Chroniques noires et partisanes

Étiquette : le rouergue

DANS LES MURMURES DE LA FORET RAVIE de Philippe Alauzet / Le Rouergue

Jean est un vieux paysan, rude et rustre comme peu. Agnès, fille de Jean, pas bien mieux lotie que son père avec qui elle partage les tâches depuis que sa mère est morte. La mère, elle n’a pas d’autres noms, a disparu quand Agnès avait quinze ans. Depuis, c’est comme si le jour ne s’était jamais levé.
Pàl vient de loin, d’un pays de froid. Il travaille à la ferme depuis quelques mois.
Il y a aussi le bien-nommé Pentecôte, le chien de Jean. Et les brebis.
Sacré huis-clos, épais, très épais. Rares sont les mots échangés.
Ça pourrait se passer il y a cent ans ou mille ans ou plus, ces êtres sont enracinés dans cette terre qui les a vu naître, d’où rien ne pourra les déloger sinon la mort.
Les jours passent lourdement, tous pareils, avec pour seule distraction un bout de plaisir furtif, rapide, entre Agnès et Pàl, à peine quelques minutes tard le soir, de temps en temps.

Il y a le ciel, et la terre, les carrés de la terre, le domaine des hommes, les champs mis à nu, les rivières contraintes, les routes noires et grises, l’ordre des hommes, leurs toits serrés les uns contre les autres, leurs douanes, leur ignoble façon de dessiner un monde qui ne leur appartient pas, la carte des puissants. De si haut, tout est minuscule et il n’y a de grand que l’homme qui regarde de loin, impuissant à saisir, forcé à l’inaction, inoffensif, étranger aux lignes qui s’écrivent, tout en bas, qui semblent impérieuses et qui ne sont rien quand le temps est passé. Jean regarde tout mais ne pense rien. Il chasse de son esprit les idées qui s’y engouffrent à mesure qu’il le vide. 

Les forêts ne sont pas désertes, et les bêtes qui les peuplent ont faim. Les brebis en pâtissent, en meurent, c’est inacceptable pour Jean que l’on voit crapahuter et chasser le loup, ce loup qui avait disparu et qui lui prend son bien. C’est comme une quête pour lui, ou un jugement dernier, une mort enfin. Il remonte dans sa vie, de son passé le plus lointain à son entourage et aux autres villageois qu’il ne peut pas souffrir, et le lui rendent bien.
Au même moment, Agnès n’est pas épargnée par cette nuit de chasse, des vautours s’envolent et s’approchent d’elle.

Dans les murmures de la forêt ravie est un premier roman (au titre bien trop long), je veux bien le croire, pourquoi pas après tout, mais une chose est sûre, Philippe Alauzet est bel et bien un écrivain. Il a plus qu’une simple histoire effrayante à raconter, il a un style propre, touffu et poisseux, ses phrases sont sculptées et tournées dans un bois noble. Ses mots sont choisis, poncés puis imbriqués ; il y a de l’ébéniste chez cet auteur. Et une prestance peu courante.
Le roman est court, ramassé sur une centaine de pages d’un nature writing noir, glaçant, prenez votre temps pour en apprécier chaque pli et repli ; de toutes façons vous ne pourrez pas faire autrement.

NicoTag

DARWYNE de Colin Niel / Le Rouergue

 ― C’est Jhonson, présente la mère, un vague sourire aux lèvres.

 Le prénom glisse sur Darwyne comme l’eau sur un plumage d’oiseau : il se fiche de savoir comment il s’appelle, l’homme à la débroussailleuse. La seule chose qu’il y a à retenir, c’est que désormais il va habiter avec eux. 

 Que c’est le nouveau beau-père.

 Les lèvres serrées l’une contre l’autre, l’enfant acquiesce, conscient qu’il n’a pas son mot à dire, que c’est la mère qui décide de ce genre de choses, pas lui. Mais il ne se fait pas d’illusion, il sait très bien ce que l’arrivée de ce Jhonson veut dire.

 Il sait que ça va recommencer.

Ils sont deux, Darwyne et Mathurine.

