustrations délicieusement noires de Thomas Ott dont on avait déjà beaucoup apprécié le travail pour une réédition de A Hell of a Woman de Jim Thompson aux éditions la Baconnière.

Un beau cadeau à faire ou un bel objet à s’offrir.

Clete