Chroniques noires et partisanes

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L’ENQUÊTEUR AGONISANT de Leif GW Persson / Rivages

Den döende detektiven

Traduction: Esther Sermage

“Lars Martin Johansson est une légende vivante. Rusé et perspicace, il est connu dans la police criminelle comme « l’homme qui voyait derrière les coins ». Aujourd’hui, il est à la retraite et ses années de service sont derrière lui. C’est du moins ce qu’il pense. Après avoir subi une attaque cérébrale, Johansson se retrouve à l’hôpital. La seule chose qui peut le sauver du désespoir est la mention par son médecin d’une affaire de meurtre non résolue. La victime : une fillette de neuf ans. Avec l’aide de son assistante, d’une détective amateur et d’un orphelin qui a un intérêt personnel dans l’histoire, il se lance dans une enquête informelle depuis son lit de convalescence.”

L’enquêteur agonisant est un “cold case”, l’enquête retournant vingt cinq ans plus tôt, à peu près à l’époque de l’assassinat d’Olaf Palme, resté lui aussi, non élucidé. Alors, on peut très bien lire ce roman comme un “one shot” si on ne connaît pas l’auteur ni son héros qu’on aborde handicapé et diminué. Néanmoins, certains se souviendrontcertainement des six autres histoires dont il est le héros. Est cité également Evert Bäckström, flic incapable et odieux à qui Persson a consacré une trilogie s’achevant par La véritable histoire du nez de Pinocchio dont Nyctalopes vous a parlé il y a fort longtemps.

Le roman daté de 2010, a été récompensé du Glass Key Award, décerné au meilleur roman scandinace de l’année et curieusement avait dû rester au fond d’un tiroir chez Rivages. L’oubli a été réparé fort heureusement cette année parce que les fans de Lars Martin Johansson auront certainement beaucoup de plaisir à le retrouver dans une nouvelle investigation et surtout dans un roman crépusculaire qui marque la fin, à ce jour, de la série qui lui est consacrée.

Sorti en juin, un peu en bouche trou, L’enquêteur agonisant s’avère être un bon polar mariant avec bonheur suspense, investigation très fine, accents politiques et humour particulièrement corrosif, donnant une envie certaine de se plonger dans les précédents. N’insistant pas spécialement sur son côté scandinave si on excepte le schnaps, les saucisses et le chou, Persson intéresse d’emblée et captive tout au long de 445 pages sans une goutte de sang ou réel acte de violence. 

C’est très malin, de la belle orfèvrerie dont est coutumier un auteur également criminologue de renom. Un vrai polar, très fin.

Clete.

LA VÉRITABLE HISTOIRE DU NEZ DE PINOCCHIO de Leif GW Persson chez Rivages

Traduction : Catherine Renaud.

Leif GW Persson est un expert en criminologie suédois renommé, il a écrit plusieurs essais sur le sujet. Mais il a également écrit plus d’une dizaine de romans pratiquement tous traduits en français dont trois sont des aventures du commissaire Evert Bäckström. « La véritable histoire du nez de Pinocchio » est le troisième volet de cette série mais même si on n’a pas lu les autres, ce qui était mon cas, on n’est pas gêné pour la compréhension du bouquin. Ceux qui connaissent déjà retrouveront sans doute avec plaisir ce héros atypique…

« Evert Bäckström est chargé d’une affaire peu commune : trouver un suspect pour le meurtre de Thomas Eriksson, célèbre avocat des gros bonnets de la mafia suédoise, n’est pas difficile, mais réduire la longue liste des personnes qui voulaient sa mort est presque impossible. Heureusement, Bäckström a passé des années à cultiver des relations douteuses, avec l’aide desquelles il résout ses affaires en échange de quelques faveurs. Mais cette fois, même le flic le plus corrompu de Suède ne pourra prédire où cette enquête le mènera. La victime était en possession d’œuvres d’art russe d’une grande valeur, dont une boîte à musique du joaillier Karl Fabergé dont l’origine remonte au mariage entre la famille royale de Suède et les Romanov. »

C’était le lundi 3 juin. Même si c’était un lundi et qu’il avait été réveillé au beau milieu de la nuit, le commissaire Evert Bäckström y repensera toujours comme au plus beau jour de sa vie. Son téléphone portable professionnel s’était mis à sonner à cinq heures pile et, comme celui qui appelait semblait bien décidé à le faire décrocher, il n’avait pas eu le choix.