 Le pian de Guyane est un opossum bien mal considéré, un peu comme le rat en métropole. Sale petit pian dégueulasse, c’est ainsi qu’est surnommé Darwyne Massily par sa mère Yolanda, la plus belle femme du bidonville de Bois Sec d’après lui. Il parle peu, essentiellement à lui-même. À l’école il est considéré comme inadapté par les enseignants, les autres enfants l’ignorent ou le méprisent à cause de ses jambes déformées.
Les beau-pères défilent, c’est le huitième qui vient d’entrer dans sa vie, et pourtant il n’a que 10 ans. Il ne retient pas leurs noms parce qu’il sait déjà comment ça va se passer et se terminer. Il sait qu’il va de nouveau subir ce nouvel arrivant qui lui prend sa place.
Darwyne est clairement mal traité, c’est là que Mathurine entre en scène.
Mathurine est éducatrice spécialisée, célibataire et âgée de quarante ans. Son désir d’enfant est un élément clef de ce roman. Elle côtoie toute la misère et la violence faite aux enfants de Guyane. Un signalement anonyme lui est parvenu au sujet de Darwyne. 

 Le contact prend du temps à s’établir avec Darwyne. L’enfant et l’éducatrice vont se rencontrer, et trouver un terrain d’entente : leur passion commune pour la nature, la forêt guyanaise. Les connaissances de Darwyne sont stupéfiantes pour son âge, presqu’inquiétantes.
Ainsi avance le roman, entre Mathurine, Darwyne et Yolanda ; au gré de l’évaluation sociale que Mathurine n’arrive pas à conclure. Quelque chose cloche entre la mère et le fils.

Et à présent que Bois Sec s’est assoupi, que se sont tus tous les vacarmes humains, il écoute les bruits de la jungle. Après cette journée de plus avec le beau-père, ça l’apaise. Jamais il n’irait dire cela, ni à la mère ni à personne d’autre, mais ce qu’il entend d’abord, c’est la lisière débroussaillée en train de guérir de ses blessures. Les plaies qui se referment lentement, le crissement ligneux des tissus végétaux. Et, plus loin, Darwyne entend gronder la faune nocturne qui se presse derrière l’orée. Il entend les oiseaux de la nuit, feuler le grand ibijau, crisser la chouette à lunettes, il entend chanter les rainettes et les adénomères, il entend brailler les singes hurleurs, tout là-bas. Et ne sachant aucun de ces noms-là, ces noms couchés dans les livres des naturalistes, il les nomme à sa manière, dans sa tête. Et pourtant conscient que la mère n’aimerait pas le voir ainsi, il reste longtemps à écouter ce sous-bois plus étendu que le ville elle-même, déployé à l’infini sous le tapis des cimes. L’Amazonie entière à quelques centimètres de sa couchette.

 L’écriture de Colin Niel fourmille d’un vocabulaire inhabituel au polar ou au roman noir, c’est une occasion de s’enrichir de toute une faune bien éloignée des rues de New York, Paris ou Stockholm. Le décor foisonnant de Darwyne est savamment planté, non seulement on voit mais en plus on entend, on sent. L’auteur donne vie à ces plantes, arbres, lianes ; ses pages sont luxuriantes, palpitantes, vivantes de tous les animaux croisés. Toutefois cette nature peut être oppressante, s’y retrouver seul n’est pas bon signe. La forêt n’a rien d’idyllique, tout comme le bidonville dans lequel vit la famille Massily. Avec Darwyne, Colin Niel nous montre ce qu’est la Guyane des petites gens, des migrants comme Yolanda et Jhonson. Pas d’eau courante, des toits de tôles qui tiennent avec des bouts de ficelle, toutes ces vies précaires bien plus proches de la Jungle de Calais que des clichés habituels sur Kourou. C’est tout l’envers de l’exotisme.


Il faut être attentif lors de la lecture, non seulement pour bien appréhender la complexité du jeune Darwyne, personnage partiellement et librement inspiré du folklore amazonien, mais surtout parce que Colin Niel sème son roman d’indices à peine écrits qui reviennent en tête en cours de lecture ; et ce jusqu’à ce que cet épilogue épouvantable, qui paraissait inconcevable, soit enfin dévoilé. 

NicoTag

 La forêt guyanaise de Darwyne et Mathurine possèdent un rythme bien à elles qui pourrait bien ressembler à celui-ci.

