Traduction : Amandine Py.
Maria Oruña est une jeune auteure espagnole née à Vigo. « Le port secret » est son premier roman.
« En délicatesse avec Londres et avec ses fantômes, Oliver Gordon gagne un petit village côtier de Cantabrie afin de redonner tout son lustre à l’imposante bâtisse familiale héritée de sa mère espagnole et de la transformer en havre de paix pour citadins stressés. Au cours des travaux, les ouvriers exhument le cadavre momifié d’un nouveau-né (qui semble dater de la Guerre civile) accompagné d’une mystérieuse et anachronique amulette aztèque. À la macabre découverte succèdent l’assassinat d’un vieil homme puis celui d’un paisible médecin de campagne – autant de faits divers qui détonnent dans ces contrées tranquilles. La garde civile est dépêchée sur place.
À mesure qu’avance l’enquête, se mêlent au récit les fragments d’un journal anonyme ouvert pendant les prémices de la Guerre civile. On y lit l’existence d’une famille ordinaire dont le destin bascule sous les mitrailleuses des avions de chasse nationalistes. À la suite de la mort de la mère et de son plus jeune fils, le père, incapable d’élever seul ses enfants, commet l’irréparable en séparant la fratrie ; qui partira travailler à la ferme et qui ira “servir” chez les riches. La rancœur et l’ambition nourries par les années d’infortune ont engendré un monstre insatiable qui crie vengeance. Pourrait-il être lié aux inquiétants secrets que recèle sa maison ? Pour le découvrir, Oliver devra laver tout le linge sale de sa famille sous le regard intrigué d’un mystérieux lieutenant aux yeux vairons. »
C’est un premier roman très réussi, Maria Oruña capte vite notre attention dans cette enquête entre présent et passé et les personnages sont attachants : Oliver Gordon, un Anglais un peu paumé venu panser ses plaies en Espagne et chercher une vie plus lumineuse que celle qu’il menait dans son pays, Valentina Redondo, policière maniaque de l’ordre qui cache elle aussi de sacrées blessures… Et beaucoup d’autres qui se débattent face à des vies parsemées de difficultés aujourd’hui ou broyées par la violence de la guerre civile et les années de dictature de Franco hier. Car les enquêteurs vont devoir remonter assez loin dans le temps, au moment où ont été commises des horreurs dans la folie meurtrière de la guerre.
Maria Oruña alterne le récit de l’enquête, menée par des personnages dont les vies sont tourmentées par des drames actuels et le journal d’un mystérieux narrateur dont on comprend vite qu’il est lié de près à la tragédie sans pour autant savoir qui il est. Et le suspense fonctionne, il va même aller crescendo au fur et à mesure de la lecture. Le mystère s’épaissit et on se rend compte que la découverte de ce cadavre de bébé a réveillé un monstre qui n’hésite pas à tuer encore pour couvrir ses méfaits.
Maria Oruña rappelle ce que fut la vie en Espagne pendant la guerre civile et juste après : les attaques des avions, la terreur, la misère, les républicains pourchassés, les franquistes triomphants, les riches encore plus puissants parmi toute cette détresse. Un temps d’horreurs, de traumatismes énormes, propice à l’éclosion d’un tueur psychopathe. Pour survivre ou échapper à la misère, certains ont dû passer outre certains scrupules mais quelqu’un y a pris goût et est tombé dans une malfaisance profonde…
Un temps béni pour un meurtrier : il est facile de camoufler une disparition ou de faire endosser un meurtre à d’autres. Un temps pas si lointain dont les souvenirs sont encore vifs dans certaines têtes avec des conséquences violentes. Maria Oruña réussit à mêler les deux récits habilement, l’enquête est bien menée et le journal dévoile un personnage de plus en plus inquiétant mais dont l’identité n’est percée qu’à la fin.
Le roman se finit sur un début d’idylle qu’on voyait venir, elle, à grand pas et sur un rebondissement qui laisse à penser qu’on pourrait peut-être retrouver ces personnages… et pourquoi pas ? Le voyage n’était pas déplaisant.
Un bon polar noir.
Raccoon.
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