Ce roman du Québécois Jonathan Gaudet a déjà connu une première vie en 2016 au Canada sous le titre La piscine. On doit à Belfond son arrivée en France cette année sous le titre Les mares-noires qui est le lieu où se déroule l’intrigue, très au nord du Québec, très loin de la cabane de Line Renaud.
“Sous la douce lumière d’un matin d’été aux Mares-Noires, au beau milieu du Québec, une femme berce son bébé près d’une fenêtre, en fixant le coyote qui s’approche trop près de leur petite maison. Soudain, à la radio, un flash spécial : une explosion est survenue à la centrale nucléaire. Un bâtiment est en flammes, sept employés sont coincés à l’intérieur. Parmi eux, le mari de cette femme. Le cri qu’elle pousse alors ébranle toute la forêt. Les autorités se veulent rassurantes, mais la femme sait que le pire va arriver. Qu’il est trop tard.
Treize ans ont passé, la femme a refait sa vie et son bébé est devenue une adolescente rebelle. Si le drame qui les a touchées semble derrière elles, les fantômes ne sont pas loin. Encombrée de tensions, de silences, d’indicibles secrets, leur relation est une bombe à retardement aussi imprévisible que menaçante…”
Alors, en novembre, après avoir beaucoup lu et chroniqué durant l’année, l’ennui commence un peu à gagner. Tant de polars se ressemblent qu’on en vient à apprécier ceux qui sont le moins frappés de clichés. Combien abordant encore une fois des sujets déjà maintes fois traités élégamment ou maltraités avec une certaine obstination maladive ou aveugle et qu’on met de côté pour un après qui ne viendra peut-être pas. En cette fin d’année où on a de plus en plus de mal à trouver son bonheur et je ne parle bien sûr que de moi, où la lassitude vous envahit… quand un roman sort vraiment du lot, vous procure un bonheur d’histoire noire, un truc à vous flinguer une fois l’histoire terminée, vous n’allez pas niaiser, cacher votre bonheur. Les Mares-Noires est un superbe roman, violent, dur, mauvais, méchant et qui vous plombe bien tant tout est possible à chaque page. La douleur se vit avec les personnages, un peu comme chez Incardona. Ça vous parle peut-être un peu plus maintenant ?
Ce terrible accident et ses conséquences pour les familles des victimes dans une centrale nucléaire d’une province du Québec qui n’en compte plus en activité dans la réalité, sera la base du roman jusqu’à la moitié de son développement, la plus paisible finalement. On voit les dysfonctionnements de la nouvelle cellule familiale douze ou treize ans après le deuil. L’écriture parfaitement clinique de l’auteur contribue à créer une atmosphère très pesante, étouffante. La mère et la fille ont déjà suffisamment morflé…Et puis donc vers la moitié, on se prend en pleine face un truc qu’on n’aurait mais alors jamais imaginé. Naît instantanément un terrible effroi chez le lecteur qui voit le drame à venir ainsi que tous les terribles possibles envisageables. Dès le début, on sait qu’il y a eu une tragédie, que quelqu’un a péri.
Si la lecture de ce roman s’avère très flippante, on le doit aussi aux choix d’écriture de l’auteur très valides pour le coup. Plusieurs chapitres sont des immenses tableaux magnifiques et perturbants. Gaudet envisage le très vaste et ensuite ajuste sa focale vers le détail. D’abord la nature immense et les descriptions sont souvent très belles puis les animaux et surtout un coyote qui a abandonné sa horde et vous comprendrez pourquoi sa présence est importante, puis il met le focus sur les constructions humaines où évoluent l’homme, la femme et l’enfant qui seront finalement identifiés comme David, Catherine et Émilie. Les zones floues dans et entre les différentes expositions offertes au lecteur l’obligent à une vigilance et une prudence extrême pour “cette chronique d’une mort annoncée”.
Le final sera doublement au niveau de l’ensemble, lui donnant définitivement le statut de grand roman noir. Vous savez, ce genre de roman où vous êtes définitivement plombé par la fin où vous restez un temps scotché parce que c’est un peu dur à avaler puis à digérer tant de noirceur…quand vous trouvez la fin vraiment dégueulasse, injuste, cruelle… ce genre de roman.
Clete.
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