SOLAK de Caroline Hinault / Le Rouergue Noir

Une poignée de baraquements balayés par le vent et la neige, voilà pour la photo de couverture et pour le décor de ce court premier roman. Solak, territoire au-dessus du cercle polaire, loin de notre tumulte, sort tout droit de l’imagination de Caroline Hinault ; mais dès le prélude notre autrice nous attrape par le col, et on comprend immédiatement qu’elle ne va pas nous relâcher avec douceur. 

Piotr, Roq, Grizzly et « le gosse » : ils sont quatre à tenter de vivre sur ce bout de terre gelé. 

Piotr, le sage, l’ancien, le chef aux 20 ans de Solak. C’est lui notre interlocuteur. Roq, militaire comme Piotr, bien bas du front, mauvais, malsain. Mais pas caricatural. Le scientifique Grizzly est là pour mesurer, interpréter et comprendre la nature autour ; le drapeau planté dans la cour ne le concerne pas.
Igor le suicidé qui part dans une boîte lors de la scène inaugurale : un sacré échange ! Le vivant qui prend la place du mort, le quatrième, c’est « la recrue« , « le gamin« , ou l' »enfoiré de muet à la con« , militaire également. C’est cet arrivant muet le cœur de l’histoire, le détonateur.

Qu’ont-ils donc fait pour être balancés sur ce « Désert des Tartares » polaire ? Ce qu’on en saura suffira à l’autrice pour nous envoyer une histoire de vengeance bien froide mêlée à une excellente critique de la masculinité et de ses aspects les plus abjects.

Malgré quelques moments de grâce sur cette nature polaire magnifique, Caroline Hinault met ses personnages à rude épreuve ; c’est à un véritable enfer qu’elle les soumet. Ils sont quatre, mais ce n’est pas un groupe, seulement des solitudes les unes confrontées aux autres dans une immensité tant déserte que glacée. Et il y a cette écriture pleine de bris de verres, coupante comme le vent qu’elle fait hurler sans cesse, comme  les lames de fond qu’elle fait jaillir des carnets tenus par  « la recrue« . 

Alors « Solak » premier roman publié, d’accord. Premier écrit ? Pas sûr. Parce que si la construction est somme toute classique, Caroline Hinault a un sacré coup de stylo, elle aligne les directs et les uppercuts comme d’autres enfilent des perles. Jamais elle ne s’essouffle, la courte longueur de « Solak » est une trâlée de poings tous placés. 

Si dès le départ on comprend que ça va mal finir, c’est tout le talent de l’autrice de maîtriser et manier cette puissante tension dont seul l’époustouflant dénouement nous donnera la clef qui fait de ce roman un plaisir de lecture.

NicoTag

C’est avec des sons glanés au cours d’un périple polaire que Molécule a enregistré son album -22,7°C dont voici Âriâ :

ENTRE FAUVES de Colin Niel / Le Rouergue

La chasse. Le débat a envenimé notre été avec d’un côté les pros chasse et de l’autre les « ayatollahs de l’écologie ». Le roman de Colin Niel ne nous aidera pas, à mon sens, à prendre parti. Par contre il nous permet de comprendre que tout n’est pas blanc ou noir, de n’importe quel côté où on se place.

L’histoire commence avec une photo, celle d’une jeune fille, un arc à la main, avec en arrière-plan,  le cadavre d’un lion. Quel est le contexte de cette photo, que s’est-il passé, dans quelles  conditions a été prise cette photo ? Peu importe, sa diffusion sur les réseaux sociaux génère un torrent de critiques, d’insultes, de violences envers cette jeune fille dont l’identité n’est pas dévoilée.

Il s’agit, en fait d’Apolline, jeune étudiante vivant à Pau, passionnée de montagne et de chasse. 

Martin, lui, est garde forestier dans les Hautes-Pyrénées, profondément anti-chasse, il est hanté par la disparition de Cannelle, la dernière femelle ours réintroduite dans les Pyrénées et tuée en 2004. Il fait partie d’un groupe internet qui traque les photos de tueries d’animaux sur les réseaux sociaux pour dévoiler les identités des chasseurs et les livrer en pâture à la vindicte populaire. Et là, il rêve de trouver cette meurtrière de lion et de déchainer toute sa violence et sa frustration sur elle.

