« C’est surtout l’histoire de Mietek, un individu en déshérence, amoureux d’une femme qui ne peut pas l’aimer. Mietek ne s’en sort pas, s’enlise dans des histoires dont le dénouement risque d’entraver sa liberté. »

Mietek, dans les vingt-cinq ans, dans les années 70, sous Giscard, sort de prison et ne veut surtout pas y retourner. Il replonge dans la voyoucratie de bas-étage, proxénétisme, vol de voitures, petits cambriolages, une criminalité de petite envergure d’une époque artisanale de la délinquance.

«Depuis pas mal de temps, je me disais que c’était fini les hommes, que c’était vraiment une espèce en voie de disparition – ce qu’on appelait les hommes, c’était les derniers singes, quoi. J’ai écrit une cinquantaine de pages – et ils sont venus les hommes de ma jeunesse et ma jeunesse avec. Mais dans toutes les histoires d’hommes, il y a une fille, et même il faut une fille – sans fille, pas d’homme. Et l’autre raison du livre m’est apparue, c’était elle – ma fille, Cora. C’était pas une histoire d’homme que je voulais écrire, pas exactement, c’était une histoire de père et de fille.» Richard Morgiève.

Quand on lit ce petit texte de l’auteur, on comprend qu’on va se glisser dans l’intimité et combien il va creuser dans ses souvenirs, dans son histoire, lui, qui avait l’âge de son héros à cette époque.

Alors, c’est un bouquin extrêmement troublant, qui ne se lit pas comme un polar ordinaire qu’il n’est d’ailleurs pas vraiment même s’il met en scène divers petits malfrats , les pages sur les médiocres affaires de Mietek n’étant pas les plus passionnantes du roman. Chronique d’une époque en train de se terminer, une France qui peine à se libérer de l’héritage de la libération où ceux qui avaient choisi le bon camp pendant la guerre ou juste avant la chute, ont pu obtenir un blanc-seing de l’état pour revenir à leurs magouilles quand ils n’étaient pas directement dans les hautes sphères de la nation. 68 était passé mais les rapports hommes femmes étaient quasiment les mêmes que 30 ans auparavant, les femmes depuis la libération pouvaient voter mais Simone Veil était encore à fignoler cette réforme sur l’avortement qui allait tant faire pour les femmes.

Selon son âge, on ne lira pas cette chronique d’une époque révolue au travers de l’itinéraire d’un voyou de la même manière. Morgiève n’a pas voulu faire un tableau idyllique de son héros. Proxénète à ses heures, il voue une grande admiration pour José Giovanni l’auteur et cinéaste  dont le passé de collaborateur d’abord et de meurtrier ensuite glace un peu l’ambiance. D’autre part, Mietek collabore avec ce qui semble être le SAC ou une autre organisation identique avec ses entrées dans toutes les branches du pouvoir, une police parallèle au service du pouvoir gaullien au départ mais qui par sa présence auprès du pouvoir en place a su faire de belles affaires avec la pègre de l’époque avant d’être dissoute en 82 après deux décennies d’obscures manœuvres. Ces aspects ne nuiront pas à l’image de beau ténébreux à qui ne connait pas ces histoires mais cela peut avoir quelques aspects répulsifs mais Mietek, par manque d’informations, a peut-être mal choisi ses guides… Complexe et imprévisible dans ses rapports avec les gens, animé d’une grande volonté d’assistance aux cabossés de son entourage, amis alcoolos, putes toxicos, vieille femme esseulée, Cora, petite fille en péril… Mietek séduira les lecteurs qui aiment les héros tordus, ambigus et toutes celles et ceux qui trouveront que la balance penche du côté mec bien.

Chacun verra sa vérité de l’histoire dans une France aujourd’hui disparue, verra naître ou pas l’empathie pour Mietek. Par contre, on doit constater le talent de Richard Morgieve pour nous installer dans l’univers et le milieu des malfrats décrits par ses aînés Dard, Simonin ou Le Breton. On n’oublie pas non plus des pages gorgées de tendresse et d’amour, masquées pudiquement, sans dramatisation des effets. Enfin, « les hommes » est un roman qui respire l’authenticité, la sincérité, l’excellence, la belle ouvrage d’un auteur qui se souvient et dont le roman, par son originalité, fait finalement un bien fou.

Authentique.

Wollanup.