  • Oui, répondit Bäckström.
  • J’ai un meurtre pour toi, Bäckström, annonça l’agent de permanence de la police de Solna.
  • À une heure pareille ? dit Bäckström. Ça doit au moins être le roi ou le Premier ministre ?
  • Encore mieux que ça ! s’exclama son collègue qui criait presque d’enthousiasme.
  • Je suis tout ouïe.
  • Thomas Eriksson, déclara l’agent de permanence.
  • L’avocat ? fit Bäckström, qui eut du mal à cacher sa surprise. Ce n’est pas possible, pensa-t-il. C’est trop beau pour être vrai.

Ainsi commence le roman, c’est rare qu’un détective se réjouisse du meurtre sur lequel il enquête, mais Evert Bäckström n’est pas un détective ordinaire, en plus il avait eu des démêlés avec la victime…

C’est un sacré personnage ce commissaire : raciste, sexiste, homophobe, prétentieux et méprisant… un anti-héros odieux et repoussant ! Adepte de la bouffe, de la baise et des alcools forts, ce qu’on pourrait comprendre mais qui ne le rend pourtant pas sympathique vu sa prétention et son mépris pour les autres. Il fait bosser ses adjoints pendant qu’il s’accorde des pauses roboratives et bien évidemment est corrompu. Lors d’une enquête, il utilise son intelligence davantage pour trouver un moyen de s’enrichir que pour la résoudre. Sans scrupule, il n’hésite pas à monnayer des fuites dans la presse, à dérober des pièces à conviction… un ripou de première classe !

Et pourtant on le suit avec jubilation, il est tellement imbu de lui-même qu’il en devient drôle dans sa vie quotidienne : son attention à son Supersalami qu’il considère comme un super héros, ses efforts pour se débarrasser de son perroquet… Il est éminemment cynique, il connaît parfaitement les frontières du politiquement correct et contrôle avec brio le fossé entre ce qu’il peut dire et ce qu’il pense. Leif GW Persson insère dans les dialogues les pensées in petto des personnages, pas seulement celles de Bäckström et ce décalage leur donne encore plus de mordant.

Il y a forcément quelque chose de pourri au royaume de Suède pour qu’un homme tel que Bäckström y soit un héros ! Lors de l’enquête sur le meurtre de l’avocat, le commissaire et son équipe sont amenés à s’intéresser à des ventes d’œuvres d’art appartenant à des proches du roi… Ben oui la Suède est une monarchie, il y en a encore plein au XXIème siècle… incroyable non ? Il y a un roi donc, une cour, des privilèges et une police spéciale VIP chargée d’éviter les scandales. C’est une Suède bien sombre que nous décrit Leif GW Persson, très loin de l’image qu’on s’en fait ici parfois. Et que dire de la police et de ses pratiques quand l’auteur confie que Bäckström lui a été inspiré par des policiers qu’il a rencontrés ?

Leif GW Persson entraîne son lecteur dans une histoire noire et rocambolesque qui remonte à plus de cent ans avec de nombreuses ramifications comprenant, entre autres, le dernier tsar de Russie, Churchill et un lapin maltraité. Et l’histoire se tient, le lecteur n’est jamais perdu et malgré la noirceur, on regarde en riant souvent Bäckström se démener pour résoudre cette affaire et surtout en récolter un maximum d’argent !

Un bon polar, incisif et drôle.

Raccoon

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