Nous suivons donc Apolline et Martin, sur deux temporalités différentes : avant la chasse, on participe au voyage en Namibie pour traquer cette bête sauvage, on découvre ce pays, la vie de ce peuple Himba qui doit apprendre depuis des millénaires à partager le territoire avec des bêtes féroces. Ils ont toujours partagé leur terre mais le changement climatique pousse de plus en plus au rapprochement. La diminution des points d’eau oblige les prédateurs à se rapprocher des hommes pour trouver de la nourriture. La cohabitation devient de plus en plus difficile.

 Et, sur une autre période, nous sommes dans les Pyrénées, après la chasse et la parution de cette photo, on participe à la traque de Martin pour découvrir l’identité de la chasseuse. Le contexte n’est pas tout à fait le même, l’opinion publique est beaucoup plus sensible à la disparition d’un animal majestueux et le regarde plus comme un meurtre que comme un sport ou un moyen de défense.

Le parallèle entre la Namibie et les Pyrénées n’est pas anodin.  La réintroduction de l’ours provoque beaucoup de débats, entre l’aspect écologique, et la cohabitation entre les bergers et l’animal. Les conditions de vie ne sont pas les mêmes mais la problématique reste la même : comment vivre, élever du bétail, et partager son territoire avec de grands prédateurs. 

Ce livre nous interroge sur notre rapport à la nature bien sûr, mais aussi sur notre rapport à la chasse. Que l’on soit urbain ou rural notre imaginaire nous donne une certaine image, positive ou négative. Elle déclenche une passion, amour ou mépris, et cette passion est profondément enracinée en nous, depuis l’époque où l’on chassait pour notre survie.

Colin Niel, une fois encore donne vie à ses personnages, avec leurs forces et leurs faiblesses. On partage leurs souffrances, leurs peurs, leur courage, et bien plus encore, on les comprend, on se met à leur place quel que soit le côté de la barrière qu’ils ont choisi. Un roman ni pro ni anti chasse mais poignant, profondément humain et qui nous interroge sur notre rapport aux autres, à la nature, et à notre facilité à condamner…

Marie-Laure.

ZIPPO de Valentine Imhof / Rouergue Noir.

Mia Larström est une lieutenant de la police de Milwaukee. Jeune, belle, froide, hautaine, elle n’a pas noué d’affinité dans sa brigade. D’une grande intelligence, beaucoup la considère comme trop arrogante pour oser l’approcher. Le lieutenant McNamara, lui, est le Casanova de l’équipe. Pas un matin ne passe sans qu’il raconte ses frasques à ses collègues, ébahis d’une telle liberté revendiquée.

Ces deux flics n’ont rien pour s’entendre mais ils vont devoir travailler ensemble afin d’arrêter un homme qui sème des cadavres de femmes dont il a brûlé le visage. 

Cet homme est obsédé par une femme, Eva, qui l’a quitté il y a 8 ans. La seule qui le comprenait, qui n’avait pas peur de lui, qui l’aimait aussi dans ses excès. Il l’a initiée au plaisir, il l’a faite entrer dans son monde. 

« Clic-Clic- Clic-Clic-Clic-Clic-Clic-Clic-Clic-Clic, le bruit de son zippo avec lequel il joue, qu’il caresse, dont il se sert pour jouer avec la flamme qui léchait et mordillait  la peau d’Eva ».

L’histoire est sombre, inquiétante, mais nous avons de l’empathie pour chacun de ces personnages. Les crimes qui jalonnent cette histoire sont horribles, mais l’auteur n’en est pas pour autant un monstre. C’est un homme qui a tout connu, le bonheur, le succès, il était un super héros. Puis, une catastrophe, et son monde s’écroule. Sa seule éclaircie, il pense la trouver auprès d’Eva, et pendant 8 longues années, il n’aura de cesse de la retrouver. Il lui laisse donc des messages, et quoi de plus marquant que ces flammes qui naissent de son zippo. 

