Traduction: Carole Fily.

“À la chute de l’Empire ottoman, au lendemain de la Pre­mière Guerre mondiale, l’Albanie connaît, comme le reste du monde, de profonds changements. Les nouveaux diri­geants souhaitent moderniser le pays et imposer leurs lois sur l’ensemble du territoire, mais ils se heurtent à la résis­tance farouche des montagnards du Nord, qui continuent de vivre selon le Kanun, le code ancestral de ces régions reculées que l’on dit hantées depuis la nuit des temps.

Au printemps 1924, deux Américains y sont assassinés sur une petite route. Contraire au Kanun, qui place l’hos­pitalité au plus haut rang des vertus, le crime, qui a touché le fils d’un sénateur américain, plonge le petit État dans une crise diplomatique qui risque de dégénérer en guerre civile. Mais que fabriquaient ces Américains sur la route du Nord ? Leur présence était-elle liée aux rumeurs selon lesquelles la région renfermerait d’abondantes ressources pétrolières ? Et qui a bien pu vouloir leur mort ? L’efferves­cence s’empare de la capitale. On ne parle plus que de cela dans les cafés, les journalistes enquêtent, et bientôt les ser­vices secrets s’en mêlent…”

Nous sommes en Albanie en 1924, quand le pays devient indépendant après des siècles au sein de l’empire ottoman, sous l’influence de la puissance régionale autrichienne et des règles millénaires des montagnards du Nord et cherchant une crédibilité, une légitimité internationale en draguant la toute nouvelle Société Des Nations tout en espérant une aile protectrice de l’oncle Sam. Voilà un bien beau décor original, une destination, un univers peu connus et qui dès les premières paragraphes enchanteront le lecteur en quête de nouveaux territoires, de société mal connues.

Evidemment le plan “mains propres” mis en place par les autorités naissantes albanaises part gravement en sucette avec cet étrange assassinat de deux Américains. L’ Albanie, pays secret à la population bâillonnée par un communisme dur pendant des décennies, offre ici une image d’une société méditerranéenne qu’elle est de par sa localisation et par les réactions de la population, rumeurs, gonflements des informations, vent de panique, foules en ébullition, théories du complot… quand le drame est connu. Pas de doute, Tirana, la petite capitale du pays réagit comme le feraient d’autres populations au sang chaud de la région comme son voisin grec ou les Italiens sur l’autre rive de l’ Adriatique.

S’ensuivent des luttes politiques complexes, l’intervention des services secrets, des coups fourrés entre les trois grands acteurs en lutte pour la domination de ce petit pays et si , au début, le propos s’avère léger empreint d’une certaine bouffonnerie  puérile, une sorte de farce, les tenants et les aboutissants ainsi que les luttes pour maintenir le pays soit dans un traditionalisme rassurant soit dans une course vers la modernité pour réellement exister au plan régional et mondial, vont durcir le roman, lui donner une empreinte historique et sociologique.

Tiré d’une histoire réelle, le roman souffre néanmoins des défauts issus de ses qualités intrinsèques et de l’intérêt vif créé pour ce petit bout des Balkans. Le propos est souvent humoristique et toujours passionnant mais il manque certainement de profondeur pour nous permettre de réellement appréhender la situation de l’époque, de comprendre avec précision ce qui se trame à quelques semaines d’une révolution, bien réelle elle, au printemps 1924.

Néanmoins, le roman d’ Anila  Wilms ouvre une jolie lucarne sur ce coin d’Europe secret et méconnu tout en offrant un polar coloré, original, franchement atypique.

Dépaysant.

Wollanup.