Je ne veux pas dévoiler davantage de l’histoire, non pas qu’elle soit pleine de rebondissements et de surprises, mais plutôt qu’elle se découvre au fur et à mesure des pages en une logique implacable. Valentine Imhof nous plonge dans un univers très noir, rythmé de rock alternatif dont la playlist, s’accorde parfaitement aux sentiments qui nous traversent à la lecture. Ce roman est riche en émotions, parfois contradictoires mais toujours justes. Valentine Imhof nous prouve qu’il n’est pas facile, voire impossible, de se détacher de son passé. C’est lui qui nous forge et ce sont nos choix et nos rencontres qui nous conduisent sur tel ou tel chemin. Mais quand nous décidons de choisir celui-ci plutôt que tel autre, nul retour en arrière n’est possible.

Une surprenante et saisissante lecture, profondément rock !!

Marie-Laure


TANGO FANTÔME de Tove Alsterdal aux éditions du Rouergue

Traduction : Emmanuel Curtil.

Tove Alsterdal est une journaliste, dramaturge et scénariste suédoise. « Tango fantôme » est son troisième roman, il a reçu le prix du meilleur roman policier suédois en 2014.

« Durant la nuit de Walpurgis, cette nuit de la fin avril où l’on fait brûler des feux pour dire adieu à l’hiver, une femme est tombée d’un balcon, du onzième étage. C’était Charlie, la sœur d’Helene Bergman, mais depuis des années elles ne se parlaient presque plus. Helene n’avait jamais partagé l’obsession de son aînée : découvrir ce qu’il était arrivé à leur mère, disparue en novembre 1977, quelque part en Amérique du Sud. De cette Ing-Marie si belle, il ne reste plus que quelques photographies et le souvenir de ceux qui l’ont aimée. Mais tandis que la police s’apprête à classer la mort de Charlie comme un banal suicide, Helene se dit qu’elle aurait dû révéler certaines choses. Au bout de ces omissions, elle va devoir conduire elle-même une étrange enquête. Pas sur une mort, mais sur deux. Pas seulement sur sa sœur, mais aussi sur sa mère. Pas seulement en Suède, mais aussi en Argentine. »

La disparition de Ing-Marie a évidemment marqué ses deux filles, et toujours quarante ans plus tard. Charlie et Helene, les deux sœurs ont eu la même enfance, elles ont subi les mêmes blessures, pourtant, elles ont choisi des chemins radicalement opposés pour s’en sortir. Charlie voulait absolument comprendre, elle enquêtait, s’obstinant jusqu’à s’en gâcher la vie, la perdant même finalement. Helene, elle, a refusé la moindre trace de cette enfance et tout jeté aux oubliettes pour se construire une vie. Tove Alsterdal crée de beaux personnages de femmes, attachantes et fortes, qui se battent pour aller au bout de leurs choix.

Tove Alsterdal alterne le récit de ces vies : Ing-Marie à la fin des années soixante-dix, Helene et Charlie en 2014, elle remonte le temps et mêle leurs histoires avec une grande intelligence, une grande habileté. Elle sait créer le suspense et prend son temps, n’éclairant les secrets que petit à petit. Elle dévoile ainsi peu à peu une histoire sombre aux conséquences tragiques jusque dans le présent. La vie d’Helene est profondément bouleversée, elle doit se pencher malgré elle sur la disparition de sa mère qu’elle a vécue comme un abandon. Mais c’est en Argentine en 1977 que sa mère a disparu et son enquête va avoir des conséquences très dangereuses que ne peut soupçonner une jeune Suédoise en 2014.

Tove Alsterdal nous entraîne dans l’Histoire de l’Amérique Latine, une histoire hyper violente. Elle raconte la guerre sale en Argentine avec une réalité glaçante : la répression, les disparitions, la torture… La vie d’Ing-Marie est brutalement broyée comme celle de milliers d’autres (même maintenant on n’en connaît pas encore le nombre qui doit approcher les trente mille selon les organisations de lutte pour les droits de l’homme). La plupart des bourreaux n’ont pas été inquiétés par la justice et certains sont encore assez puissants et n’hésitent pas à employer la manière forte pour se protéger. L’onde de choc de cette guerre sale n’en finit pas de se propager.

Un très bon roman où se mêlent blessures intimes et tragédie collective.

Raccoon

© 2025 Nyctalopes

Theme by Anders NorenUp ↑